Bons derniers?

Giovanni Bozzi et Eddy Casteels dressent le bilan de nos deux représentants en Euroligue.

1. Satisfaits du bilan?

Giovanni Bozzi: On ne peut pas être entièrement satisfait lorsqu’on ne remporte que trois matches sur 14. N’oublions pas, toutefois, que nous avons dû assurer notre qualification en franchissant les deux tours préliminaires, face à Lisbonne et Jérusalem. C’était l’objectif principal au départ de la saison et il a été atteint. Dans l’Euroligue proprement dite, nous aurions pu obtenir l’une ou l’autre victoire supplémentaire. Je songe notamment aux matches à domicile face à Malaga et à Trévise. L’arbitrage nous a été défavorable dans les moments décisifs. Si le bilan chiffré me laisse un peu sur ma faim, la manière dont nous avons joué et progressé me réjouit. Nous avions acquis des valeurs sûres durant l’entre-saison, mais il fallait intégrer six ou sept nouveaux joueurs. L’Euroligue a accéléré le processus d’intégration.

Eddy Casteels: Chacun met en exergue nos victoires face au Partizan Belgrade et à l’AEK Athènes. Mais je m’en voudrais d’oublier nos matches en déplacement, à l’AEK Athènes déjà et également à Villeurbanne, où nous avons longtemps été en course pour la victoire. Nous avons aussi fait pratiquement jeu égal avec Tau Vitoria et Cibona Zagreb. Compte tenu de la valeur de tous ces adversaires, je suis en droit de me montrer satisfait. Bien sûr, j’aurais préféré engranger l’un ou l’autre succès supplémentaire, mais ce n’est pas aussi facile à réaliser.

2. Qu’avez-vous appris en fonction du championnat?

Bozzi: D’abord, le rythme. L’agressivité défensive est beaucoup plus intense qu’en championnat. En Euroligue, on est souvent acculé physiquement et il faut travailler énormément pour trouver une bonne position de shoot. Après avoir vécu cette expérience, tout paraît plus facile lorsqu’on se replonge dans la compétition belge. En Euroligue, chaque perte de balle se paye cash. Cela nous oblige a être plus concentré et plus vigilant. La cadence des matches nous est aussi fort utile lorsqu’on aborde les playoffs.

Casteels: Je ne regarde pas l’Euroligue en fonction du championnat. C’est une compétition en soi pour laquelle nous nous étions fixés un objectif: nous qualifier parmi les quatre premiers de la poule. Nous ne l’avons pas atteint. C’était aussi un défi: celui d’essayer de rivaliser avec le gratin du basket européen. Nous l’avons réussi par moments. Vu sous l’angle de l’apprentissage, l’Euroligue est une merveilleuse école pour nos jeunes. A 20 ans, pouvoir se frotter chaque mercredi aux ténors du Vieux Continent est une chance incommensurable. Les plus expérimentés tirent aussi un grand profit de ces confrontations. L’ensemble de l’équipe apprend à évoluer à un rythme supérieur, à se montrer plus agressif en défense et à gérer la débauche d’énergie. C’est une base à partir de laquelle on peut continuer à travailler, une rampe de lancement qui doit nous permettre d’atteindre notre rythme de croisière au moment des playoffs.

3. Quel fut votre meilleur match?

Bozzi: Paradoxalement, je vais citer un match que nous avons perdu: celui à Malaga. Là-bas, nous avons vraiment joué juste. Nous avons pratiqué une très bonne défense et avons bien géré la pression défensive adverse. Nous avons mené pendant 35 minutes, et je demeure persuadé que si le club s’était appelé Bologne et pas Charleroi, nous l’aurions emporté. Malheureusement, en tant que « petit » club belge, nous ne sommes pas respectés des arbitres. Malaga a pu jouer agressivement avec leur bénédiction alors que, de notre côté, la moindre faute était sifflée.

Casteels: Comment ne pas citer la victoire 102-73 contre l’AEK Athènes? En voyant la deuxième mi-temps que nous avons livrée ce soir-là, en tant que coach, je n’avais qu’une chose à faire: m’asseoir sur le banc, admirer les évolutions de mes joueurs et prendre mon pied! Oui, j’ai pris mon pied… Réaliser une prestation pareille face à une grande équipe européenne, c’est fabuleux. Mais ces 20 minutes de rêve ne doivent pas occulter les autres bons moments.

4. Quel fut votre plus mauvais match?

Bozzi: Le premier de la poule, à domicile contre Wroclaw. Nous sortions de la qualification face à Jérusalem, et une petite décompression s’en est probablement suivi. En outre, nous accueillions une équipe polonaise dont le nom n’évoquait pas grand-chose et qui était considérée comme l’un des adversaires les plus abordables dans notre poule. Nous ne nous attendions pas à être confrontés, d’emblée, à une telle pression. Un match à ce niveau-là, avec une telle intensité, c’était nouveau, même pour nos Américains ou naturalisés. Je tire mon chapeau pour ce qu’avaient réalisé Roger Huggins et Louis Rowe avec Ypres en Coupe Korac la saison dernière, mais l’Euroligue, c’est encore un niveau supérieur. Même en demi-finale de la Coupe Korac, ils n’avaient pas été confrontés à une telle pression défensive.

