» Bölöni m’a rendu plus intelligent « 

Après deux titres de rang, le capitaine du Standard veut se montrer en Ligue des Champions.

Defour a du caractère sur le terrain mais reste toujours fair-play :  » Les critiques ne me posent pas problème. Je n’ai rien à dire quand on écrit que j’ai bien ou mal joué et que c’était le cas. C’est différent quand ce qu’on dit ou écrit est faux. Quand je lis que j’entretiens de mauvaises relations avec l’entraîneur, par exemple, ça me gêne car ce n’est pas vrai. Pas plus que je manque de vitesse : les chiffres démontrent que je suis un des plus rapides de l’équipe… « 

Certains ont également émis des doutes sur votre aptitude à évoluer parmi l’élite absolue.

Steven Defour : Je pouvais encore le comprendre, car je n’avais pas encore joué au niveau européen. Par contre, je me suis posé des questions en apprenant que je n’atteignais pas mon niveau en équipe nationale. Mais c’est oublier que j’y évoluais à droite, dans un registre défensif. Je sais que j’ai des lacunes à ce poste, qui n’est tout simplement pas mon meilleur…

Lisez-vous tout ce qui paraît sur vous ?

J’essaie. Quand je rate quelque chose, d’autres me l’apprennent.

Les gens osent-ils vous dire le fond de leur pensée ou se contentent-ils de vous louer ?

Certains me disent encore le fond de leur pensée. Ce sont des personnes de mon entourage proche, mais l’entraîneur est le plus important. L’essentiel pour moi est qu’il soit content. Dans un de mes premiers matches comme médian défensif, il m’avait demandé de rester devant la défense. Le lendemain, j’ai lu que j’avais rempli mes tâches défensives mais que j’aurais pu apporter plus offensivement. Le journaliste ignorait évidemment la nature de ma mission. C’est pour cela que, je le répète, la satisfaction de l’entraîneur me suffit.

Vous acquittez-vous toujours des demandes de l’entraîneur ?

Oui, mais il exige aussi que je prenne certaines décisions en cours de match, dans des moments difficiles. Si cela ne marche pas, je lui demande ce que je dois faire.

Certains joueurs veulent étaler leurs qualités,… en plus de leur mission.

Si les dix joueurs de champ sont ainsi faits, ça tournera mal.

Etes-vous un joueur facile ?

Oui, mais j’ose donner mon avis. L’année dernière, dans certains matches, je trouvais que le 4-4-2 n’était pas une bonne idée car nous laissions trop d’espaces et l’entrejeu était souvent en infériorité numérique. L’entraîneur, lui, jugeait que nous devions remporter le championnat et que nous étions plus dangereux avec deux attaquants.

Aimez-vous être capitaine ?

Cela ne me pose pas de problème. J’essaie de m’entendre avec tout le monde. Un bon capitaine doit traiter tout le monde sur le même pied d’égalité. Si mon meilleur ami commet une erreur, je le lui dirai.

Le brassard vous a-t-il changé ?

J’ai appris à prendre mes responsabilités plus vite, y compris en-dehors du terrain. Sur celui-ci, je m’exprimais déjà, comme Michel Preud’homme l’avait directement remarqué. Sans doute a-t-il pensé que si je le faisais sur le terrain, j’y parviendrais également en-dehors.

Interrogé sur votre parcours il y a quelques semaines, le Brugeois Koen Daerden a répondu qu’il n’était pas surpris : à Genk, tout jeune, vous exigiez le ballon et vous aviez un mental en fer.

Mon atout est la distribution du jeu. Je ne tremble pas quand 30.000 personnes occupent le stade. Plus la pression est forte, mieux je me sens. Diriger les autres est naturel pour moi. Il est essentiel de parler aux autres, de crier : – A gauche ou – A droite. On ne le fait pas assez en Belgique. Les entraîneurs devraient insister davantage sur cet aspect dès les catégories d’âge. C’est plus difficile quand on découvre cela en équipe fanion.

 » Liverpool m’a appris que j’avais le niveau européen « 

Quel match ou quel moment de la saison passée vous a-t-il le plus marqué ?

Le match de coupe d’Europe à Liverpool. Tous, nous y avons pris conscience de notre aptitude à évoluer à un niveau supérieur. Nous l’avions prouvé en championnat mais nous nous demandions ce dont nous étions capables sur la scène européenne. Notre bon match à domicile contre Liverpool était sans doute partiellement dû au fait qu’ils nous avaient sous-estimés mais là, ce n’était plus le cas. Ce fut le match crucial de la saison passée. Nous avons montré que nous avions une excellente équipe. Nous avons fait le jeu, nous voulions réaliser un exploit à tout prix.

Que vous a appris ce match sur vous-même ?

Que j’avais le niveau européen, même si j’ai signé ma meilleure performance contre Séville.

Combien d’offres avez-vous reçues depuis ce match à Liverpool ?

Une série d’équipes intéressées me jugeait trop cher, d’autres ont vu leur offre repoussée. Il s’agissait de ténors et de membres du subtop européens.

Quel effet vous font ces offres ?

Elles me flattent mais si Luciano D’Onofrio, qui connaît le milieu, juge préférable que je reste encore un peu, je le crois. Je ne suis pas déçu. Je sais que je suis capable d’évoluer parmi l’élite absolue et je veux le prouver en Ligue des Champions.

Vous auriez pu retrouver Fellaini à Everton.

Nous nous entendions bien, cela aurait été chouette.

Vous vous entendiez bien mais vous vous êtes affirmé après son départ, quand vous avez pris place à côté de Witsel.

Je jouais beaucoup plus haut quand Fellaini était là. Bölöni m’a convaincu qu’en évoluant plus bas, j’aurais davantage d’impact sur le jeu et que je pourrais signer une plus belle carrière depuis ce poste.

Est-ce un coup dur pour un joueur qui a été formé en attaque ?

J’aime être souvent en contact avec le ballon. Le football actuel est tellement organisé et tactique que c’est difficile quand on joue haut. Après coup, je trouve que ce changement constitue une réussite.

Que vous manque-t-il pour réussir comme élément offensif au plus haut niveau ?

De la puissance, surtout. Au top, les défenseurs sont très costauds. Je suis mobile et je peux réaliser des actions offensives, mais je ne réussirais pas ce que je fais maintenant au milieu défensif.

Vous devenez un serviteur plutôt qu’un joueur qui fait la une ?

Les médians défensifs sont de plus en plus appréciés. Voyez le jeu de Xavi et la reconnaissance dont il jouit.

Emilio Ferrera dirait pourtant que vos statistiques au milieu défensif sont insuffisantes.

Elles sont meilleures qu’avant. Dix assists, c’est potable, mais je dois tirer davantage au but.

Pourquoi ne le faites-vous pas ?

Pourquoi le faire quand je peux isoler un homme devant le but ? A mes yeux, un long tir est un pari mais Bölöni estime également que je dois plus souvent tenter ma chance. Je m’y exerce depuis quelque temps.

Preud’homme le frère, Bölöni le prof

Lors du départ de Preud’homme, beaucoup d’observateurs ont craint que le Standard ne peine. Vous n’avez émis aucun doute. Ne nourrissiez-vous vraiment aucune crainte ?

J’ai pensé qu’il ne serait peut-être pas mauvais de changer d’entraîneur car chacun aurait peut-être été trop à l’aise. C’est différent avec un nouveau coach qui remet d’emblée chacun les pieds sur terre.

Si on suit votre raisonnement, vous allez connaître des problèmes puisque cette fois, l’entraîneur est resté après le titre ?

Bölöni ne nous laisse pas nous reposer sur nos lauriers. Après le match amical à Mons, il a dit que le jeu n’était pas bon. Il est direct. Nous sommes aussi super motivés parce que nous jouons la Ligue des Champions. Personne n’accusait de surpoids au retour des vacances, chacun affiche une meilleure condition physique qu’il y a un an à la même époque. L’ambition est là.

Quand avez-vous réalisé que Bölöni était un bon entraîneur ?

D’emblée, quand il s’est appuyé sur nos propres atouts en coupe d’Europe, montrant ainsi qu’il croyait en nous. Il a fait progresser les joueurs individuellement aussi.

Qu’a-t-il amélioré en vous ?

Il me fait jouer plus intelligemment. Avant, je voulais être omniprésent. Si un médian défensif quitte son poste, tout peut très vite mal tourner. Il m’a appris à contrôler tranquillement le jeu devant la défense et à jouer à partir de là, sans courir dans tous les sens.

La saison dernière, après un revers dans un match amical à Tirlemont, il s’était interrogé sur les qualités du noyau. Cela vous avait-il effrayé ?

Nous avons pensé que ça allait être difficile mais il agit souvent de la sorte : il pique les joueurs dans leur orgueil pour qu’ils se subliment. Cela marche souvent.

Preud’homme et Bölöni ont connu le succès. Où se trouve la différence ?

Preud’homme a formé une bonne équipe et nous a mués en vainqueurs. Il détectait parfaitement les points faibles de chaque adversaire. Bölöni a fait progresser les joueurs individuellement et nous fait jouer davantage en fonction de nos qualités.

Quelqu’un a déclaré que Preud’homme était le grand frère des joueurs et Bölöni le sévère professeur de la classe.

