« boeren! »

Suite à une fusion pleinement réussie, c’est toute une région de foot qui revit grâce aux joueurs du coach Francky Dury.

Aux confins des Ardennes flamandes, le stade Arc-en-ciel de Waregem est en train de reprendre des couleurs grâce aux Boeren (paysans), surnom donné à ses joueurs en opposition avec ceux de la ville de Courtrai. Ils continuent donc sur leur lancée de la saison passée et le stade, après avoir accueilli les pigeons et avoir eu le vent comme seul compagnon, est à nouveau empli des clameurs des supporters locaux.

Retour d’ambiance pour un stade qui a résonné des exploits de Rik Van Steenbergen lors des championnats du monde de cyclisme en 1957 (d’où le nom) ou des compagnons de Filip Desmet qui, avec le SV Waregem, mirent le grand Milan AC au tapis lors de la campagne 1985-1986 de la Coupe de l’UEFA.

Depuis lors, ce coin de Flandre-Orientale, coincé au pied de l’E17, a connu son lot de désillusions. Dégradation de l’ Essevee local en 1994 jusqu’en Promotion. Puis advint la lumière suite à la fusion avec Zulte, gros bourg de 14.000 âmes, distant de quatre kilomètres. Ne manquant pas d’ambition et de sponsors, ce club qui militait en troisième division, se produisait dans des installations précaires et devant un public parsemé. Au contraire de Waregem. Quatre ans et deux promotions plus tard, voilà les Coalisés en D1, occupant de surcroît la quatrième place après neuf journées de championnat. La région revit et les vielles écharpes rouges et blanches de l’ancien Essevee côtoient désormais celles plus récentes de Zulte, qui a gardé ses couleurs jaunes et vertes, à la demande du sponsor principal, Molécule.

 » On perçoit un engouement dans la région « , explique le manager sportif Luc Dhaenens,  » On sentait une vraie demande des supporters qui, depuis l’époque où Waregem, Courtrai et Harelbeke évoluaient de concert en D1, n’avaient plus rien eu à se mettre sous la dent. On en voit certains qui se rendaient au Cercle ou à Mouscron revenir à Zulte Waregem. Lors du derby contre Roulers, on a joué devant 6.500 spectateurs pour une capacité maximale de 8.500. Contre le Standard, ils étaient encore plus nombreux et le stade devrait afficher complet pour le double affrontement contre Bruges (championnat et Coupe) et pour celui face à Anderlecht en décembre « .

Moteur de cet engouement : les résultats sportifs détonants d’une formation composée pour majeure partie de semi-pros. Si les pronostics d’avant-saison ne prédisaient pas la descente pour ces promus, ils ne s’aventuraient pas à de tels résultats.

L’entraîneur Francky Dury, pierre angulaire de ce succès, et présent ici depuis dix ans (six ans à Zulte et quatre à Zulte Waregem) a déjà reçu le surnom de Guy Roux et vient de re-signer jusqu’en 2009 :  » Dès la fusion, nous avons suivi notre vision préétablie avec toute la cellule sportive : former une équipe pas à pas autour de joueurs régionaux facilement identifiables pour nos supporters. Ce projet a démarré immédiatement grâce à notre titre de D3 dès la première saison. La machine était en route. Encore maintenant, nous suivons ce fil conducteur. Notre noyau est composé essentiellement de Belges auxquels nous avons ajouté cette saison trois Français ( Frédéric Dindeleux, Matthieu Verschuere et Sylvio Breleur). Mais on peut encore parler d’identité régionale car il s’agit de Nordistes. On veut suivre les exemples de Lens et d’Heerenveen et éviter ceux de Courtrai et d’Harelbeke qui ont périclité, faute de stabilité « .

Cette politique s’explique par le budget du club (passé d’1,5 à 3,25 millions d’euros) mais aussi par la présence de nombreuses autres formations dans la région.  » Je ne crois pas que cela soit un désavantage. Notre public vient de la E17 alors que celui de Roulers s’articule principalement autour de l’autoroute reliant Bruges à Courtrai « , se défend Dury.

