» Borussia Barcelona, c’est un peu exagéré « 

L’attaquant belge de la révélation de la saison allemande au commentaire.

Encore 9 matches, 9 finales pour Mönchengladbach. Objectif : qualification directe pour la Ligue des Champions. Igor de Camargo (28 ans) et ses potes sont dans les temps. La semaine prochaine, ils disputent aussi, à domicile, une demi-finale de Coupe d’Allemagne contre le Bayern, le géant contre lequel ils ont pris les six points en championnat. Et dire que ce club avait un pied et trois orteils en D2, il y a juste un an.

Cette résurrection d’un grand nom qui n’a plus rien fait de bon depuis une éternité (dernier titre en 1977, dernière Coupe en 1995) fait un buzz pas possible en Allemagne. Une des meilleures défenses d’Europe, un intérêt populaire fou (presque jamais une place libre dans le temple de 54.049 places) et surtout un football qui est sans doute le plus séduisant de la Bundesliga. Igor de Camargo n’est pas dans la saison où il joue le plus : une blessure et l’éclatement de Marco Reus expliquent ses stats perfectibles. Mais le Brésilien devenu Belge et Diable reste Mister Sourire et Monsieur Optimisme. Il nous reçoit pour parcourir et commenter des extraits de presse parus sur lui et son club depuis l’été dernier.

Lu en août dernier :  » Le directeur sportif Max Eberl n’avait pas fait l’unanimité quand il avait engagé l’entraîneur suisse Lucien Favre en février 2011. Favre passait pour un coach dont les idées sont difficiles à comprendre. Mais les joueurs du Borussia ont directement vu où il voulait en venir. Eberl considère Favre comme un artiste du foot. Ce côté artistique, il l’a découvert lorsqu’il a fait un stage de deux semaines à Barcelone, à l’époque où cette équipe était entraînée par Johan Cruijff. Ce fut une révélation pour lui, il dit que ce furent les 15 jours les plus intéressants de sa vie. Il s’inspire de la philosophie de Cruijff et ne laisse rien au hasard. Avant chaque match, il se farcit au minimum 8 heures de vidéos sur l’adversaire. « 

C’est une bonne description du travail de Favre ?

Igor de Camargo : Je le retrouve dans cet article, oui. Dès qu’il s’exprime, les joueurs boivent ses paroles. Ses discours tactiques, c’est du très haut niveau. Il ne supporte que le beau jeu et c’est un maniaque de la possession de ballon. Contre Nuremberg, par exemple, qui n’est pas un nain de la Bundesliga, nous avons eu la balle pendant 80 % du temps. Et lors de trois matches sur quatre cette saison, nous avons plus eu le ballon que l’adversaire. Favre veut aussi que ses joueurs s’amusent, en semaine comme le week-end. Dans beaucoup de clubs allemands, le physique et le côté athlétique passent au premier plan. Ici, on a presque toujours un ballon au bout du pied. Et c’est vrai que le coach connaît tout sur l’adversaire. Nous n’avons jamais eu de surprise depuis qu’il est arrivé.

Toujours en août :  » Favre dit que ça ne l’intéresse pas d’avoir des stars dans son noyau. Il préfère travailler avec des joueurs qu’il peut aider à progresser. « 

Avant l’éclosion de Reus, il n’y avait vraiment pas de vedette dans l’équipe ?

Non. Maintenant, c’est difficile de sortir un tout grand nom quand l’équipe se bat pour ne pas descendre. Dans ces cas-là, il est rare qu’une individualité parvienne à casser la baraque.

Encore en août :  » Igor de Camargo a été la star de la première journée de championnat en marquant le seul but du match lors du déplacement au Bayern. « 

Ton premier jour de gloire en Bundesliga ?

Non. C’était très agréable de créer une surprise pareille et d’être l’homme du jour, mais le sauvetage en fin de saison dernière, avec ces deux matches couperets contre Bochum, m’a donné encore plus de frissons. A l’aller, à domicile, nous faisons 1-0 à la dernière seconde. Au retour, nous sommes menés 1-0, Bochum nous met une pression insupportable puis nous finissons par égaliser et sauver notre peau en D1.

Après ce match au Bayern, Manuel Neuer est resté près de 1.150 minutes sans prendre de but !

Pendant ces deux bons mois, on m’en a souvent parlé. Je l’ai battu puis il est devenu invincible : tant mieux pour lui et pour le Bayern. (Il rigole).

Comment tu juges tes stats de buteur depuis ton arrivée en Allemagne ?

Euh… La saison dernière, je pouvais être satisfait. Cette saison, c’est moins bon. J’ai aussi été blessé pendant un mois et demi. Je n’ai jamais eu une série de cinq ou six matches pour vraiment retrouver le rythme. Je ne compte pas les rencontres où je n’ai joué que 10, 15 ou 20 minutes. Donc, ça pourrait être mieux… et ça va être mieux.

C’est avec Heusden-Zolder que tu avais été le plus efficace sur une saison complète…

Oui, c’était Heusden-Zolder. J’avais quoi comme concurrence ? Idem au Brussels. Dans ces deux clubs, j’étais tout seul pour une place en pointe. Alors, forcément, beaucoup de buts étaient pour moi. Au Standard, la concurrence était méchamment plus corsée. Et ici, je ne te dis pas… Reus et Mike Hanke, ce ne sont pas des manchots !

Au Standard, Laszlo Bölöni avait solutionné le problème de la concurrence avec Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani en te faisant reculer. Ça te plaisait ?

Enormément. C’était nouveau pour moi, j’ai découvert les sensations d’une espèce de numéro 10, de gars qui peut surprendre en faisant mal depuis la deuxième ligne. D’ailleurs, ce sont mes bons matches dans ce rôle-là qui m’ont permis de séduire Mönchengladbach.

Tu n’as jamais joué comme ça ici.

Non, on pratique un 4-4-2 classique et quand je suis sur le terrain, je suis toujours un des deux attaquants. Parfois, je dois reculer un peu, mais jamais suivre un homme jusqu’à notre rectangle comme je le faisais avec Bölöni.

Mois d’août :  » Igor de Camargo était rayonnant, hier, à l’entraînement des Diables. Après 11 mois d’absence, il a retrouvé le noyau qui prépare le match en Slovénie. « 

Tu t’étais dit que Georges Leekens ne comptait plus sur toi ?

Parfois, tu te poses des questions. Mais je ne me suis jamais mis la pression. Je suis resté calme et je me disais que si je faisais des flammes avec mon club, je retrouverais les Diables. J’ai toujours été convaincu que je pouvais apporter quelque chose de spécifique à l’équipe belge. Leekens le sait aussi. Quand je l’ai revu à l’entraînement, il m’a dit : -Je vois que tu bosses bien avec Mönchengladbach, c’est logique que je te rappelle.

Septembre 2011 :  » Mönchengladbach continue à séduire l’Allemagne. Cette équipe, qui avait la pire défense d’Europe il y a un an, a aujourd’hui la meilleure ligne arrière du continent. Et elle pratique le plus beau football de Bundesliga. Un quotidien anglais lui a trouvé un surnom : Borussia Barcelona « 

Borussia Barcelona, ce n’est pas un peu exagéré ?

(Il rigole). Il faut rester les pieds sur terre… Barcelone, c’est Barcelone. Tu les as vus contre Leverkusen, qui est dans le top 5 de la Bundesliga mais s’est fait complètement ridiculiser ? Nous faisons notre boulot, nous voulons prendre du plaisir en produisant un jeu spectaculaire, mais ce que le Barça fait est encore d’une autre dimension, évidemment. Le principal point commun entre eux et nous, c’est la façon de faire circuler le ballon calmement, patiemment, en attendant la faille dans la toile adverse. Dès que nous repérons un trou, nous plaçons une accélération qui provoque régulièrement la décision. Il faut miser sur la petite ouverture, pas sur la fatigue de l’équipe d’en face. Avec le travail physique qu’on fait en Allemagne, je ne vois presque jamais de joueurs sur les genoux en fin de match !

Et en octobre :  » Igor de Camargo s’est abîmé le genou dans la préparation du match Belgique-Allemagne et commente sa énième blessure depuis son arrivée en Bundesliga. Il signale que dans son corps, tout est cassé, pour ainsi dire des pieds à la tête. « 

Tu es foutu ?

(Il rigole). Mais non, je prouve quand même que mon corps est toujours en ordre pour jouer à un très haut niveau, non ? J’ai dit à un journaliste que j’avais déjà eu pas mal de bobos, il en a conclu que je ne valais plus rien. Pas de panique, je vais encore faire de très bonnes choses !

Tu as une explication à tes blessures fréquentes ?

Ce sont souvent des accidents. Quand je suis arrivé ici, je me suis abîmé la cheville, j’ai dû être opéré. Avant le match contre l’Allemagne, mon genou a été touché dans un contact avec Gaby Mudingayi. Je ne suis pas inquiet : après chaque blessure, j’ai l’impression d’être revenu plus fort.

Devoir déclarer forfait pour le match contre les Allemands, c’était une grosse frustration ?

Bien sûr. Ça se jouait à Düsseldorf, à deux pas d’ici, presque à la maison. Je m’étais mis en tête de me montrer ce jour-là. Au final, je me suis retrouvé à l’infirmerie pendant six semaines.

A la Toussaint, on lit :  » Après la démonstration de Gladbach contre Brême (5-0), Favre a scié les journalistes. Il a signalé qu’il avait surtout vu des points négatifs dans le jeu de son équipe : une défense qui avait commis pas mal d’erreurs, une récupération qui laissait à désirer et un trop grand nombre de fautes. Quand on lui a demandé ce qu’il avait vu de positif, il a dû longtemps réfléchir puis a répondu : -Notre premier but était joli, il a été marqué après une belle combinaison « .

Ton coach se concentre plus sur ce qui ne va pas que sur ce qui marche ?

Tout à fait. Il a raison. Ce n’est pas en s’attachant sur ses points positifs qu’on progresse. Favre a une obsession : corriger pendant toute la semaine ce qui n’a pas été assez bon le week-end précédent. Il nous félicite après un bon match mais met directement le doigt où ça fait mal.

Décembre :  » Ai se eu te pego, le hit du chanteur brésilien Michel Telo, gagne le foot européen. Neymar a été le premier à exécuter la chorégraphie de cet air pour fêter ses buts. Le phénomène a ensuite gagné l’Espagne, avec Cristiano Ronaldo et Marcelo. Puis l’Italie avec Pato. Aujourd’hui, ce sont les joueurs de Mönchengladbach qui s’y mettent. « 

C’est spectaculaire quand toute l’équipe s’y met après avoir marqué !

C’est beau, hein ? Ça met une ambiance folle dans le stade.

Les premières fois, le discret Filip Daems se tenait à l’écart. Maintenant, il joue aussi le jeu.

C’est un joueur tout en retenue mais un capitaine extraordinaire. Sa tranquillité rejaillit sur tout le noyau. Daems est l’assurance tous risques du Borussia.

Ta passion pour la musique est toujours aussi forte ?

Plus que jamais. J’ai une guitare et un banjo. Mon prochain achat, c’est une batterie. C’est génétique. Mon grand-père était un bon trompettiste, mes parents sont fous de musique aussi.

Décembre :  » Mönchengladbach élimine facilement Schalke de la Coupe d’Allemagne (3-1) et confirme sa bonne forme du championnat. « 

Quelle est l’importance de la Coupe par rapport à vos objectifs en Bundesliga ?

On n’est pas en Belgique… Ici, la Coupe est prise au sérieux. Nous allons affronter le Bayern en demi-finales : un gros morceau !

Vous l’avez battu deux fois en championnat : vous partirez avec un avantage psychologique ?

Non, ces deux victoires ne comptent plus. Ici, tous les grands traversent un passage à vide en championnat. On ne dramatise pas, on se dit qu’il reste 10 ou 20 matches pour corriger le tir. Mais en Coupe, tout le monde donne tout. Le Bayern est moins bien pour le moment mais je m’attends à rencontrer une équipe ultra-motivée.

Tu as été trois fois champion de Belgique mais tu n’as jamais gagné la Coupe : un regret ?

Un très gros, oui. C’est un trophée, une belle ligne sur ton CV. Je suis passé très près, en 2007 avec le Standard. Bruges nous a battus 1-0 en finale. Tu sais que la Coupe est la seule compétition qui m’a fait chialer pendant mes dix années en Belgique ?

Explique…

L’année où nous allons au Heysel, je prends une carte jaune dans le match aller des demi-finales contre Anderlecht. Dans le vestiaire, je m’effondre, je m’enferme dans les toilettes pour pleurer et crier ma rage. Je dis à Michel Preud’homme : -Je suis suspendu pour le retour, on va se faire éliminer, et moi qui rêvais de jouer la finale… J’avais même supplié l’arbitre de ne pas me donner cette carte quand j’avais vu qu’il mettait la main vers sa poche. Preud’homme m’a serré dans ses bras : -Ne t’inquiète pas, on va se qualifier et tu seras sur le terrain en finale.

Décembre :  » Gladbach subit une défaite étonnante à Augsbourg (1-0), la lanterne rouge, et rate l’occasion de passer en tête « .

C’est en gaspillant des points contre les petits qu’on peut perdre un titre ?

Ouais… Mais nous ne sommes pas les seuls à tomber dans des pièges pareils. Parfois, tu affrontes des équipes très mal classées, style Augsbourg ou Fribourg. Tout le monde s’attend à ce que les grands déroulent dans ces matches-là, mais on tombe sur des gars qui nous font dire après-coup : comment est-ce possible qu’ils soient tout en bas du classement ? Il y a quelques clubs qui prennent peu de points mais jouent super bien au foot.

