Bouquet final

Le 9 mai, au stade Roi Baudouin, le libero de l’Excel n’aura qu’un désir: gagner la Coupe de Belgique.

Le libero des Hurlus vient de signer un prolongement de contrat de deux ans à l’Excelsior de Mouscron. Il y était arrivé en 1995: un bail au cours duquel le solide Gordan a parcouru beaucoup de chemin avec ses équipiers du Hainaut Occidental.

Tout connu à Mouscron

Ce nouveau contrat de deux ans cadre-t-il avec vos ambitions?

Gordan Vidovic: Oui, entièrement. J’avais eu des contacts, concrets et financièrement intéressants, avec un club du Golfe Persique, à Dubaï exactement. J’ai été cité en Ecosse aussi mais ça m’intéressait moins. Mouscron voulait me garder et j’avais envie de rester. Je n’ai pas encore tout donné: il me reste des forces et de l’ambition. Mon désir est de laisser une trace de mon passage dans ce club où j’ai tout connu: la montée, l’Europe, la modernisation du stade, bientôt une finale de Coupe. La courbe des résultats est à la hausse et cela signifie que ce groupe, dans toutes ses composantes, avait envie de relance, de succès et d’avenir.

Cela s’est déclenché à la faveur d’un changement tactique dans la ligne médiane. Depuis la présence de deux pare-chocs, tout va mieux. En défense, il y a de la taille et nous n’avons jamais craint les ballons venant des ailes. Par contre, les adversaires perçaient un peu trop facilement dans l’axe. J’étais confronté à des déferlantes.

En unissant Tonci Martic à Steve Dugardein, Hugo Broos a résolu ce problème. Mbo Mpenza nous a apporté sa vivacité, son réalisme, son métier et on varie bien les coups en passant du 4-4-2 au 4-5-1 ou à autre chose: c’est un signe de richesse tactique. J’éprouve beaucoup de plaisir à jouer dans ces conditions.

Parler de plaisir à 33 ans, c’est bien: Broos n’avait-il pas songé à un contrat d’un an avec une option pour une saison en plus?

Peut-être, il me semble avoir lu cela mais dans ma tête, cela a toujours été deux ans. Je peux comprendre certaines hésitations car l’âge est là. J’ai parfois été blessé, au mollet notamment. J’ai toutefois raté peu de rendez-vous cette saison, quatre matches tout au plus. Quand je suis bien, je n’ai peur de personne, d’aucune concurrence.

« Kapellen était plus pro que Mouscron »

Mouscron en finale de la Coupe de Belgique: qui aurait pu y croire lors de la montée en D1?

Personne. Quand je suis arrivé, l’Excelsior était semi-pro. Kapellen, d’où je venais, était dix fois mieux organisé. A Kapellen, on me trouva une maison tout de suite: le choix était varié, pas de problèmes pour les meubles, je commandais tout ce que j’avais besoin dans un magasin et le club payait. A l’Excelsior, c’était la cata, personne ne savait quoi, il suffisait que je mette ma main sur la table de la cuisine pour qu’elle s’effondre, c’était des meubles d’occasion. Je me suis parfois demandé où j’étais tombé tant la différence était considérable.

Là, parmi les 500 spectateurs, il y avait au moins 100 milliardaires. Alors, une maison de plus ou de moins pour les joueurs, ça ne changeait rien du tout au budget. Je me suis demandé s’il était intéressant pour ma carrière de rester à Mouscron, en D2. Puis, je me suis dit: -Si Georges Leekens, un coach qui a du vécu, est à Mouscron, c’est que cela en vaut la peine. Je ne m’étais pas trompé et le travail de l’Excelsior a donné de plus beaux fruits que tous les milliards de Kapellen.

Et puis, il y avait Jean-Pierre Detremmerie pour qui une parole est une parole, et Willy Verhoost qui dénicha beaucoup de joueurs. Avant de signer, en 1995, j’avais eu une offre d’Ekeren. Le mécène de Kapellen voulait m’y emmener en signe de cadeau à son nouveau club et il me présenta au président de Germinal, Jos Verhaegen. Grosse bagnole, très hautain, il me lança avec dédain: -Si tu viens chez nous, tu aura 90.000 francs bruts par mois. Je lui ai demandé si c’était son dernier prix. Il m’a dit: -Oui. Je me suis levé, je lui ai dit au revoir en lui signalant que je ne venais pas du Biafra. Il n’en revenait pas. Pour qui me prenait-il? Et j’ai signé à Mouscron où j’avais une offre décente.

Entre vous et Leekens, ce fut l’entente parfaite, non?

Je sais ce que je lui dois. Mais ce fut parfois difficile entre nous. Il m’a parfois secoué les puces et je me suis souvent dit, après coup, qu’il avait raison. Quand je suis arrivé au Canonnier, j’ai pensé que ce serait très facile pour moi. J’ai pris des vacances, j’ai été voir mon ami Mario Stanic à Lisbonne et j’ai fait le tour de l’Europe. La belle vie! J’ai été étonné à la reprise des entraînements. C’était dur avec Leekens. Je souffrais, je ne jouais pas tout le temps. J’ai galéré durant six mois. Mais j’avais un atout: je marquais toujours, que ce soit en étant cinq minutes ou une demi-heure sur le terrain et c’était important.

Au début du tour final, j’ai reçu un terrible coup, j’avais un trou dans le pied. Normalement, c’était l’arrêt immédiat pour un mois mais j’ai joué grâce à des piqûres. C’était très douloureux et Mouscron est monté. Leekens n’a jamais oublié ce que j’avais fait pour la cause commune. Après, j’ai reculé dans le jeu, une idée du coach, car nous avions Emile et Mbo devant. J’avais déjà joué au centre de la défense à Zeljeznicar Sarajevo. Leekens le savait. Avec lui, j’ai appris à placer le travail avant tout. Je le rappelle parfois à des amis qui ont tendance à ne pas le faire…

« Leekens a mis le feu à la fusée »

Leekens a été pour beaucoup dans l’éclosion de Mouscron…

Il était « the rigt man in the right place »: Leekens a apporté son enthousiasme, son optimisme et cela a mis le feu à la fusée. S’il était resté jusqu’au bout de notre première saison en D1, Mouscron aurait pu empocher le titre. La suite, et c’est toujours le plus dur, c’est la confirmation, l’installation à long terme en D1. Une réalisation à mettre à l’actif d’Hugo Broos et de tout le club, président en tête. En quelques années, Mouscron est passé de l’âge de la pierre au XXIe siècle. Les joueurs disposent d’un outil de travail de très grande qualité. Ce club a compris que c’était la seule façon d’avoir un avenir. Quand un joueur voit cela, il a envie de rester. Dans ce contexte, Hugo Broos a aussi le nez fin pour trouver de bons joueurs.

Quel est le meilleur des joueurs que vous ayez vus à Mouscron?

Je pourrais en citer pas mal: la vitesse des deux frères Mpenza, la classe de Martic, la présence des Zewkalow, le travail de Besengez et de Dugardein, la rage de Ban, l’abattage de Vanderhaegen, et j’en oublie pas mal mais il y a surtout le talent pur comme le diamant de Dejan Mitrovic. Personne en Belgique n’est capable de faire la même chose que lui avec un ballon: c’est magnifique, carrément inouï mais…

Mais?

Dejan ne peut pas se contenter de cela. Il doit exploser, jouer tout le temps, être beaucoup plus fort que les blessures, mordre sur sa chique, ne pas se contenter de ce qu’il a acquis. Il vaut plus…

Est-ce qu’il serait capable de signer un but comme le bijou de Denis Bergkamp récemment?

Oui, il a aussi une feinte bien à lui. C’est du grand art.

Mouscron se sépare régulièrement de l’un ou l’autre joueur pour boucler son budget.

Je peux le comprendre mais c’est difficile si le coach doit ensuite revoir la structure d’un secteur.

Qu’avez-vous acquis de plus précieux au cours de ces années passées à Mouscron?

