« Bölöni a cassé le groupe »

Le médian français a mal vécu la période Bölöni et espère devenir autre chose qu’un remplaçant.

Le départ de Laszlo Bölöni devait le libérer de son statut d’éternel remplaçant. Las, il a failli contre Salzbourg, retournant sur le banc la semaine suivante. Benjamin Nicaise revient donc sur une saison autant chahutée pour lui que pour son club. Récemment, à un journaliste qui vous disait qu’il avait fallu votre rentrée contre Westerlo pour secouer le cocotier, vous aviez répondu que vous aimeriez bien faire partie du cocotier dès le début…

Benjamin Nicaise : Mon statut n’est pas évident. Je sortais d’un an et demi dans la peau d’un titulaire à Mons. Quand vous êtes habitué à cela et que vous passez du statut de titulaire à une position hybride (titulaire potentiel mais remplaçant par le choix de l’entraîneur), c’est une situation difficile à vivre. Mais que j’arrive cependant à bien gérer.

Vous voulez dire que vous n’explosez pas ?

Oui, c’est ça. Plus d’une fois, j’aurais voulu crier mon mécontentement. Si j’avais été plus jeune, j’aurais certainement explosé. Avec le recul et la maturité, on apprend à se maîtriser dans ses propos. Et puis, il y a un groupe à respecter. Et des choix de coaches que je dois, même si cela ne me fait pas plaisir, respecter… ou accepter. Ce qui n’est pas la même chose.

Quelle est la nuance ?

Respecter, cela signifie qu’il a raison. Accepter, cela veut dire qu’il n’a pas forcément raison mais que tu dois faire avec.

Et respectiez-vous ou acceptiez-vous les choix de Bölöni ?

Il y a des jours où je les respectais et des jours où je les acceptais.

On a l’impression que même après un bon match, vous étiez voué à retourner sur le banc. On l’a vu contre Alkmaar…

Oui, et ce n’était pas la première fois que cela se produisait. La saison dernière, Steven Defour était suspendu et je l’ai remplacé contre Genk où j’ai réalise un match d’enfer. Le week-end d’après, on se déplaçait à Charleroi où je fus de suite sacrifié. Même chose en fin de saison. Je suis aligné à Gand, lors du dernier match de la saison. Dans un contexte pas évident pour quelqu’un qui n’avait plus été titulaire depuis deux mois, je fais un bon match. Mais j’ai disparu lors des test-matches. Attention, j’ai fais des mauvais matches aussi. Je ne le cache pas mais…

Avez-vous l’impression d’être moins fort que Defour et Axel Witsel ?

Non, mais les choix de l’entraîneur n’appartiennent qu’à lui seul. A un moment donné, Bölöni était persuadé, et il s’est acharné à faire de moi un mauvais joueur…

… et à ne vous sélectionner qu’en dernier recours ?

Oui. A Alkmaar, il n’avait plus le choix. Il était bloqué. S’il avait pu rechausser les crampons et jouer à ma place, il l’aurait fait. A Arsenal, après les cartes d’Eliaquim Mangala et de Mehdi Carcela, il rentre dans le vestiaire et tape une grosse colère et dit à Carcela – Je vais faire jouer qui ? Je n’ai plus personne. Moi, je suis juste à côté de la scène. J’encaisse et j’avale. A Alkmaar, j’avais donc deux options. Soit je lui montrais – Ah, tu n’avais personne ? Tu es bien content de m’avoir.. . Soit je le boycottais.

Et vous avez réalisé une grosse prestation…

Je déteste les joueurs prétentieux qui disent qu’ils ont été le détonateur dans tel ou tel match mais là, je pouvais me lancer des fleurs. Si le Standard fait 1-1 contre Alkmaar, oui j’en suis pour quelque chose.

Pourquoi ne pas avoir boycotté l’entraîneur ?

Je n’y ai jamais pensé. Ce n’est pas Bölöni qui me paie. S’il avait fallu faire 10 mètres pour lui, je ne l’aurais pas fait. Ce sont le Standard et les supporters qui prennent un abonnement ou un ticket, qui me paient.

 » Bölöni avait choisi la gestion du groupe par l’individu « 

A la longue, peut-on dire que la relation entre le groupe et l’entraîneur a été cassée ?

Non, c’est l’inverse. C’est Bölöni qui a cassé le groupe.

Comment ?

Il a choisi une gestion du groupe par l’individu. Les 11 qui jouaient étaient les 11 hommes les plus importants. Et les autres, pfft… Quand il a eu un, deux, trois, quatre blessés et qu’il a fallu aller rechercher des joueurs délaissés, c’est devenu compliqué. Tu demandes à ceux que tu n’as pas insérés dans ton projet d’être solidaires et collectifs ?

