Bonjour LIESSE

Pierre Bilic

La tristesse du début s’efface petit à petit pour Drago et la troupe de Sclessin.

A vec le temps, avec le temps va, tout s’en va : certains, comme Léo Ferré, ont chanté la vie qui file. D’autres ont donné du temps au temps, l’arrêtent, s’en payent. Malgré son succès au Tivoli (0-1), le Standard en a perdu beaucoup depuis le début de la saison. Dominique D’Onofrio a pris le temps comme il venait. Sous la pluie, le coach liégeois a pu s’appuyer sur les larges épaules d’Ivica Dragutinovic. A 28 ans, il forme, avec Ogushi Onyewu, absent à La Louvière pour excès de cartes jaunes et bien remplacé par Pato Curbelo, une impressionnante muraille devant Vedran Runje. Son t-shirt est griffé par Bikkembergs. L’international de Serbie & Monténégro défile parfois pour le couturier anversois, adore les fringues et, entre l’expédition à La Louvière et le voyage à Bochum, il n’a pas évité nos questions.

Quelle est votre analyse de la victoire du Standard à La Louvière ?

Ivica Dragutinovic : Nous avons souffert durant les 20 premières minutes de jeu. Le Standard a alors tenu la tête hors d’eau grâce à un exceptionnel Vedran Runje. A un moment, les Loups auraient pu mener 2-0. Puis, nous avons bien resserré notre organisation avec succès, surtout après le but et en seconde mi-temps. J’ai alors vu un vrai bloc sur la pelouse. Cela fait trois matches consécutifs durant lesquels la défense n’a encaissé aucun but. Pato Curbelo a été remarquable de calme au centre de la défense. Il n’a rien lâché. Pour une première de sa part en D1, c’est très intéressant. On sait, maintenant, que le Standard peut se passer d’Ogushi Onyewu ou de moi-même au centre de la défense : Pato Curbelo est là. Il y a des progrès dans tous les secteurs. Dans la ligne médiane, entre autres, Miljenko Mumlek nous a apporté sa technique. Ce groupe est encore en phase de découverte. Il y a eu beaucoup de mouvements. En semaine, nous avons mangé un bout, tous ensemble, et cela nous a rapprochés.

Au fait, comment dois-je vous surnommer ex-capitaine ou simple soldat ?

Je n’aime pas les soldats.

Ce sera ex-capitaine, alors ?

C’est cela, ex-capitaine, je préfère. J’étais fier de ce brassard. Je l’avais accepté à une époque où personne n’osait lever le regard. J’avais pris la succession de Didier Ernst. Je me suis battu pour le groupe, pour le club, pour les supporters. Il aurait été plus facile de me concentrer uniquement sur mon football, de m’occuper de moi et de rien d’autre. Ce n’est pas mon style. Quand quelque chose ne va pas, je dis ce que j’ai sur le c£ur. Cela m’a coûté de l’énergie car il faut multiplier les contacts avec tout le monde : les équipiers, le coach, le staff, les dirigeants, les supporters, la presse. J’ai d’abord été le capitaine du dialogue avec tout le monde. C’est plus compliqué que de se contenter de serrer la main de l’arbitre et du capitaine adverse avant le coup d’envoi. Il y a un an, après un creux qui fit mal en début de saison, avant l’arrivée d’Emile Mpenza, Gonzalo Sorondo, Juan Ramon Curbelo et Mumlek, je me suis présenté face aux représentants des supporters et je leur ai dit : -Ne vous en faites pas, le Standard sera européen, donc au moins troisième. J’étais le seul à y croire dans cette salle de réunion mais j’étais certain de moi. A la fin de la saison, le Standard avait atteint son objectif et moi le mien en tant que capitaine. Je n’ai jamais eu peur de ce rôle. Je l’avais déjà assumé dans mon petit club, en ex-Yougoslavie, Borac Cacak, et dans les équipes représentatives de jeunes.

Vous avez pourtant été dégradé au profit d’Eric Deflandre : douloureux ?

C’est le passé, je n’ai qu’une obsession : le Standard. La méthode a été maladroite. Je n’étais pas là et, en changeant trop brutalement de cap, la direction a donné l’impression que le club n’était pas content de moi, ce qui n’était pas le cas. J’ai d’ailleurs reçu une énorme quantité de messages de sympathie de la part des supporters. Pour eux, le Standard n’avait plus eu un capitaine comme moi depuis Eric Gerets. C’était le plus beau des compliments. La direction voulait un capitaine purement liégeois, Eric Deflandre, ce que je peux comprendre. Mais il fallait procéder calmement à ce changement.

Mais vous voilà sous-off ?

Ex-capitaine. Ce grade n’existe pas chez les sous-offs.

