Boffin revit

Dernière icône déchue des Canaris, il commente l’équipe d’aujourd’hui et la compare à celle d’hier.

Danny Boffin (44 ans) n’est plus très riche mais rassure : il n’est pas non plus sur la paille.  » Tout ce que j’ai gagné pendant mes années à Liège, à Anderlecht et à Metz, je l’ai perdu en une journée, c’est vrai. En France, un escroc a imité ma signature et celle de ma femme pour vider nos comptes. Entre 750.000 et un million d’euros se sont évaporés…. Je ne laisse pas tomber les bras, j’espère toujours que la Justice me permettra de récupérer mon argent en prouvant que la banque a fait une terrible erreur. « 

Depuis ces histoires, on a raconté un peu de tout sur cet ancien Diable Rouge qui a joué plus de 400 matches en D1 belge et plus d’une centaine en Ligue 1 française :  » La presse m’a associé à des trafiquants de voitures, à la mafia, etc. Je retiens l’essentiel : les tribunaux m’ont blanchi.  » Il y a les traces financières de ces histoires, mais aussi les conséquences familiales : il y a quelques mois, son couple a fini par voler en éclats  » un peu à cause de tous ces problèmes « .

Comme Marc Wilmots, Boffin restera éternellement une icône de Saint-Trond. Ce club l’a formé et c’est là qu’il a connu ses dernières grandes joies de joueur, de 2001 à 2004 :  » J’ai terminé mon parcours par quelques mois au Standard mais je n’en garde pas des grands souvenirs parce que j’y ai très peu joué. « 

Entre-temps, il a repris du service au Staaien. Comme entraîneur spécifique des équipes de jeunes, des Espoirs mais aussi du groupe pro. La bande à Guido Brepoels, celle qui lutte pour un ticket dans les playoffs 1, il la connaît donc très bien.

Quelle est la première explication de la bonne saison ?

Danny Boffin : L’entraîneur. Brepoels a parfaitement le profil pour diriger cette équipe. Et il l’a faite lui-même. Il voulait un groupe jeune, avec des gars qui croient en son projet et débordent d’envie de prouver qu’ils peuvent tourner à un haut niveau. C’est un vrai bloc et tout le monde est derrière le coach. A partir de là, Brepoels a imposé son propre mode de fonctionnement.

Qui ressemble à quoi ?

Beaucoup d’entraînements, régulièrement deux séances par jour. Et c’est très intensif. Les joueurs n’ont pas le temps de s’ennuyer, il y a peu de temps morts. Brepoels exige toujours le maximum. Même dans les périodes où les résultats sont très positifs, il continue à appuyer. Il a toujours travaillé comme ça. Peu de gens le connaissaient avant cette saison parce qu’il n’avait entraîné que dans les divisions inférieures, mais en quelques mois, il a montré qu’il était capable de faire de bonnes choses en D1 aussi. Il a en plus de grandes qualités humaines : tout en montrant à tout moment qu’il est le chef de la bande, il reste proche de ses joueurs.

Il te fait penser à quel entraîneur que tu as connu pendant ta carrière ?

Je le comparerais surtout à Paul Van Himst, que j’ai eu en équipe nationale. Comme lui, Brepoels ne montre jamais la moindre nervosité et il donne continuellement de la confiance à ses joueurs, que les résultats soient bons ou mauvais.

Et par rapport au Robert Waseige que tu as eu en début de carrière à Liège ?

Ce n’est pas la même chose. Waseige pouvait être très dur quand il n’était pas content. Le problème, c’est que tous les footballeurs ne sont pas capables d’encaisser les grosses critiques. Il y en a qui perdent leurs moyens quand leur coach leur rentre dedans.

 » Playoffs ou pas, le championnat est réussi « 

Il y a tellement de qualités dans ce noyau ?