Est-ce que cela abouti à une cassure au sein du groupe : les privilégiés et les autres ?

Oui, inévitablement. Mais ce n’était pas un secret. Bölöni l’a dit lui-même que certains avaient plus de crédit que d’autres. C’est comme pour les forfaits téléphoniques. Moi, j’avais une carte de cinq unités. D’autres avaient des forfaits illimités ( Il rit).

Est-ce que cela influencé l’ambiance dans le groupe ?

Bizarrement, non. Cela ne se ressentait pas entre joueurs. Il y a eu plus de bagarres l’année dernière que cette saison.

Est-ce que les propos d’Olivier Dacourt vous ont surpris ?

Non, car il n’y avait pas une virgule qui était mal placée. Pour avoir connu quelques clubs, on peut généralement dire que les titulaires sont heureux. Ici, ce n’était pas le cas. C’est qu’il y avait un problème, non ?

Le groupe reprochait à Bölöni ses changements d’horaire incessants et ses mises au vert…

Quand tu as 29 ans, c’est important d’être responsabilisé. Le centre de formation, je l’avais déjà fait. Faire la sieste ou pas, se coucher à telle heure, je l’avais déjà appris. Moi, je sais faire la part des choses. Je sais quand je peux ou ne peux pas faire la fête. Je ne vais pas dire que c’est humiliant d’être pris pour des enfants mais cela enlève au développement personnel. Encore plus quand on est remplaçant.

Cependant, vous dites cela parce que vous avez 29 ans mais n’était-ce pas obligatoire d’agir de la sorte avec un groupe aussi jeune ?

Et Michel Preud’homme, il faisait comment avec le même groupe ? On se plaint que les footballeurs ne sont pas matures mais on ne fait rien pour qu’ils le deviennent. Si tu ne donnes pas de responsabilités au joueur, il restera enfant plus longtemps que prévu. Cependant, c’est vrai que les mises au vert de Bölöni avaient certainement dans sa tête un autre objectif : éviter que les jeunes se dispersent. Mais, moi, je considère qu’il n’y a qu’une seule vérité : celle du terrain. Après, chacun peut avoir une préparation différente. A Mons, je ne suis jamais sorti la veille d’un match. Pourtant, on était libre.

Avez-vous l’impression d’avoir évolué depuis deux saisons ?

(Il réfléchit). J’ai évolué dans la gestion des moments difficiles. A Mons, on m’impliquait, on me donnait des responsabilités. Il y avait des gens qui me poussaient. Ici, j’ai dû trouver les ressources nécessaires pour passer au-dessus des périodes troublantes. Je devais me dire – Oui, j’ai des qualités, je ne suis pas si mauvais que cela.

Avez-vous reçu des retours négatifs ?

En deux ans, la phrase que j’ai le plus entendue, à tel point que cela devenait saoulant, c’était – Tu ne joues pas beaucoup mais tu joues bien. Cependant, un joueur a rarement des retours négatifs. Mais si je regarde le bilan de mes deux saisons au Standard, je vois que j’ai effectué de bons matches de championnat, un très bon en Ligue des Champions et quelques bons en Europa League la saison dernière.

Comment analysez-vous la saison du Standard ?

On s’est servi de beaucoup trop d’excuses. Tout ce qui arrive cette saison n’est pas dû au hasard. On a dit que le championnat commençait à telle période, que les playoffs arrivaient en mars, que quand on perdait, on ne perdait finalement qu’un point et demi. On se voilait la face et on mentait aux gens. Quand certains coéquipiers déclaraient qu’on pouvait encore être champion alors qu’on avait 15 points de retard, il fallait arrêter. Même si, au plus profond de toi, tu en rêves, tu te tais. La blessure de Defour a servi également de bouclier très important à Bölöni.

 » Le parcours européen est plus abouti puisqu’on va plus loin que la saison passée « 

Dans le contexte actuel, la coupe d’Europe fait figure de bouée de sauvetage ?

Oui. La qualification à Salzbourg était importante pour certains joueurs. Moi, j’avais encore en travers de la gorge l’élimination de Braga, la saison dernière. On m’avait désigné responsable de la défaite car Defour était sorti blessé après quelques minutes et que je l’avais remplacé. Dire que les titulaires gagnent les matches et que les remplaçants les perdent, c’est trop facile. Cela ne se passe pas comme cela. Finalement, se retrouver en huitièmes de finale, cela donne une bonne saison européenne.

Meilleure que celle de la saison dernière ?