C’est une bonne description. Preud’homme était très proche du groupe et passait la pommade quand c’était nécessaire. Quand nous perdions des points, il lui arrivait de dire : -Ce n’est pas grave. Bölöni n’hésite pas à démolir l’équipe ou certains joueurs. Quand vous restez sur une saison formidable et que vous encaissez pareilles critiques, vous devez vous y faire. Certains s’y sont habitués, d’autres ont eu besoin de plus de temps. L’entraîneur peut être très sévère mais quand il constate que vous avez fait de votre mieux, il peut aussi être compréhensif. Cependant, c’est au footballeur à effectuer le premier pas.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris la saison passée ?

(Un long silence) Malgré une très forte pression, alors que notre groupe est jeune, nous nous sommes livrés à fond jusqu’au bout. Lors du dernier test-match, je nous ai trouvés plus forts qu’Anderlecht. Nous étions capables de geler le match à tout moment et nous l’avons fait.

En quoi le Standard peut-il progresser ?

Si chacun progresse encore individuellement et que nous affûtons nos automatismes, nous obtiendrons des résultats en coupe d’Europe.

En quoi Onyewu va-t-il vous manquer ?

Je vais regretter sa force et son calme en défense ! On pouvait toujours compter sur Onyewu dans les moments difficiles. Il était très paisible mais quand il disait quelque chose, on l’écoutait. Il a éprouvé des difficultés à son retour de Newcastle. Mais la manière dont il s’est ressaisi m’a convaincu qu’il était digne de l’élite, même si je m’attendais à ce qu’il retourne dans un grand club anglais et pas à Milan. Il est suffisamment fort tactiquement pour réussir en Italie et il possède assez de puissance pour neutraliser Zlatan Ibrahimovic ou Vincenzo Iaquinta. Il nous faudra un bon remplaçant. Luciano D’Onofrio le sait et c’est pour cela qu’il a engagé Andrade.

Qui a déclaré, la saison écoulée :  » Je ne pense pas pouvoir apprendre encore beaucoup en Belgique  » ?

(Il éclate de rire) On a un peu sorti cette phrase de son contexte. J’avais déclaré : On apprend moins en Belgique qu’à l’étranger. On peut progresser partout mais moins en Belgique qu’à l’étranger. J’ai encore accompli des progrès, ce qui est logique à mon âge. Le Standard travaille avec des jeunes joueurs et effectue sa sélection sur base des qualités, pas de l’expérience. Tôt ou tard, la qualité est décisive. On a besoin d’expérience. Quand nous disputons un match entre jeunes et anciens à l’entraînement, les anciens gagnent toujours. J’émarge encore de justesse à la catégorie des jeunes. Ils ont parfois besoin d’être pilotés.

Dialogue avec Bölöni

Vous avez parfois fait sortir l’entraîneur pour discuter en interne.

Il est essentiel qu’un groupe puisse débattre en interne. Nous avons passé une heure à discuter dans le vestiaire et nous en sommes sortis unis. Il faut oser dire la vérité et s’en sortir ensemble.

Vous êtes le dernier à quitter le terrain et vous serrez encore des mains alors que d’autres ont pris leur douche. Pourquoi ?

Les supporters déboursent beaucoup d’argent pour assister à nos matches. Gamin, j’admirais les joueurs de l’équipe fanion, je trouvais fantastique que l’un d’eux me serre la main. J’étais un fervent supporter de Jan Verlinden, qui a été transféré de Malines à Twente. Durant un stage, il s’est mêlé à notre jeu. C’était formidable. Je veux faire de même et je sais que les enfants sont très heureux de recevoir une marque d’attention. Les supporters aussi. Dans la victoire comme dans la défaite, il faut respecter les supporters. Au Standard, certains doivent presque emprunter de l’argent pour acquérir un abonnement. Peu leur importe que nous gagnions ou que nous perdions, pour autant que nous mouillions notre maillot.

La marque Nike a lancé une campagne avec vous : Make the difference. Comment voulez-vous faire la différence pour le Standard ?

Je continue à me battre en espérant que ce soit contagieux. Je sais qu’on me pointera du doigt quand ça ira moins bien mais ça ne me dérange pas.

Votre agent, Paul Stefani, répète que vous savez très bien ce que vous voulez. Avez-vous établi un plan de carrière ?

Je veux arriver le plus loin possible.

C’est-à-dire ?

L’élite absolue. C’est pour cela que j’espère me montrer en Ligue des Champions.

par geert foutré

Je ne tremble jamais devant 30.000 personnes. J’adore la pression.

Mon atout est devenu la distribution du jeu.

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