Bölöni, non coupable

L’entraîneur roumain subit les premières critiques depuis son arrivée. Sa méthode fonctionne-t-elle encore ? Nos témoins pensent plutôt que oui…

A moins d’une claque ce soir en Coupe de Belgique, Laszlo Bölöni passera Noël dans la peau de l’entraîneur du Standard. Le match remis à Charleroi fait en définitive les affaires du club mais également de son coach, mis sur la sellette suite aux mauvais résultats. Depuis le début de la crise, la direction a très peu communiqué. Signe qu’elle réfléchit aux suites à donner. Et signe également que le lien de confiance entre Luciano D’Onofrio et son entraîneur roumain n’est pas encore rompu.

Car dégager un responsable et trouver un coupable tout désigné des mauvais résultats en championnat n’est pas si évident. Est-ce la faute des joueurs en méforme et trop inconstants ? Est-ce celle de la direction, trop frileuse sur le marché des transferts en août dernier ? Ou est-ce celle de l’entraîneur, incapable de redresser la barre ? Et s’il s’avérait que Bölöni ne convient plus, qui aurait la carrure nécessaire pour reprendre le flambeau ? Trond Sollied ?  » Je suis persuadé qu’il faut de l’autorité pour gérer ce groupe jeune « , balaye Wilfried Van Moer, icône des Rouches dans les années 70 et 80.

Car, de quoi finalement est coupable Bölöni ? Pour répondre à cette question, nous avons analysé son parcours et demandé à plusieurs témoins de répondre à cette question. Stop ou encore avec l’ancien entraîneur de Rennes et du Sporting du Portugal ?

A-t-il encore le vestiaire sous contrôle ?

Apparemment oui. Un des leaders, Milan Jovanovic ne jure que par lui. Une relation de confiance s’est établie avec Bölöni. D’autres fortes têtes sont déçues. Mais plus par leur statut ( Benjamin Nicaise) ou leur niveau de jeu ( Wilfried Dalmat, Mohamed Sarr ou Olivier Dacourt) que par le système de jeu ou le programme des entraînements. C’est davantage l’adjoint de Bölöni, Joaquim Preto, qui cristallise les rancunes que l’entraîneur lui-même, fortement respecté par le groupe.

 » Je connais assez bien le vestiaire « , explique Nico Dewalque, l’ancien défenseur du Standard, en contact régulier avec le patron Luciano D’Onofrio,  » et même s’il y a des mécontents, il ne semble pas avoir de problèmes majeurs dans le groupe.  »

Les jeunes lui sont reconnaissants. Ils savent qu’ils recevront plus souvent une chance avec lui qu’avec d’autres entraîneurs, même s’il ne les ménage pas.

Par contre, certaines voix mettent en cause les entraînements trop lourds en fin de semaine pour expliquer le nombre de blessés.

 » Certains se plaignent mais ils peuvent aussi s’échauffer davantage s’ils en ressentent le besoin « , explique le préparateur physique du Standard, Guy Namurois.  » Marouane Fellaini faisait dix minutes de saut à la corde avant l’entraînement, par exemple. D’autres paramètres entrent en compte pour expliquer les blessures. Il y a eu beaucoup de blessures musculaires qui ont touché des joueurs comme Ricardo Rocha, Dacourt ou Victor Ramos, qui n’avaient pas eu de préparation et qu’on a lancé trop vite. Marcos est arrivé à la trêve il y a trois ans mais ce n’est qu’en août, après une bonne préparation, qu’il a donné la pleine mesure de son talent.  »

Est-il arrivé en fin de cycle ?

Peut-être.  » A partir du moment où il fait du bon boulot, je ne crois pas qu’il peut lasser « , modère Dewalque. Pourtant, son parcours d’entraîneur prouve l’inverse. Au Sporting du Portugal, il a éprouvé les mêmes problèmes qu’au Standard. Un titre de champion avec des jeunes lors de la première saison et une participation délicate en Ligue des Champions la deuxième année, focalisant beaucoup trop d’attention.

 » Lui-même privilégiait la Ligue des Champions. Pourtant, on s’est vite rendu compte qu’il n’y avait plus rien à y gagner après l’élimination lors des tours préliminaires « , explique Hugo Forte, journaliste à A Bola.

A Rennes, c’est lui qui a décidé de partir. Après trois ans. Une première année terminée à la 9e place, une deuxième particulièrement réussie (5e place et une première participation européenne pour le club) et une troisième moyenne (7e).

 » Il y avait bien certains mécontents mais les dirigeants ne juraient que par lui « , explique Jacques Guyader, journaliste à Ouest-France.  » Ils voulaient même lui proposer un nouveau contrat mais c’est lui qui les a un peu trahis en signant à Monaco. Cependant, n’est-il pas parti de lui-même car il sentait qu’il était arrivé au bout du chemin ? Il est assez intelligent pour dresser ce constat et pour savoir que sa méthode est assez éprouvante. C’est un entraîneur à l’ancienne. Il veut tout contrôler et délègue très peu. A Rennes, il a su éviter l’année de trop. Cependant, même lors de la troisième saison, on voyait que les joueurs adhéraient encore à son discours. C’est davantage avec son staff qu’il y avait une rupture. Comme il voulait mettre son nez partout, le préparateur physique et le médecin, notamment, ne se sentaient pas assez valorisés « .

Comment fonctionne-t-il ?

 » Je crois qu’on ne peut pas distinguer l’homme de l’entraîneur « , dit Guyader.  » Son histoire personnelle dans la Roumanie soviétique au sein de la minorité hongroise influence son travail. Il ne croit qu’en lui-même car dans le bloc de l’Est, on a appris à ne faire confiance à personne. Il est très méfiant et sensible à ce qui se dit sur lui. Je me souviens qu’il avait l’habitude de mettre la main devant sa bouche quand il parlait. « 

 » Il était autoritaire et très cultivé « , affirme Forte,  » Le manque d’intelligence de certains sur le terrain l’agaçait. Surtout quand ces joueurs couplaient cela avec un manque de travail. Lui, il préfère les durs au mal. Il y a une culture du sacrifice très présente chez lui. « 

Pourtant, peu d’entraîneurs ont sorti autant de jeunes.  » C’est ce qui est paradoxal chez lui. Il déteste l’approximation mais il aime servir de modèle et de guide aux jeunes « , continue Forte.

Sa personnalité ressort davantage en période de crise.  » Il a ses idées et il les suit sans toujours se faire conseiller. Il ne va bouger pour personne « , résume Dewalque.

 » Mais en même temps, il a un réel besoin de reconnaissance « , tempère Guyader,  » Je ne suis pas étonné qu’il se soit concentré sur la Ligue des Champions. Car il sait que c’est là qu’on va reconnaître son travail. Je me souviens que l’année où Rennes a disputé la Coupe de l’UEFA, l’équipe était opposée en poules au Rapid Bucarest et au Shakhtar Donetsk. Ces deux formations étaient dirigées par le père et le fils Lucescu. Il y a eu une énorme émulation entre les trois entraîneurs roumains. Et Bölöni voulait prouver qu’il était le meilleur entraîneur des trois… Il a besoin d’être reconnu comme un personnage historique du football roumain.  »

Comment gère-t-il une crise ?

Comme tout le monde, il mord sur sa chique. Lui qui a une relation très particulière avec la presse, est entré dans une période de séduction et de communication. Les journalistes qui suivent le Standard se sont récemment étonnés du temps qu’il consacrait aux médias lors des points presse hebdomadaires. A Studio 1, il s’est montré affable, malicieux et séducteur, mettant tout le monde d’accord avec son humour très typique second degré. Ça, c’est sur la forme. Si on analyse le contenu, on se rend compte qu’il ne cesse de défendre son bilan.

 » Je ne connais pas encore bien l’histoire du Standard mais vous allez pouvoir me dire depuis quand le club n’a plus passé l’hiver européen deux ans d’affilée ? « . Il sait très bien qu’il faut remonter à la période de gloire, début des années 80 pour trouver pareil bilan flatteur.  » Je suis fier de participer à cette histoire « , ajoute-t-il.

Par contre, on le trouve beaucoup moins loquace sur le dossier du championnat.

 » Ce n’est ni un communicateur, ni un optimiste. Il a toujours tendance à mettre le doigt sur ce qui n’a pas été. Même quand les résultats suivaient… « , dit Dewalque.

Il a tendance à mettre chacun devant ses responsabilités : les joueurs en les faisant descendre, parfois brutalement, sur terre (comme en disant de Sinan Bolat qu’il n’est pas encore un gardien de but, ou avec Mehdi Carcela en disant qu’il n’était pas assez présent ni concentré sur ses activités) ou la direction, en se plaignant de la jeunesse de son noyau.