La liberté. Beaucoup ne parlent que d’argent, et c’est important. Moi, je me sens d’abord libre avec moi-même en menant la vie que j’ai choisie. Quand je me lève le matin, je sais qu’il y aura du boulot mais je ne suis pas stressé. Le football m’a tout offert et je suis un homme heureux avec ma femme et notre enfant. La liberté, oui, c’est ce quoi à je tiens le plus. Si on m’en prive ou qu’on m’attaque, je peux être méchant.

N’a-t-il pas fallu longtemps avant de découvrir le vrai Vido?

Avec les supporters, le courant est toujours bien passé. Si je suis resté, c’est que leur apport me plaisait et qu’ils apprécient le mien. Je passe tous les jours des heures au téléphone avec mes amis. Si je devais tous les voir, je boirais du café durant 20 heures et il me resterait quatre heures pour dormir et m’entraîner. Il y a un jardin que je protège bien: ma vie privée, ma famille. Indispensable pour la quiétude, le repos. Encore un domaine que je défendrai avec force si nécessaire. Pour le reste, je m’amuse, j’aime rendre service, etc.

« Je me méfie de la politique »

Vous allez devenir le grand frère du groupe, alors?

Peut-être. J’offre mon expérience à tout le monde. Je parle anglais, français, néerlandais: ça aide, n’est-ce pas? Je refuse désormais de répondre en anglais quand un journaliste s’intéresse à moi. Mais, je préfère que l’un ou l’autre se tienne à distance.

Toujours cette affaire de déclaration tapageuse dans un quotiden flamand?

Oui. Je n’entre pas dans un débat de type communautaire, pas ma tasse de thé. Avant la Coupe du Monde 98, un journal ne critiqua à mort car je risquais de prendre la place de Régis Genaux, Michaël Goossens ou Philippe Léonard. J’étais placé au centre d’un jeu qui ne me concernait pas. Puis, après, je suis tombé dans le panneau, j’en voulais à un journaliste, pas à toute la presse francophone. Je ne suis pas fou, je gagne ma vie et je suis bien en Wallonie, alors? J’ai eu des mots malheureux après une interview et cela a été exploité, étalé pour que cela soit sensationnel. Je retiens la leçon: prudence.

Resterez-vous en Belgique après votre carrière?

Oui, il y a déjà longtemps que j’ai pris cette décision: en épousant ma femme, qui est flamande, en optant pour la nationalité belge, en devenant papa, en achetant une maison ici et en me fondant dans cette société. Je me sens belge, de plus en plus, mais j’ai aussi des racines que je n’oublie pas. Mon fils parle le flamand et le serbo-croate. Ma femme aussi. Je l’ai déjà emmenée à Sarajevo. Après une semaine là-bas, je l’ai surprise à jurer en serbo-croate en jouant avec d’autres gosses.

En Belgique, on parle beaucoup du droit de vote pour les étrangers hors-Communauté Européenne: qu’en pensez-vous?

La politique, je m’en méfie. On voit ce que ça a donné en ex-Yougoslavie. En 90, si on m’avait parlé d’une guerre en Bosnie, j’aurais rigolé un bon coup. Pourtant… Ils méritent tous qu’on leur tire les oreilles durant 100 ans pour ne pas s’être entendus. C’est dire si je me méfie de la politique.

Avant de voter, j’écarte les nationalistes, les extrémistes de tous poils, ceux qui me font payer des taxes parce que je plante deux arbres dans jardin et finalement, je vote… comme mon épouse. Les femmes sont plus sensées que les hommes. Je ne sais pas si je voterais si je n’étais pas obligé de le faire. Cette obligation me dérange un peu: il faudrait être libre de voter ou pas. Je suis passé par la naturalisation. C’était mon choix. A mes yeux, les étrangers hors-CE devraient pouvoir voter. Ils vivent en Belgique, y payent leurs taxes: c’est leur univers. Ce serait très démocratrique, je crois.

Que ferez-vous après votre carrière?

Je ne sais pas, peut-être du management sportif car j’ai beaucoup de relations. Il me semble que je pourrais apporter quelque chose, des conseils, aux joueurs qui sont plus fragiles qu’on le pense.

Pierre Bilic,

Dia 1

« Mouscron voulait me garder et j’avais envie de rester »

« C’est à la liberté que je tiens le plus »

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