De longues journées

Pour forger ces résultats, Dury a fait confiance au noyau de l’année passée renforcé par quelques éléments routiniers de l’élite (comme Tjorven De Brul ou Verschuere).

 » C’était important de conserver l’équipe qui avait décroché la promotion « , dit Dury. Et pourtant il a fallu prendre la décision de suivre ou non la voie du professionnalisme.  » Une fois notre ticket en D1 acquis, on a discuté de cela avec le président. On a demandé l’avis aux joueurs qui ont préféré garder leur statut de semi pro. Si on avait imposé le passage au professionnalisme, sans doute aurions-nous perdu plusieurs éléments qui n’auraient pas accepté de quitter leur travail sans savoir combien de temps ils allaient rester en D1. Cette décision me concernait également puisque je travaille à la police fédérale « .

Pour concilier ces emplois du temps bien chargés, les entraînements ont lieu le soir, entre 17 h 30 et 19 h 30, tous les jours avec une séance supplémentaire le mardi et mercredi après-midi pour les rares professionnels du noyau.  » Ce n’est pas pour autant plus facile. D’ailleurs, je ne crois pas trouver des entraînements aussi longs partout. Je fais des blocs de 25 minutes et des cycles de six semaines « , commente Dury,  » Je travaille énormément la pression sur une zone définie (plus haute ou plus basse, cela dépend de l’adversaire) et les lignes d’automatisme. Quand un de nos joueurs a la balle, c’est important que cinq ou six de ses équipiers sachent ce qu’il va faire. Tout est informatisé. J’insiste également beaucoup sur la communication et la bonne entente dans le vestiaire. Beaucoup de clubs ont tendance à oublier ces paramètres. Après les entraînements, nous mangeons tous ensemble. Je tente ainsi de récupérer le temps que nous n’avons pas partagé durant la journée. C’est aussi pour la cohésion du groupe que je limite le noyau à 24 éléments. Comment voulez-vous maintenir un groupe plus important en éveil ? Ce n’est déjà pas facile de dire à quelqu’un qu’il est 22e homme. Alors imaginez-vous si on doit l’expliquer à dix personnes. Comment voulez-vous qu’elles trouvent encore la motivation nécessaire. Je reçois également la pleine confiance du président et c’est beaucoup plus facile pour travailler et grandir. Les joueurs sentent quand un entraîneur est sur la sellette et nerveux.  »

Et ça marche ! Au soir de la neuvième journée, Zulte Waregem ne comptant que deux défaites contre le Standard et à Genk.  » Quand on voit le nom de ceux qui nous ont battus, nous n’avons pas à rougir. D’autant plus que nous avons bousculé ces deux formations « , analyse Matthieu Verschuere.  » On ne ferme jamais le jeu. Contre Genk, on a manqué de réussite. On peut parler de défaites rassurantes « . Car si Zulte Waregem surprend, il le fait avec un football léché.

 » Je veux que le supporter qui vient au stade trouve du plaisir et veuille revenir « , poursuit Dury.  » Et je simplifie le discours pour mes joueurs. C’est André Van Maldeghem qui me disait – Quand tu rends le football difficile, c’est que tu ne le comprends pas. Je simplifie tout avec des détails. Sur phases arrêtées, il faut indiquer aux joueurs qui doit être premier, deuxième ou troisième homme dans le mur. Je sais que c’est la collectivité qui fait la force et chacun doit connaître son rôle. Même les remplaçants « .

Un attaquant, de nombreux buteurs

Avec un noyau composé d’anciens taulards de la D1 (outre De Brul, Verschuere, Stefan Leleu, Tony Sergeant ou Stijn Meert) mais aussi des pensionnaires de divisions inférieures. Quatre joueurs ( Peter Merlier, Stijn Minne, Nathan D’Haemers et Frederik D’Hollander) ont connu la D3 avec le club, d’autres ( Ibrahim Salou) n’ont jamais goûté aux saveurs de l’élite.

 » Nous aurons toujours une place pour des pensionnaires de D2 « , explique Dhaenens,  » Chaque saison, on discute pour savoir ce qu’on va améliorer dans l’équipe. Et on effectue un gros travail de prospection. Je vais voir près de 70 matches par an en dehors de la D1. Si on nous propose un joueur, il y a de fortes chances que nous le connaissions. J’ai attiré Michaël Wiggers (Virton) que je suivais depuis qu’il officiait au FC Liège. On n’hésitera pas non plus à lancer un de nos 425 jeunes « .

Cette saison, le recrutement s’est axé sur l’expérience mais aussi sur le poste d’attaquant.  » L’année passée, on a survolé le championnat « , affirme Dury.  » Et je savais que cela ne serait plus le cas cette saison. Il me fallait changer mon schéma offensif. Je voulais un grand costaud pour servir de pivot et un pion vif qui pourrait profiter des contres. C’est dans cette optique que nous avons transféré Salou et Tim Matthijs. Outre une plus value au niveau du vécu en D1, il ne me fallait rien d’autre. Je savais que je pouvais faire confiance aux garçons qui avaient fêté le titre de D2. Certains se demandaient ce que valaient D’Haemers, Minne ou Merlier. Ils en ont la réponse. Sur le onze de base, huit viennent de D2. On craignait également l’absence d’un buteur. Mais, on a déjà inscrit 18 buts avec neuf joueurs différents. Un défenseur comme Frédéric Dupre a déjà trouvé le chemin des filets à trois reprises. Ça, cela vient avec la confiance. En résumé, je trouve que nous possédons un noyau équilibré avec des joueurs polyvalents et autant de droitiers que de gauchers « .

Cet élan positif fut forgé dès l’entame du championnat. Un succès en ouverture à La Gantoise déclencha la machine.  » Malgré le fait que l’on soit promu, on n’a pas eu besoin de phase d’adaptation à la D1. Et on le doit à notre victoire obtenue d’emblée à La Gantoise « , dit Verschuere.

 » J’étais en vacances en Toscane quand on m’a téléphoné pour me demander une réaction sur notre calendrier « , renchérit Dury.  » Avec La Gantoise, le Standard et Genk, nous n’étions pas gâtés mais j’ai dit que c’était très bien car de cette façon, nous serions très motivés et attentifs pour le début « .

Et l’avenir ?

Pourtant, chacun connaît les limites du club.  » On sait que l’on va avoir une période difficile. Il ne faut pas rêver. On garde d’ailleurs toujours en tête le maintien mais on ne nous enlèvera pas la confiance accumulée « , commente Verschuere.

 » On a beaucoup parlé d’inexpérience après la défaite du Standard (2e journée) encourue dans les arrêts de jeu « , avoue Dury  » mais on apprend vite puisque nous battons le GBA à la 90e minute et Roulers à la 88e « .

Quant au manager Dhaenens, il avoue une petite crainte :  » Pour le moment, tout ce que l’on dit de nous est positif. J’attends ce que les mêmes gens affirmeront quand on perdra deux ou trois rencontres d’affilée « .

Outre l’engouement populaire et médiatique, les succès du promu commencent à attirer les entreprises de la région. Dhaenens :  » Le secteur industriel a douté pendant de nombreuses années gardant en mémoire la faillite du club. Nous percevons désormais de l’intérêt. Nous n’avons pas de gros sponsors mais de nombreux petits. On ne s’emballera pas non plus devant certaines demandes car on doit avoir beaucoup de respect pour les sponsors qui nous suivent depuis cinq ans. Le budget ne grandira pas tellement la saison prochaine car on doit aussi protéger nos arrières en cas de descente. On compte néanmoins améliorer certaines choses, notamment l’éclairage ou la tribune qui accueille les visiteurs « .

STéPHANE VANDE VELDE

 » NOUS AURONS TOUJOURS UNE PLACE ici pour les joueurs de D2  » (Luc Dhaenens)

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