Casteels: Nous avons subi une lourde défaite à Perm, même si nous pouvons avancer des circonstances atténuantes. Nous avons accompli un long voyage, nous avons atterri par une température de -22° et plusieurs joueurs étaient grippés. Je ne veux pas chercher d’excuses faciles, mais ces facteurs ont joué un rôle. La plus grosse déception fut toutefois ressentie après la défaite à domicile face au Cibona Zagreb. A l’époque, l’équipe croate ne comptait encore qu’un seul succès, tout comme Ostende. En outre, Dino Radja venait de quitter le club. Chacun s’attendait donc à ce que nous nous imposions. C’était oublier que le Cibona Zagreb est, lui aussi, un grand d’Europe et que cette équipe-là ne dépend pas uniquement d’un seul joueur, fût-il un ancien basketteur de NBA. Le basket croate s’enorgueillit d’une longue tradition. Les joueurs de talent, qui ont reçu une formation de qualité, y foisonnent. Personnellement, je n’avais pas sous-estimé le Cibona Zagreb. J’avoue néanmoins que j’escomptais également un succès.

5. Quelle est l’équipe qui vous a laissé la meilleure impression dans votre poule?

Bozzi: Physiquement, Olympiakos est le plus impressionnant. Au niveau du basket pur, c’est Trévise qui m’a le plus séduit. Mais l’équipe la plus complète, c’est sans doute le Maccabi Tel Aviv. Elle réunit un ensemble de qualités: le physique, le collectif et les individualités. Ce n’est pas pour rien qu’elle est l’équipe championne d’Europe en titre.

Casteels: Villeurbanne ne s’est pas imposé comme l’une des meilleures équipes de la poule, mais c’est celle qui m’a le plus séduit par la qualité de son basket. Elle est capable d’alterner le jeu rapide et le jeu lent, d’effectuer un pressing tout terrain mais aussi d’élaborer des phases tactiques sur un demi-terrain, bref d’apporter énormément de variété à son jeu. Lorsqu’elle tourne à plein régime, elle produit un basket alléchant. Le problème de Villeurbanne, c’est que lorsque l’équipe joue mal, elle joue vraiment très mal! Elle est capable de battre n’importe qui avec 30 points d’écart, mais aussi d’être balayée du parquet par n’importe qui.

6. Que manque-t-il aux clubs belges pour rivaliser avec les ténors européens?

Bozzi: D’aucuns vont sans doute me traiter de fou si j’affirme qu’il ne manque pas grand-chose pour prétendre à une qualification parmi les quatre premiers de la poule, et pourtant je reste persuadé que cela n’a rien d’utopique. Pour y parvenir, il faudra encore augmenter notre budget dans le but d’engager, enfin, ce pivot dominateur qui fait la différence dans les équipes adverses et qui permettrait à des garçons comme Jim Potter ou Roger Huggins de s’éloigner un peu de la raquette pour mieux utiliser leurs qualités. Il faudrait aussi un deuxième élément créateur, car avec la pression qu’il subit tout au long du match, cela devient difficile pour Jacques Stas de soigner à la fois l’organisation et la créativité durant 30 minutes.

Casteels: Il me manque 5 millions d’euros. Au niveau belge, la valeur du cinq de base détermine l’issue de nombreux matches. Au niveau européen, la différence se fait plus en profondeur. Notre cinq de base est, je crois, de valeur européenne. Notre banc, pas encore. C’est une question de moyens mais aussi un choix sportif. Nous ne pouvons pas à la fois intégrer des jeunes et engager, à coup d’espèces sonnantes et trébuchantes, des réservistes de luxe de niveau européen.

7. Etes-vous déçu ou soulagé que l’Euroligue soit terminée?

Bozzi: J’aurais préféré que l’Euroligue continue encore pendant un mois. L’idéal aurait été que nous puissions la jouer jusqu’à la fin mars. Cela nous aurait encore laissé, après cela, un mois pour soigner les bobos et nous préparer tactiquement pour les playoffs. Maintenant, il risque d’y avoir une coupure de rythme trop importante. Une équipe comme Charleroi a besoin de jouer deux matches de haut niveau par semaine. Heureusement, il reste la Coupe de Belgique. A condition de passer le cap de Liège, nous devrions avoir deux matches de bon niveau contre Mons.

Casteels: Ni déçu, ni soulagé. La compétition s’est arrêtée pour nous, parce que nous ne sommes pas parvenus à nous qualifier parmi les quatre premiers de la poule, et nous devons accepter les règles du jeu. Si nous en gardons un goût de trop peu, c’est à nous à faire en sorte d’obtenir de meilleurs résultats lors de nos prochaines participations, afin de poursuivre l’épreuve plus longtemps. Cette saison, nous devrons désormais vivre au rythme d’un match de championnat par semaine, puisque nous sommes déjà éliminés de la Coupe de Belgique. Cela nous permettra peut-être d’encore mieux travailler à l’entraînement. Sur un plan personnel, j’aurais aimé vivre cette Euroligue depuis le début. Pour moi également, en tant que coach, ce fut une expérience fabuleuse dont j’ai apprécié tous les instants. J’espère que je pourrai revivre cela la saison prochaine.

Daniel Devos,

« J’aurais encore voulu jouer l’Euroligue pendant un mois » (Giovanni Bozzi)

« Pour rivaliser avec les ténors européens, il me manque 5 millions d’euros! » (Eddy Casteels)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire