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#borntofly

C’est par ce hashtag que le Suédois Armand Duplantis (20 ans) a conclu son tweet après avoir battu à deux reprises le record du monde en salle du saut à la perche, dans un passé récent. A sept ans, le jeune homme né pour voler était déjà surnommé Mondo, parce qu’il était prédestiné à conquérir le monde de l’athlétisme.

Oh, sometimes

I get a good feeling, yeah

Get a feeling that I never, never, never, never had before, no no

I get a good feeling, yeah

C’est au rythme de Levels, un titre du DJ suédois Avicii, qu’ Armand Duplantis (20 ans) chauffe le public du meeting de Torun, en Pologne. Son objectif : sauter un centimètre plus haut que Renaud Lavillenie en 2014, lorsque le Français a franchi 6,16 m et battu le record du monde légendaire de Sergueï Bubka. Au petit déjeuner, Duplantis a reçu un message du Français :  » Bonne journée, baby. Mais pas trop bonne.  »

Jusqu’à l’âge de 12 ans, avec son père Greg comme coach, Duplantis établissait chaque année la meilleure performance de tous les temps.

Ce sera une journée mémorable. Le Suédois sera le premier à franchir 6,17 m. En extase, il gravira les marches de la tribune pour embrasser sa mère, Helena, et tapera dans les mains pour la plus grande joie du public.  » Ceci est le résultat de tout ce que j’ai fait dans la vie. Je plane toujours, comme si j’étais dans un autre monde « , dit-il avant de poster sur Twitter : WORLD RECORD ! ! ! ! #borntofly. Il ne croyait pas si bien dire car une semaine plus tard, à Glasgow, Duplantis franchissait les 6,18 m avec aisance.

Les bons gènes

Le record du monde, il en rêve depuis l’âge de quatre ans. Son père, Greg Duplantis, est un ex-perchiste américain qui s’est classé 6e du Mémorial Van Damme en 1991 et a signé sa meilleure performance personnelle en 1993 (5,80 m.) Sa mère, Helena Hedlund, est une ancienne heptathlonienne et joueuse de volley qui a quitté la Suède en 1986 pour s’installer à Baton Rouge, où elle a épousé Greg Duplantis en 1987.

Armand est né le 10 novembre 1999. Il a deux grands frères – Andreas (26 ans) et Antoine (23 ans) – et une petite soeur – Johanna (17 ans). Ils ont tous fait du sport. Antoine a été recruté par le club de baseball des New York Mets et jouait la saison dernière aux Brooklyn Cyclones, une filiale qui évolue en Minor League. Andreas a fait du saut à la perche (record personnel à 5,42 m) et Johanna semble promise à un bel avenir dans cette discipline.

#borntofly

Mais celui était vraiment prédestiné à sauter, c’est Armand. Un jour, un passant l’a vu dans un arbre avec son lange et a appelé les pompiers. Hyperactif, il faisait du saut à la perche dans le salon avec un balai et un pouf qui lui servait de matelas. Puis, dans le jardin de la maison parentale de Lafayette, où Greg avait aménagé une Kid Cave.

Celle-ci comprenait un trampoline, des filets d’escalade et un stand de saut à la perche avec piste d’élan en bois de 40 mètres, un matelas de réception et de la mousse sur le mur en cas d’atterrissage manqué. Les voisins n’étaient pas spécialement heureux de voir Armand s’envoler, parfois même à la nuit tombée, car le stand était éclairé.

Greg organisait également des mini-meetings d’athlétisme à la maison. Ses enfants se mesuraient à ceux du quartier. Ils jouaient aussi au football américain et au baseball et le plaisir passait avant tout.

Contre son idole, Renaud Lavillenie

Armand n’a de toute façon pas eu besoin qu’on le pousse à aimer la perche. A l’âge de 7 ans, déjà, il étudiait des vidéos d’ex-champions et testait différentes techniques. Celle de Sergueï Bubka bien sûr mais aussi de Scott Huffman, qui a fait fureur dans les années ’90 et même de Cornelius Warmerdam, le dernier à avoir battu un record du monde avec une perche en bambou, en 1942.

Mais la grande idole d’Armand, c’était Renaud Lavillenie. Un coup de foudre qui datait de 2009, lorsque le Français avait franchi 6,01 m. Air Lavillenie compensait sa petite taille (1,77 m.) par beaucoup de vitesse et une technique parfaite pour sauter très haut.