Eric Deflandre, un chouette gars

A la reprise des entraînements, il n’était pas certain que vous resteriez à Sclessin. La Lazio Rome ne s’était-elle pas intéressée à vous ?

Il y a eu des offres des Italiens, en effet, mais aussi de clubs anglais et espagnols. Ce fut déjà le cas en décembre 2003 quand Luciano D’Onofrio n’avait pas voulu me lâcher. Ces intérêts internationaux m’ont plaisir mais j’ai encore un contrat de deux ans et je suis heureux ici.

Est-ce qu’Eric Deflandre n’a pas autant de soucis que vous, autrefois, en tant que capitaine du Standard ?

Eric est vraiment un chouette gars. S’il a besoin de moi, je suis là pour l’aider. Une équipe ne peut pas être portée par un seul homme quand cela chauffe. Maintenant, il y a aussi Vedran Runje, Sergio Conceiçao, Philippe Léonard et moi-même derrière le capitaine. Il ne sera jamais seul, comme je l’ai parfois été, pour pousser le groupe.

Je parlais des soucis actuels…

J’ai confiance. Je suis certain que ce groupe peut aller loin. Il nous a manqué du temps. Dominique D’Onofrio a sans cesse réajusté son travail. En fait, il a travaillé pour la première fois avec son groupe au complet après le déplacement à Genk. Dans ces conditions difficiles, il a signé du très bon boulot, croyez-moi. Les choses se mettent en place mais cela demande évidemment de la patience et du temps…

Le Standard est un éternel chantier, fait des terrassements alors qu’Anderlecht et Bruges peuvent se contenter d’enjoliver leur équipe. Même si le Standard n’a pas la surface financière de ses deux adversaires et noue les deux bouts en réalisant des bénéfices sur le marché des transferts, n’est-ce pas frustrant ?

Je ne peux que le redire : il ne nous manque qu’un peu de temps.

Le temps, toujours le temps : il n’y a que les dirigeants qui pouvaient vous en offrir en formant plus vite le groupe…

Le temps, c’est précieux. Avant le match à La Louvière, j’ai constaté que Bruges avait encaissé deux buts et nous huit. Pourtant, individuellement, les arrières du Standard sont plus forts que ceux de Bruges. Mais les défenseurs brugeois jouent ensemble depuis des années alors que je suis le seul survivant de ce secteur au Standard par rapport à la saison passée. La différence est uniquement collective.

Votre défense est-elle plus forte que la saison passée ?

Réponse affirmative même si ce secteur état solide en 2003-2004. Vedran Runje a une présence dingue. Eric Deflandre a du métier à revendre, est intelligent et est plus un arrière droit qu’Onder Turaci qui fut pourtant excellent. Ogushi Onyewu est un immense arrière central en devenir. Gonzalo Sorondo avait plus de vécu, utilisait son expérience. Ogushi Onyewu est impressionnant de la tête, très bon techniquement, et participe plus au jeu. Il faut encore mieux régler les automatismes entre nous, savoir qui sort quand de la défense, se couvrir. Pato Curbelo a déposé sa carte de visite au Tivoli. A gauche, Philippe Léonard apporte sa technique, sa polyvalence, la qualité de ses centres, complète les arguments d’un secteur où il y aussi Gonzague Van Dooren et, devant eux, Mumlek, Michel Garbini, Alex Mutavdzic.

Sergio Conceiçao est aussi fort qu’Aruna Dindane

Il y a déjà eu pas mal de futurs retraités parmi les vedettes qui ont usé leurs derniers crampons au Standard…

Personne ne peut refuser l’apport de grands joueurs ayant tout vécu. Ce sont souvent des exemples à suivre pour les jeunes. Je me souviens de ce que Robert Prosinecki a apporté au groupe : sa simplicité, sa technique, son calme, son vécu, sa vision d’un match de football, son jeu court, sa frappe, ses passes à distance. Il n’était plus rapide, c’est vrai, mais son intelligence de jeu était intacte. A la fin de la saison 2000-2001, le Standard était européen. L’intelligence de Robert Prosinecki nous avait souvent permis de bien gérer nos matches, d’éviter les erreurs qui se payent cash.

Sergio Conceiçao ne prendra donc pas sa pension au Standard ?

Conceiçao prendre sa pension ? Vous voulez rire ? C’est un exemple. Il a la grinta que ce soit à l’entraînement ou en match, a encore faim de foot après avoir joué au top européen. N’oublions pas qu’il se relance après une grave blessure et une opération. Lui aussi a besoin d’un peu de temps. Mais quel joueur ! En plus du talent, il a de la volonté à revendre. Techniquement, il est aussi fort qu’Aruna Dindane. C’est un énorme plus pour l’équipe et Sergio deviendra, à coup sûr, un des meilleurs joueurs de D1. Il n’a que 29 ans et va aborder ses plus belles années en tant que joueur.

La saison passée, n’avez-vous personnellement pas abusé du jeu long ?

Almani Moreira assumait un rôle important dans l’équipe. La baisse de régime de janvier s’expliqua par ses problèmes physiques. Il n’y avait plus, au centre du terrain, un joueur doté d’une technique au-dessus de la norme. Dès lors, les adversaires, libérés de ce souci, mettaient la pression sur Roberto Bisconti et Jonathan Walasiak. L’entrejeu était bouché et pour atteindre Emile et nos autres attaquants, il fallait, parfois à regret, procéder par de longs ballons venant de l’arrière. Je ne le faisais pas de gaieté de c£ur. J’aime les passes décisives, les montées, les buts, le jeu serré : c’était ma marque de fabrique quand je jouais au back gauche. Mais, bon, je m’adapte.

Après les hésitations de ce début de saison, n’y a-t-il pas eu un déclic tactique contre Bochum et Lokeren ?

Oui. En fait, la réflexion s’est accélérée après le match à Genk.

Ce soir-là, le départ de Roberto Bisconti se fit sentir : il n’a pas été remplacé…

Je m’en tiens aux faits du match. Il y avait trop d’espaces entre les lignes. Même à dix contre onze, les Limbourgeois occupèrent la zone libérée devant la défense. Il en résulta une pression évitable devant notre gardien de but. Nous en avons parlé dès le lundi avec le souci de jouer plus en bloc, de réduire les zones libres entre les lignes. Le Standard devait être plus compact, plus homogène, plus lié.

Dans le fond, c’est exactement le contraire de la saison passée : une équipe de contres cède sa place à un groupe qui joue plus techniquement…

A Genk, nous avons perdu Wamberto, abattu par un adversaire. Péroné fracturé et même pas de carte jaune. N’ayons pas peur des mots : c’est une catastrophe. A onze contre dix, nous avons été effrayés par l’engagement de Genk. Nous devions être plus présents dans les duels. Ce fut le cas contre Bochum, face à Lokeren et devant La Louvière.

Carlos Alberto a été balayé à Genk, Juan Ramon Curberlo a eu besoin du soutien de Karel Geeraerts pour ne pas couler en fin de match contre Lokeren : autrement dit, le Standard passe d’un demi défensif à deux et du 4-3-1-2 au 4-4-2, n’est-ce pas ?

Le coaching de Dominique Donofrio contre Lokeren fut parfait et nous a permis de garder les trois points. Karel Geeraerts a beaucoup et bien aidé Juan Ramon Curbelo.

Donc, il faut deux joueurs pour remplacer Roberto Bisconti, non ?

L’occupation du terrain varie. Avec un demi défensif de plus dans l’axe, Sergio Conceiçao a coulissé vers la droite. C’était autre chose. Nous avons plus de diversités mais il s’agit d’abord de soigner la circulation, de jouer de manière collective, que ce soit en 4-3-1-2, en 4-4-1-2 ou en 4-3-3.

L’attaque est fantomatique depuis le départ d’Emile Mpenza. Sambegou Bangoura revient petit à petit, Mohammed Tchite n’est guère expérimenté, Alexandros Kaklamanos a de gros ennuis, Gonzague Vandooren dépanne, Jari Niemi n’a pas assez de temps de jeu…

Emile Mpenza a évidemment été impressionnant la saison passée. Il est difficile à remplacer. La solution passera par des formules différentes que le Standard trouvera. Après la pluie, le beau temps, comme on dit chez nous. J’ai eu Alexandros Kaklamanos au téléphone. Il est papa d’une petite fille et je ne le crois pas capable de se droguer. Je ne sais pas ce qui s’est passé mais quand un homme est par terre, pour n’importe quelle raison, un mot peut lui faire du bien. L’avenir nous en dira plus, et je n’ai pas à me prononcer là-dessus, mais c’est triste. Quoi qu’il lui arrive, c’est mon ami et il le restera. L’attaque d’Anderlecht a un énorme avantage : le duo Aruna Dindane-Nenad Jestrovic. On ne mesure pas assez ce que Nenad apporte à Anderlecht. C’est le renard des rectangles par excellence. Dans le dernier geste, celui du buteur tueur, Nenad est le plus fort en Belgique. En équipe nationale de Serbie & Monténégro, c’est la même chose. On ne peut pas se passer de lui. Or, la concurrence y est énorme avec Mateja Kezman et Savo Milosevic. Aruna et Nenad sont complémentaires. Un duo Aruna-Mbo n’a pas le même piquant.

Pierre Bilic

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