Oui, elles sont là. Et l’équipe a bien profité des circonstances en début de saison. Elle était encore dans l’euphorie de la montée et elle a directement fait des résultats qui marquent : un nul au Standard, une victoire contre Anderlecht, la première place du classement. C’était parti. Et quand un, deux ou trois joueurs sont moins en forme, c’est compensé par les autres, qui donnent quelques coups de pédale en plus. Quand il faut s’engager à 200 %, personne ne manque à l’appel.

Comment expliques-tu le gros passage à vide que l’équipe a traversé ?

C’était écrit. Le groupe est jeune et assez étriqué. Brepoels n’a pas 20 joueurs capables de bien se défendre en D1 : il n’y en a qu’une bonne quinzaine, les autres ne sont pas encore prêts. Mais personne n’a perdu confiance quand l’équipe a enchaîné les défaites. Les discours entendus en début de saison sont encore dans toutes les têtes : Saint-Trond allait devoir batailler jusqu’au bout pour ne pas descendre. Tous les joueurs ont dit à l’époque : -On n’a pas arraché le titre en D2 pour devenir simplement une des moins bonnes équipes de D1. Et maintenant, quoi qu’il arrive, playoffs 1 ou pas, le championnat sera très réussi.

Les playoffs 1, tu y crois ?

Il reste des matches très compliqués : à Gand, contre Bruges, contre le Beerschot. C’est infernal. Mais l’équipe n’a rien à perdre. Et celles qui ont tout à gagner sont souvent les plus dangereuses.

Ibrahima Sidibe est un des meilleurs buteurs du championnat : ça veut dire qu’il est le meilleur attaquant ?

Certainement pas. Sidibe n’est pas encore sur la même planète que Dieumerci Mbokani, qui fait des choses que personne d’autre en Belgique n’est capable de réussir. Dommage que chez le Standardman la tête ne suive pas toujours mais Sidibe est différent, ses atouts sont ailleurs : il remise très bien et il sait marquer sur la plus petite occasion.

L’autre star est dans le but : Simon Mignolet.

C’est le top en Belgique, il va devenir un tout grand. Il est jeune, calme, intelligent. Quand je l’observe à l’entraînement, je me dis souvent : -Pfffttt, comment il a fait pour aller rechercher ce ballon-là ? Il est éblouissant. Je suis certain qu’il deviendra tôt ou tard le numéro 1 belge. Pour le moment, il est encore en retrait par rapport à Logan Bailly, le meilleur. Je trouvais déjà qu’il n’y avait pas mieux que Bailly quand il était à Genk, mais il était parfois un peu fou. Entre-temps, il a complètement gommé ça de son jeu avec Mönchengladbach. Il a eu mille fois raison de partir. Là-bas, il est devenu adulte.

Mignolet est aussi bon que Silvio Proto ?

Proto fait une très bonne saison mais on voit qu’il a des manquements. Son plus gros problème, c’est qu’il supporte mal la pression. Dès qu’il a un vrai concurrent, il fait des petites erreurs.

Le Mignolet de Saint-Trond fait penser au Proto de La Louvière.

Non, pas pour moi. Mignolet est meilleur que le Proto de La Louvière.

La clé pour le futur : Cantaluppi, Chimedza et Wilmet vont-ils rester ?

Jonathan Wilmet est une autre révélation.

Son pied droit est vraiment excellent et il frappe facilement au but. Sur la droite de l’entrejeu, il est incontournable. Je me demande si son avenir est à Saint-Trond. Il est en fin de contrat et je pense que ce sera difficile de le garder. Un des problèmes du club est que deux autres piliers ne sont plus sous contrat que pour quelques mois : Cephas Chimedza et Mario Cantaluppi. S’ils partent tous les trois, il faudra trouver aussi bon qu’eux. Ce sera une clé pour l’avenir à court terme du club. Cantaluppi est le patron derrière, il a connu beaucoup d’équipes, il a une expérience énorme, et en défense centrale, ça fait la différence. Il ne marque pas les esprits quand il joue mais on voit directement quand il n’est pas là. Chimedza a aussi un rôle crucial. Dès qu’il est blessé, l’équipe a des problèmes. Parce que c’est lui qui oriente le jeu. Cantaluppi, Wilmet et Chimedza ont des profils que beaucoup de clubs recherchent. Chimedza encore plus que les deux autres : tout le monde cherche un bon numéro 10.

Quels autres joueurs te font flasher ?

Qui connaissait Nils Schouterden il y a six mois ? On ne l’avait jamais vu en D1. Aujourd’hui, c’est une vraie valeur sûre sur le flanc gauche. Il a un superbe centre dans le pied gauche, il est terriblement endurant, il donne des assists et sait aussi marquer. Et il a une marge de progression énorme. Ailleurs dans l’équipe, il y a des gars dont personne ne parle, des porteurs d’eau qui ont vraiment le label STVV. Vincent Euvrard et Marc Wagemakers sont des meubles en défense, Wim Mennes demande tous les ballons dans l’entrejeu et augmente le rendement des coéquipiers qui sont dans sa zone. Et il y a eu une autre éclosion en défense : Denis Odoi. Il a beaucoup souffert en début de saison, on s’est posé des questions sur son niveau mais tout le monde a eu les réponses entre-temps.

Quel est le rôle de Peter Delorge, le symbole du club ?

Il incarne la mentalité de toute l’équipe. Il est ici depuis plus de 10 ans, nous avons joué ensemble. Il va avoir 30 ans mais il continue à bosser comme le plus volontaire des jeunes. Cela a toujours été sa marque de fabrique, d’ailleurs. Peter est le capitaine indiscutable : même quand il ne joue pas, les autres joueurs lui parlent comme s’il portait le brassard. Et il s’identifie totalement au club. Il a fait ses débuts de pro à Saint-Trond et ça m’étonnerait qu’il joue un jour ailleurs.

Qui est le Boffin de l’équipe actuelle ?

C’est Schouterden qui se rapproche le plus de mon profil. Il lui manque l’expérience énorme que j’avais ici au début des années 2000 : je sortais de longs séjours à Anderlecht et à Metz.

Identité retrouvée

Peux-tu comparer l’équipe de Brepoels à celle de Jacky Mathijssen ?

Il y avait quand même plus de qualités à l’époque de Mathijssen. Pour ne donner que deux exemples : je jouais dans l’axe, j’avais Wouter Vrancken et Delorge dans mon dos pour faire tout le sale boulot et me permettre de m’éclater offensivement ; et devant, c’était Désiré Mbonabucya qui marquait comme il respirait. Je ne devais même pas lever la tête, je savais où il était. En 2002-2003, j’ai donné 16 assists et il a marqué 14 buts. Après cinq ou six matches, Saint-Trond était l’équipe la plus productive d’Europe ! Nous avons terminé à la quatrième place et joué la finale de la Coupe avec beaucoup de joueurs dont plus personne ne voulait et dont la plupart n’ont plus rien fait de valable après avoir quitté Saint-Trond. Comme s’ils étaient faits pour ce club et aucun autre. Je pense par exemple à Bram Vangeel, Claude Kalisa, Marcos Pereira, Kris Buvens, Mbonabucya ou même Benjamin De Ceulaer. C’est malheureux qu’on ait décidé de faire un grand nettoyage au moment où Marc Wilmots a repris l’équipe et y a introduit des joueurs venus d’Allemagne et de France. Plus de dix joueurs ont dû partir et il y a donc eu beaucoup de nouvelles têtes. On a directement constaté une perte totale d’identité avec tous ces étrangers et bien moins d’engagement dans le jeu. Tout cela est revenu avec Brepoels.

par pierre danvoye – photos: reporters/ van beek

« Mignolet est le futur meilleur gardien belge. »

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