Duplantis, qui rendait également plusieurs centimètres aux sauteurs de sa génération, se reconnaissait en lui. En regardant sauter le Français, il prenait confiance : plus tard, il battrait des records, lui aussi.

Des records, il en avait pourtant déjà battu. A sept ans, il avait établi le record du monde officieux de sa catégorie d’âge. C’est pourquoi un ami italien de son père l’avait surnommé Mondo, monde en Italie.  » Parce qu’un jour, tu vas conquérir le monde « , lui avait-il dit.

Ce n’était pas tout à fait idiot car jusqu’à l’âge de 12 ans, avec son père comme coach, Duplantis établissait chaque année la meilleure performance de tous les temps (voir encadré).

A 13 ans, il se faisait remarquer par Lavillenie, son idole qui, au lendemain d’une compétition à Reno (Nevada), le voyait franchir 3,97 m. Il conservait la vidéo et en 2018 au cours d’une interview avant le Mémorial Van Damme, il la montrait à Duplantis, tout surpris.

Devenir le meilleur de tous les temps

Mondo avait déjà réalisé un de ses rêves : rencontrer son idole en compétition. Il avait lu sa biographie et avait encore un poster et un maillot dédicacé dans sa chambre. Lavillenie avait 13 ans de plus que lui mais après les Jeux Olympiques de Rio, il avait décidé de prolonger sa carrière tandis que Duplantis ne cessait de s’élever.

En avril 2017, à Austin, sous le maillot de la Suède, il avait porté le record du monde juniors à 5,90 (voir encadré). Il avait alors 17 ans et The New York Times l’avait surnommé  » le Tiger Woods de la perche.  » Sam Kendricks, le meilleur Américain de la discipline, disait de lui :  » Mondo est sorti de son cocon. Now he is a freakin’ butterfly (papillon).  »

A l’âge de 7 ans, déjà, Armand Duplantis étudiait des vidéos d’ex-champions et testait différentes techniques.

Un mois plus tôt, Kendricks et Duplantis s’étaient lancé un challenge sur internet : franchir cinq fois 5,50 m. en une demi-heure. C’était loin d’être évident – et très dur physiquement – pour un jeune homme de 17 ans mais Mondo avait relevé le défi brillamment. Il avait même franchi dix fois la barre sur onze tentatives en… 28 minutes.

Tout cela grâce à une technique parfaitement fluide qui lui demandait peu d’énergie. La vidéo avait fait le tour du monde. Comme celle de son saut par dessus les trois mètres de l’année précédente, où on le voyait s’élancer sur hoverboard (un genre de skateboard avec des roues).  » The future is here « , avait écrit Mondo en légende. Et son avenir, c’était :  » Devenir le meilleur de tous les temps « , disait-il, sûr d’y arriver.

On se rendait vite compte que ce n’était pas utopique car, après avoir décroché des médailles d’or aux championnats du monde cadets (2015), à l’EURO et au Mondial juniors (2017 et 2018), il prenait part à l’Euro de Berlin (2018), son premier grand championnat chez les seniors.

Le plus jeune déjà au-dessus de 6 mètres

Au cours d’une compétition d’un niveau particulièrement élevé, il devenait le plus jeune athlète de tous les temps à franchir la barre des 6 mètres pour s’arrêter à 6,05 m, soit cinq centimètres plus haut que le Russe Timur Morgunov et dix de plus que… Renaud Lavillenie, dont il égalait le record personnel. Seul Sergueï Bubka avait fait mieux mais son dernier record du monde outdoor (6,14 m.) datait déjà de 1994. Cinq ans avant la naissance de Duplantis.

A 18 ans et 275 jours, le Suédois devenait le plus jeune champion d’Europe de tous les temps toutes disciplines confondues (sauf les épreuves multiples). Mais ce qui lui faisait le plus plaisir, c’était de grimper sur le même podium que Renaud Lavillenie, chez qui il avait passé deux semaines à Clermont-Ferrand pour préparer l’EURO.

Tel un grand frère, le Français (31 ans à l’époque) lui avait transmis sa sagesse. Autant que possible, du moins, car tout le monde saluait surtout les énormes connaissances de la perche de Duplantis.

Deux semaines à peine après son titre européen, Mondo ouvrait une autre porte : il passait de la Lafayette High School à la Louisiana State University de Baton Rouge, où ses parents et ses deux frères avaient étudié. A 18 ans, il faisait le choix de ne pas devenir professionnel et de continuer à s’entraîner en tout sérénité. Et tant pis si, en raison de sa bourse d’études, il ne pouvait pas encaisser de primes de départ ou avoir de sponsors.

