Bonheur céleste

Les hommes de Tabárez sont sur une voie royale pour aller en demi-finales.

Il y a des façons plus simples que d’autres d’écrire l’Histoire. Après des matches éliminatoires laborieux et une qualification via des barrages contre le Costa Rica, l’Uruguay se retrouve en quarts de finale – pour la première fois depuis 40 ans – et va jouer contre le Ghana : ses chances d’aller en demis sont réelles. Pour en arriver là, la Celeste n’a pas affronté une seule des grosses équipes : France, Afrique du Sud, Mexique, Corée du Sud, elle aurait pu avoir un programme bien plus infernal.

L’Uruguay dans ce Mondial, qu’est-ce que c’est ?

La star : Diego Forlán

Diego Forlán (31 ans) est le leader du noyau uruguayen, le relais d’ OscarTabárez. Parce qu’aucun autre joueur n’a un parcours qui arrive à la cheville du sien. Il provient d’une famille de grands footballeurs : son grand-père a été sélectionneur de l’équipe nationale, son père a joué deux éditions de la Coupe du Monde. Il en est à son premier Mondial en tant que star confirmée : il était déjà là en 2002 mais était jeune et n’avait joué qu’un match, et l’Uruguay n’était pas qualifiée en 2006.

Depuis ses débuts en sélection il y a huit ans, Forlán a joué 65 matches et marqué 26 buts – les deux derniers dans les poules contre l’Afrique du Sud. Mais surtout, il signe un parcours fabuleux en Espagne. Après ses débuts au plus haut niveau en Argentine (à Independiente), il avait été transféré à Manchester United mais n’y avait pas percé. Il a remis les choses au point dans la Liga : 25 goals, meilleur buteur du championnat et de toute l’Europe lors de sa première saison à Villarreal, et il confirme depuis 2007 avec l’Atletico Madrid : encore des dizaines de buts, à nouveau pichichi et meilleur réalisateur européen (35 goals sur la seule saison 2008-2009 !). En mai dernier, il a offert à l’Atletico son premier trophée international depuis 30 ans : l’Europa League via une victoire 2-1 face à Fulham et les deux buts par Forlán.

Il a bien contribué à la qualification pour l’Afsud (sept buts en 13 matches) et son bilan perso depuis le début du tournoi répond aux attentes. Il a joué les quatre rencontres, a marqué deux fois contre les Bafana Bafana et ce n’est pas le genre d’attaquant à rester bêtement planté dans le rectangle en attendant des bons ballons : il a signé 10 tirs (dont quatre cadrés) et donné 140 passes (55 % de réussite).

La révélation : Diego Lugano

Quand Tabárez a repris l’équipe, une de ses premières décisions a été de donner le brassard de capitaine à Diego Lugano (29 ans). Parce qu’il est bien placé, en défense centrale, pour commander ses équipiers. Parce qu’il a un charisme naturel. Mais aussi parce qu’il est très bon et qu’on le considère unanimement au pays comme un des pions les plus indispensables du 11 de base. Cela fait des années que les meilleurs attaquants sud-américains se cassent les dents sur Lugano, dont le père était déjà un arrière central réputé. Il a eu beaucoup de mal à s’imposer dans le championnat d’Uruguay et il a dû passer par le Brésil pour éclater. Son transfert à São Paulo a été déterminant pour la suite de son parcours. Il a accumulé les trophées collectifs et individuels là-bas : championnat brésilien, Copa Libertadores, Coupe du Monde des clubs, deux titres de meilleur défenseur de l’année. Il joue à Fenerbahçe depuis 2006. Et là aussi, les victoires s’enchaînent : deux championnats, et des matches de fou en Ligue des Champions.

Depuis 2003, Lugano est incontournable en sélection. Il a joué un rôle prépondérant dans les qualifications pour ce Mondial (notamment en marquant dans les play-offs contre le Costa Rica) et il fait partie des meilleurs défenseurs du tournoi. Quelques chiffres illustrent son efficacité : l’Uruguay est, avec le Portugal, la seule équipe qui n’a pas encaissé un seul but au premier tour, près de 70 % des ballons qu’il a donnés sont arrivés à destination et il n’a commis que six fautes en quatre matches. En jouant à la place où on est le plus susceptible de se mettre dans le jaune ou dans le rouge.

Le buteur : Luis Suarez

Luis Suarez (23 ans) est un attaquant qui a souvent le sourire et qui a de l’humour. Après ses deux buts en huitièmes de finale contre la Corée du Sud, il débarque avec son air insouciant dans la zone mixte et lance :  » Vous ne trouvez pas qu’il était sympa, mon deuxième goal ? J’avais déjà marqué presque le même avec l’Ajax. Maintenant, plus personne ne dira que c’était un coup de chance.  »

Cette belle frappe brossée, c’est une des marques de fabrique de cet attaquant hyper spectaculaire et efficace. Et c’était déjà son troisième goal dans le tournoi, après celui qui avait permis à l’Uruguay d’écarter le Mexique. Suarez marque régulièrement parce qu’il tente beaucoup : déjà 15 tirs lors des quatre premiers matches, et neuf étaient cadrés. Et 117 passes (50 % de réussite). Il ajoute à sa technique de frappe un jeu de tête exceptionnel et il se trouve toujours là où il y a danger. Il est vraiment indispensable à l’équipe : depuis le début de la campagne éliminatoire (il a disputé 19 des 20 matches) et en tenant compte de cette phase finale, l’Uruguay ne perd jamais quand il marque !

Luis Suarez fait chavirer les supporters de l’Ajax depuis 2007 (déjà plus de 70 caisses) après avoir fait ses débuts européens à 19 ans, à Groningue. Ses stats jusqu’à présent en Afrique du Sud devraient achever d’en faire un héros en Uruguay. Equipe nationale et Ajax confondus, il en est à 55 goals depuis l’été 2009 ! A l’entendre après la victoire contre les Sud-Coréens, le parcours de la Celeste n’est pas terminé :  » Les équipes tombent les unes après les autres mais nous sommes toujours là. Maintenant, nous visons carrément le titre.  »

Le coach : Oscar Tabárez

Oscar Tabárez (63 ans), c’est près de 30 ans d’expérience sur le banc de l’Uruguay. Il dirigeait déjà la sélection au Mondial 1990 et l’avait aussi sortie de la phase de poules. Surnommé El Maestro, il a entraîné une foule de clubs en Amérique du Sud (Boca Juniors, Velez Sarsfield) mais aussi en Europe (dont l’AC Milan, Oviedo et Cagliari). Samedi dernier, quelques minutes après la qualification, il l’a jouée à la Marcello Lippi : en grand seigneur. Avant de mettre en avant la performance de ses joueurs, il a rendu hommage à la qualité et au jusqu’au-boutisme des Coréens. Il a même signalé que la chance avait peut-être joué un rôle dans la qualification uruguayenne. l

par pierre danvoye, en afrique du sud

Diego Lugano commande la défense centrale mais n’a commis que six fautes et 70 % de ses passes arrivent à destination.

Seulement 39,5 % de possession de balle sur les quatre premiers matches !

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