 » Il avait raison dès le début de la saison « , dit Wilfried Van Moer,  » On a vu par la suite qu’il n’a jamais su évoluer avec son équipe de base vu les circonstances.  »

 » Son noyau est trop jeune. Surtout au niveau des remplaçants « , continue Dewalque,  » Aujourd’hui, il doit compter sur des gens qui ne sont pas des joueurs capables de disputer la première place. « 

En agissant de la sorte, n’a-t-il pas chatouillé des susceptibilités ?  » Il est cynique, c’est clair « , affirme Dewalque,  » Il attaque de manière frontale et quand on traverse une période néfaste, il est parfois préférable de se taire. Peut-être a-t-il critiqué certains un peu trop vite et un peu trop tôt dans la saison. Or, en agissant de la sorte, on peut instiller le doute dans la tête de certains. « 

 » Sa méthode de fonctionnement fait des victimes collatérales « , corrobore Guyader.  » Il est capable de broyer des egos. « 

Son bilan au Standard est-il bon ?

Oui. Il a gagné un championnat, assumant la succession d’une icône et il a qualifié le Standard pour le mois de février européen à deux reprises. Mais certains n’hésitent pas à dire que l’année passée, il n’a fait que poursuivre la dynamique mise en place par Michel Preud’homme.

 » Tactiquement, il est très fort. Il l’a prouvé en Ligue des Champions « , le défend Van Moer,  » Peu d’entraîneurs belges auraient été capables d’une telle maîtrise. « 

 » On lui reproche de se concentrer sur la Ligue des Champions ? Mais tout le club se focalise sur cet objectif « , analyse Dewalque,  » Même les dirigeants. Le championnat est moins important quand on en a gagné deux. Par contre, la Ligue des Champions apporte de la valeur au club et à ses joueurs. Et cet argent peut servir. « 

Bölöni a en outre donné sa chance à de nombreux jeunes. C’est à lui qu’on devra les millions que rapporteront un jour les Mangala, Carcela ou Bolat. A l’instar d’un Guy Roux, d’un Arsène Wenger ou d’un Alex Ferguson, il ne brûle pas ses jeunes à chaque match raté. Des joueurs comme Gohi BiCyriac ou Moussa Traorépeuvent grandir pas à pas.

De plus, il ne faut pas oublier qu’il a été élu, en juin, Entraîneur de l’Année lors du Gala du Footballeur Pro. Toute la profession se serait-elle trompée sur la valeur du technicien roumain ? Surement pas.

Néanmoins, il n’est pas à l’abri de certains reproches. Sur ses choix notamment. Son coaching (titulariser Traoré à Saint-Trond alors que Cyriac semble plus en forme) est critiqué… lorsqu’il est perdant.

 » Chaque entraîneur fait parfois des erreurs « , nuance Van Moer.  » On a même critiqué Adrie Koster parce qu’il faisait trop de rotations. Cela lui a quand même permis de qualifier Bruges en Coupe d’Europe.  »

Est-ce de sa faute ?

Ce n’est pas lui qui a conçu le noyau. Dès le mois de juillet, il a demandé davantage d’expérience. Il n’en a reçu qu’au mois de septembre, alors que le club de Sclessin avait déjà pris un mauvais départ. De plus, les deux joueurs acquis (Ricardo Rocha et Olivier Dacourt) n’ont encore rien montré.

Par contre, c’est à lui à trouver une solution pour remotiver et remobiliser les joueurs préoccupés par leur avenir ( Steven Defour, Jovanovic, Dieumerci Mbokani). On l’a parfois senti abattu.

 » Quand cela ne marche pas, on recherche toujours des points d’appui « , dit Dewalque,  » Pour le moment, il a encore la confiance des dirigeants et les supporters n’ont pas encore fait pression pour qu’il s’en aille. Bölöni a besoin qu’on lui dise que ce n’est pas bon mais que ce n’est pas de sa faute. « 

Par Stéphane Vande Velde – Photos: Reporters

Bölöni a besoin qu’on lui dise que ce n’est pas bon mais que ce n’est pas de sa faute. (Nico Dewalque)

Sa méthode de fonctionnementfait des victimes collatérales.

(Un journaliste français)

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