Son rêve avait toujours été de participer à des meetings NCAA sous le maillot mauve et or des LSU Tigers. Il était donc tout heureux de franchir à nouveau la barre des six mètres lors des SEC Championships à Fayetteville, sous les yeux de toute sa famille.

Chez Puma, comme Bolt

Il ne restait toutefois qu’un an à LSU car, en juin 2019, il annonçait qu’il devenait professionnel et que ses objectifs étaient le championnat du monde à Doha ainsi que les Jeux Olympiques de Tokyo. Dans un long message sur Instagram, intitulé LSU forever, il faisait ses adieux à l’université et se rappelait les bons moments vécus comme étudiant, saluant également les équipiers qui, dans les moments difficiles, l’avaient encouragé à poursuivre.

Au même moment, Puma annonçait avoir fait signer Duplantis. Ce n’était pas un hasard car Mondo a toujours voulu succéder à Usain Bolt en tant que figure de proue de l’athlétisme. Charismatique, sobre et éloquent, il était très apprécié des annonceurs. Plus tard, avec l’aide de l’agence suédoise JRS Sports Management, qui accompagne aussi les frères Ingebrigtsen, le sauteur en hauteur Mutaz Barshim et la nageuse Sarah Sjöström, Duplantis allait signer des contrats avec Red Bull et Omega Watches.

Tout ce qu’il touchait ne se transformait pourtant pas immédiatement en or. En octobre 2019, au Mondial de Doha, Mondo loupait le titre mondial parce qu’il lui fallait plus de tentatives que Sam Kendricks pour franchir 5,97 m. Cela le motivait à travailler encore davantage en hiver et à remplacer ses plats panés favoris par des légumes.

Avec succès puisque, lors de son premier meeting indoor de l’année, le 4 février 2020 à Düsseldorf, il s’en fallait de peu qu’il batte le record du monde. Quatre jours et quelques ajustements techniques plus tard, à Torun, sur l’air de DJ Avicii, le Suédois franchissait un nouveau palier : 6,17 m. Suvi samedi passé, à Glasgow, d’un autre : 6,18 m. Cette semaine, à Liévin (mercredi) et Clermont-Ferrand (dimanche), il n’est pas impossible qu’il franchisse 6,19 ou 6,20 mètre. Avec, à la clé, une prime de 30.000 dollars pour chaque record du monde battu.

S’il continue à progresser de la sorte – selon les connaisseurs, il pourrait franchir les 6,30 m.) et décroche l’or olympique à Tokyo en 2020, il deviendra le plus grand athlète de tous les temps et le monde sera aux pieds de Mondo, le gamin qui, à l’âge de quatre ans, armé d’un balai, rêvait de conquérir la planète. #borntofly

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Il a choisi la Suède

Armand Duplantis est né à Lafayette, en Louisiane, de père américain et de mère suédoise. Il possède la double nationalité mais en 2015, à l’âge de 15 ans, il a décidé de sauter sous les couleurs de la Suède, où il allait en vacances chez ses grands-parents chaque été et s’entraînait au club d’athlétisme qu’ils dirigeaient.

Le coach national des juniors, Jonas Anshelm, l’avait vite repéré et il avait appelé Greg Duplantis pour lui dire que son fils devait absolument opter pour la Suède, comme son frère Andreas. De plus, le père Duplantis, avocat aux Etats-Unis, s’était vu proposer un boulot d’entraîneur à la fédération suédoise.

Enchanté par les récits de sa mère, Helena, Armand n’a pas hésité longtemps. Enfin, il était plus facile de se qualifier pour les grands championnats avec la Suède qu’avec les Etats-Unis, où les athlètes doivent toujours passer par les trials. Les Américains ne le lui ont pas pardonné et le critiquent toujours sur les réseaux sociaux mais il s’en fiche.

Immédiatement après avoir fait son choix, il s’est mis à apprendre le suédois et aujourd’hui, bien qu’il ne réside à Uppsala que pendant la saison européenne, il est très populaire en Suède. C’est ainsi que le quotidien Aftonbladet a consacré pas moins de sept pages à son record du monde à Torun. Et que le lendemain, il a été accueilli en héros au Skavsta Airport de Stockholm.

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