Boom en vue

Les organisateurs de stages de tennis refusent du monde et les clubs vont bientôt se frotter les mains.

Alors que les Championnats de Belgique battent leur plain, les allées du Léopold Club de Belgique ne cessent de répercuter les échos des discussions qui, toutes ou presque, tournent autour des exploits de Justine Henin et de Kim Clijsters qui, comme les autres stars du tennis belge, ne disputent pas cette épreuve.

Jamais, sans doute, dans l’histoire du tennis belge, on n’aura autant parlé d’un duo de joueurs.

Sauf, peut-être, lors des exploits de Jacky Brichant et de Philippe Washer qui, au Léopold déjà, avaient fait vibrer la nation en atteignant par deux fois la phase finale de la Coupe Davis. C’était dans les années 50 et le tennis n’était évidemment pas encore le sport médiatique que l’on connaît aujourd’hui.

Mais au fond, ces performances magnifiques auront-elles un effet sur le nombre d’affiliés à la Fédération Royale Belge?

« Franchement, je ne pense pas qu’il faille s’attendre à une augmentation importante du nombre d’affiliés en 2001 », reconnaît Franz Lemaire, secrétaire général de l’Association Francophone. « Je dis cela parce que les résultats de Kim et Justine ont été réussis deux mois après le début de la saison estivale, soit deux mois après que la plupart des joueurs de club aient déjà payé leur cotisation. Je ne crois donc pas que de nombreux nouveaux joueurs désirent payer leur cotisation pleine pour ne jouer que deux ou trois fois au cours des quatre derniers mois de la saison. Je pense plutôt que ces derniers s’inscriront de manière réelle en 2002. Nous ne pourrons donc jauger l’augmentation que vers le moins de juillet de l’année prochaine, lorsque les premiers chiffres en provenance des clubs seront centralisés au secrétariat ».

Même observation côté de la VTV, l’aile flamande de la Fédération Royale Belge.

« Je partage l’avis de Franz Lemaire », avance Walter Goethals, son alter ego à la VTV. « Nous ne devrions pas ressentir les effets avant l’année prochaine. De notre côté, comme nous sommes en augmentation constante depuis quelques années, nous n’observerons pas un fort changement; à savoir que, cette année encore, nous devrions gagner 1.200 affiliés ».

Pourquoi payer une cotisation si on ne dispute pas de tournois?

Ce manque de nouveaux membres peut également être expliqué par le fait que les statuts de la fédération exigent que tous les joueurs foulant un terrain de tennis soient affiliés. Ce qui veut dire que, outre la location horaire éventuelle de leur heure de jeu, ils devraient débourser 650 francs lors de leur première venue dans un club.

« Je suis bien conscient que cet état de fait pose un réel problème », affirme le secrétaire francophone. « Certains clubs ne respectent évidemment pas cette règle mais il faut que nous nous penchions sur celle-ci afin de ne pas décourager les nouveaux amateurs de tennis. L’idée de créer une licence qui ne serait payée que par les compétiteurs (soit ceux qui prennent part à des tournois et des interclubs) me paraît être la meilleure voie mais, hélas, elle a été rejetée il y a quelques années ».

Cela étant dit, si le nombre de membres full time ne croîtra pas de manière exceptionnelle, les enfants s’inscrivant à des stages sont, eux, de plus en plus nombreux.

« Les stages d’été que nous organisons pendant plusieurs semaines des mois de juillet et d’août connaissent un succès sans précédent », explique David Basile, directeur sportif dans plusieurs clubs bruxellois et wallons. « Nous n’avons jamais connu un tel afflux. En fait, comme Justine et Kim ont réalisé un super Roland Garros, les gosses ont eu la possibilité de s’inscrire aux premiers stages d’été. Parfois, cela nous pose même des problèmes car nous ne disposons pas toujours du nombrede courts suffisant. En fait, le problème réside toujours dans l’équilibre qu’il faut impérativement respecter entre les membres et les élèves de l’école de tennis ».

« Ce qui est formidable, c’est que l’école de tennis constitue sans aucun doute le réservoir privilégié pour un club et, donc, pour la fédération », confirme un président de club hennuyer. « Je suis certain que, dès l’année prochaine, l’ensemble des clubs des deux régions linguistiques connaîtra une année faste, à condition bien entendu, de se faire connaître et de faire savoir que le tennis n’est plus du tout le sport onéreux qu’il était peut-être encore il y a plus de vingt ans ».

On rejoue au tennis dans les rues!

Si notre interlocuteur fait référence aux années 80, c’est parce qu’elles ont marqué le boum du tennis. L’effet Borg, combiné à celui de la télévision, avait dopé les ventes de raquettes et gonflé les rangs des tennismen mondiaux et, donc, belges.

Au début des années 80, il y avait toujours plein de gamins qui jouaient dans la rue. Or, depuis la finale de Kim à la Porte d’Auteuil, on peut à nouveau voir des enfants faire de même. Ce n’est pas aussi fou qu’à l’époque mais le tennis redevient extraordinairement populaire. Ce qui est vrai au niveau des membres, l’est également au niveau des sponsors éventuels de la fédération et des ligues.

« Nous ne sommes évidemment pas assaillis de propositions de sponsoring, mais le téléphone sonne bien plus souvent que d’habitude », avoue Franz Lemaire. « Cela ne se transforme pas toujours en contrat puisque chacun sait, dans le milieu publicitaire, que l’AFT a déjà un contrat avec une marque d’automobiles et avec une banque, ce qui réduit évidemment les possibilités de parrainage qui ne sont pas extensibles ».

« Il y a régulièrement des nouveaux sponsors qui se présentent à la VTV mais il s’agit bien souvent de pirates qui désirent profiter de l’investissement d’autres parrains. On ne peut donc pas dire que les perfs de nos joueuses auront un impact important sur nos rentrées », confirme Walter Goethals.

D’autant que la VTV ne dispose d’aucune… épaule de Kim Clijsters. Elle ne peut donc pas promettre à un sponsor que la joueuse limbourgeoise arborera ses couleurs. « La première question qu’un parrain potentiel nous pose est de savoir si Kim pourra porter un badge avec son logo. Comme notre réponse est négative, il s’en retourne souvent sans poursuivre les négociations. En ce sens, l’AFT a bien de la chance de pouvoir encore compter sur une épaule de Justine ».

Les ligues doivent-elles s’occuper du sponsoring de joueurs?

Reste que le rôle d’une ligue n’est pas forcément de servir de lien entre la joueuse et le monde des affaires. Goethals : « Quand nous signons un contrat avec un sponsor qui voulait l’épaule d’une joueuse, nous remplissons un peu le rôle d’une banque puisque l’argent qui nous est versé va à la joueuse, principale responsable du contrat. Or, je ne suis pas persuadé que tel soit notre rôle. Nous devons principalement former les jeunes et gérer notre structure ».

Si on lit entre les lignes, on comprend donc que l’effet Henin/Clijsters ne sera pas exceptionnel à court terme mais pourrait, dans quelques années, changer la face du monde tennistique belge.

« Ce qu’il faut absolument faire, c’est apprendre à gérer cette situation inespérée », conclut Lemaire. « Nous devrions avoir 5, 6 ou 7 ans de tennis au plus haut niveau, à nous d’en profiter au maximum ».

Bernard Ashed

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