En fin d’année :  » Logan Bailly a cassé son contrat à Neuchâtel et est de nouveau lié à Mönchengladbach, qui le prête directement à Genk. « 

On en a parlé ici ?

Pas du tout.

Parce que le gardien qui a pris sa place, Marc-André ter Stegen, fait une saison magnifique ?

Oui. C’est un talent extrême, il a une hargne exceptionnelle. Dès qu’il monte sur le terrain, ses yeux sont un peu embués, tellement il en veut. C’est un des plus grands espoirs du foot allemand, il va seulement avoir 20 ans. C’est sûr, il sera tôt ou tard titulaire en équipe nationale. Au niveau explosivité et technique de frappe, il est encore plus fort que Neuer.

Nouvelle année :  » Marco Reus jouera à Dortmund à partir de la saison prochaine. Acheté par Gladbach pour 800.000 euros en 2009, il va rapporter 18 millions, devenant ainsi le troisième transfert le plus cher de l’histoire de la Bundesliga. « 

C’est quoi, le phénomène Reus ?

L’histoire d’un attaquant qui explose parce qu’il est soutenu par toute son équipe. C’est la force du groupe qui fait ressortir une individualité pareille. Si chacun essaie de provoquer lui-même la décision, le Borussia va droit dans le mur.

Les supporters n’auraient pas préféré qu’il signe au Bayern ou à Hambourg ? Dortmund, c’est un voisin, un rival régional !

Non, son transfert passe bien. Nos supporters comprennent son choix : il est né à Dortmund, il y a joué pendant 10 ans chez les jeunes et c’est un club grandiose. Par contre, Reus aurait eu de gros problèmes ici s’il avait signé à Cologne. C’est ce club que personne n’aime à Mönchengladbach. La semaine qui précède nos matches contre ce voisin, l’ambiance est électrique. Quand nous allons jouer là-bas, notre car et ceux des supporters doivent être escortés par la Polizei… C’est la même atmosphère de combat qu’avant les test-matches entre le Standard et Anderlecht en 2009.

Février :  » Les Diables Rouges ont arraché un match nul en Grèce mais c’est bien le seul point positif. Pour le reste, il n’y avait pas grand-chose à voir. Les Belges ont toujours autant de mal à emballer une rencontre et à maintenir un bon niveau pendant une heure et demie. « 

Tu es d’accord ?

Nous prenons un but malheureux puis Nicolas Lombaerts est exclu. A partir de ce moment-là, c’est compliqué. Tu sais que tu ne vas pas mettre quatre buts en déplacement à une équipe qualifiée pour l’EURO.

Se qualifier pour le Brésil, c’est possible ?

Sûr à 100 %.

C’est ce qu’on dit depuis 10 ans avant chaque campagne éliminatoire.

Maintenant, c’est certain, le groupe est prêt. L’Allemagne et l’Espagne ont eu besoin de quelques années pour trouver le feeling et s’installer au top. Maintenant, chez nous aussi, le feeling est là.

Ça ne se voit pas toujours…

Leekens a plus ou moins son équipe type, c’est du solide.

Tu te donnes quel pourcentage de chances d’être dans cette équipe type ?

Je bosse mais je suis incapable de répondre.

Tu as déjà joué 8 fois avec les Diables mais tu n’as pas encore marqué. Ça commence à jouer dans la tête ?

Pas du tout. Evidemment, les buts sont la nourriture d’un attaquant mais je reste tranquille. Ce premier but va venir. Même sans marquer, je trouve que j’ai fait quelques matches solides.

Mars :  » Sepp Blatter présente ses excuses au gouvernement brésilien suite aux déclarations de Jérôme Valcke, le secrétaire général de la FIFA, qui avait affirmé que le Brésil devait se donner un coup de pied aux fesses afin d’être prêt pour le Mondial 2014 « .

Tu as suivi les réactions au Brésil ?

Oui, et la FIFA ne s’y est pas fait des amis. C’est grave de tenir un discours pareil, un manque de respect total vis-à-vis du gouvernement. Quand on s’exprime devant le monde entier sur des sujets aussi importants, on doit mesurer ses paroles. Les stades seront prêts, ce sera la Coupe du Monde de la joie et de la couleur.

PAR PIERRE DANVOYE, À MÖNCHENGLADBACH

 » La Coupe est la seule compétition qui m’a fait chialer pendant mes dix années en Belgique.  »  » Quand nous allons à Cologne, on est escorté par la Polizei. Comme avant Standard-Anderlecht. « 

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