Elle est plus aboutie puisqu’on va plus loin. C’est vrai que les gens ont tendance à retenir Liverpool, Everton et Séville.

Le Standard a-t-il encore d’autres objectifs que la coupe d’Europe ?

L’objectif demeure le top-6. Tant que c’est encore mathématiquement jouable, on doit le jouer.

Et si vous n’y parvenez pas ?

On pourra dire qu’heureusement le ridicule ne tue pas. A un moment donné, il faut savoir affronter les événements. Il y a des joueurs qu’on ne voit que lors des victoires. Quelqu’un m’a dit un jour – Avec des victoires, tu gagnes des titres ; avec des défaites, tu gagnes de l’expérience. Cette année, on aura pris beaucoup d’expérience.

Cela sent la phrase d’Albert Cartier…

Dixit Albert Cartier.

Il vous a marqué ?

Oui. J’ai passé six mois extraordinaires avec lui. A partir du moment où le mec est sincère…

Revenons au Standard : qu’ont changé Dominique D’Onofrio et Jean-François de Sart ?

L’état d’esprit. Cela revit un peu. On a retrouvé le moteur. Ce qu’on a réalisé à domicile contre Salzbourg est le plus bel exemple. On était sifflé par nos supporters à la pause et pourtant, on a marqué trois buts en deuxième mi-temps. Tu peux être un dribbleur et un buteur, si tu n’as pas le c£ur et le don de soi, cela ne passera pas.

Certains avaient oublié cela ?

Quand cela fait deux ans qu’on dit que le Standard est la meilleure équipe du pays et que tous les clubs européens veulent t’acheter, n’importe quel joueur peut perdre les pédales. Moi, je suis un pompier de service. Je suis au service des autres, des gens qui me font gagner des matches mais il ne faut pas jouer à la baballe.

D’Onofrio semblait vous donner une chance mais vous avez retrouvé le banc après le match aller contre Salzbourg…

Oui, c’est vrai. Contre Alkmaar, ma prestation de référence, je fais un match du tonnerre mais tu le donnes à un entraîneur qui le jette aussitôt à la poubelle. Contre Salzbourg, tu as un entraîneur qui te fait confiance et tu n’arrives pas à le lui rendre. C’est frustrant. Je pense surtout à mon erreur sur le premier but. Au bout de trois minutes, quand tu veux prouver qu’on peut compter sur toi, ce n’est pas la meilleure entrée en matière.

Vous a-t-on reproché cette erreur ?

L’entraîneur a simplement dit qu’il fallait gommer les erreurs individuelles. Mais, je n’ai pas de souci avec les remarques. A partir du moment où c’est fait sainement.

Et comment avez-vous vécu votre retour sur le banc ?

Difficilement. Tu te dis que c’est reparti. La veille du match, je faisais encore partie de l’équipe des titulaires à l’entraînement. Heureusement, j’ai la chance de pouvoir dialoguer avec l’entraîneur.

Finalement, pour un Français, ne pâtissez-vous pas d’être en concurrence avec deux espoirs belges (Defour et Witsel) ?

Si j’étais quatre fois plus fort qu’eux, la question ne se poserait pas. Comme je ne le suis pas. On a tous les trois des caractéristiques bien différentes. Axel est basé davantage sur le jeu court. Steven a de la vivacité, du volume de jeu et moi, je table plus sur la présence athlétique et la possibilité de faire de longues passes. On a rarement évolué tous les trois ensemble mais dans un 4-1-4-1, ce serait possible.

Que vous manque-t-il pour devenir un titulaire indiscutable ?

Un peu de vitesse de course. Mais cela a développé chez moi d’autres qualités comme le placement.

Vous êtes considéré comme médian défensif alors qu’à Mons, on vous donnait également des tâches de créateur…

C’est vrai. Je fais ce qu’on me demande. Ici, on me demande de défendre. Certains croient que je ne suis pas capable de créer. C’est leur avis mais je peux leur montrer des DVD s’ils veulent. Il faut penser au collectif : si on a besoin de quelqu’un qui bouche les trous et qui prépare la défense, je le fais. Parfois, j’aimerais créer un peu plus. Pour certains, être technique, c’est quatre passements de jambe et deux râteaux. Moi, j’ai une autre vision de la technique. Réussir ses passes à 30 ou 40 mètres, c’est aussi de la technique même si je ne suis pas forcément le joueur le plus spectaculaire du championnat. J’ai plusieurs cordes à mon arc même si au Standard, je n’en ai utilisé qu’une seule.

« Il y a eu plus de bagarres l’année dernière que cette saison. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire