L’ancien coach fédéral relève le challenge liégeois après une Coupe du Monde pimentée.

Turin, 1er juillet, 11h35, Robert Waseige vient de débarquer du vol SN 3191 de la Brussels Airlines en provenance de la capitale belge. Joseph Simul, l’attaché de presse du Standard, l’attend. Une heure plus tard,l’ancien coach de l’équipe nationale arrive à l’Hôtel du Nord d’Aoste, pas loin du Mont-Blanc, où se trouvent les joueurs et tout le staff technique du Standard.

Un jour après la finale Brésil-Allemagne d’une Coupe du Monde qui aura marqué sa déjà longue carrière, le technicien liégeois relève un défi assez différent de celui qui fut le sien à la tête des Diables Rouges. Une semaine de soleil à Saint-Cyr-sur-Mer, entre Bandol et Cassis, lui a visiblement fait le plus grand bien. Il y a eu le temps de terminer un livre retraçant l’histoire de l’espionnage de la Seconde guerre mondiale au terrorisme de nos jours. Robert 007 a préservé, à 62 ans, son envie de vivre le football au quotidien…

Est-il facile de passer en une dizaine de jours, malgré ce séjour en Provence, du prestige de la Coupe du Monde à la vie, presque banale, d’un club de football belge?

Robert Waseige:: Il s’agit tout de même du Standard de Liège qui, jusqu’à preuve du contraire, fait partie de ce qu’on fait de mieux chez nous. Tout a été vite: retour en Belgique, réception au Palais royal à Laeken, vacances et Aoste. J’ai bien rechargé les accus qui, c’est vrai, ont été soumis à rude épreuve au Japon. Les conférences de presse étaient éreintantes mais la plage de repos a vite aiguisé mon envie de retrouver un club à la recherche de résultats et d’équilibre. C’est un challenge qui m’excite. Au-delà du détail administratif et financier qui m’a amené à prendre congé de l’Union Belge après trois ans où j’ai eu 90% de satisfactions, je risquais de me repasser le même disque. J’avais déjà vécu une préparation et un EURO, une campagne de qualification et une phase finale de Coupe du Monde. L’équipe nationale va reprendre le chemin d’une qualification, donc du déjà vu pour moi. Je n’ai jamais rien planifié dans ma carrière. Je change d’orientation sur de bonnes sensations et cela me sera utile dans mon nouveau job.

Ce fut une Coupe du Monde historique à plus d’un titre: qu’en retenez-vous d’abord dans sa globalité?

Si le Brésil est le vainqueur méritoire, grâce à ses stars, de jeunes nations, sur le plan footballistique, se sont éveillées et d’autres, plus traditionnelles, ont peut-être été victimes d’une forme de lassitude. Mais il faudra une confirmation lors du prochain Mondial pour affiner les diagnostics. Le Japon et la Corée du Sud ont pu se préparer afin d’avoir un bon réservoir fraîcheur. Par rapport à cela,les grands pays ont eu des coups de pompe. Il en sera ainsi tant que les programmes seront chargés afin de justifier les capitaux investis par les télés. Quand ce flux s’arrêtera, si cela arrive, les noyaux et les programmes seront dégraissés.

J’ai retenu les acquis du Japon, de la Corée, des Etats-Unis, du Mexique, de l’Irlande mais surtout de la Turquie, qui a de quoi faire peur aux grands car elle s’appuie sur le talent, l’organisation et l’engagement. Le football n’est plus une chasse pour les dinosaures. La Belgique a assumé son rôle avec dignité dans ce concert suivi par un public convivial. Il y a eu une innovation athlétique avec l’apport des petits gabarits asiatiques vifs, rapides et décidés. « Wilmots n’est pas un menteur »

Que faire afin de résoudre la crise de l’arbitrage?

Je retiens d’abord qu’il y a eu moins de fautes crapuleuses mais il faut être plus exigeant dans la chasse à la triche. Je comprends que la FIFA veuille montrer le foot dans ses diversités mondiales mais, à ce niveau, il faut d’abord réunir les meilleurs arbitres stimulés par des moyens humains: trio homogène et meilleure préparation. Les capacités médiatiques sont telles que les arbitres doivent se sentir traqués. La vidéo serait envisageable en D1 mais, avant d’en arriver là, épuisons toutes les solutions humaines.

Comment jugez-vous l’arbitre jamaïcain de Brésil-Belgique suite à sa décision de porter plainte à la FIFA contre Marc Wilmots? Il n’aurait jamais dit qu’il n’y avait pas faute sur le but annulé des Diables Rouges…

Marc n’est pas un spécialiste dumensonge et de la manipulation. J’imagine que l’homme en noir a agi sur ordre pour défendre l’arbitrage exotique. Marc a fait taire les doutes: c’est un très bon footballeur avec en plus des qualités morales et mentales développées à un haut niveau. Il ne passe pas au maquillage avant de jouer: il est naturellement devenu le leader du groupe. Deux coaches nationaux, Leekens et moi, l’ont installé dans ce rôle. Ce n’est pas lui qui en avait besoin, c’est la Belgique qui ne cernait pas ses qualités. Je ne l’ai pas officialisé chef, cela s’est fait par petites touches pour ne pas donner de boutons à certains pourtant heureux d’être remorqués par ce leader.

Que pensez-vous, avec le recul, du brouhaha médiatique dans lequel a vécu l’équipe belge au Japon?

Cela me fait sourire, presque de… pitié. Le monde entier retiendra uniquement notre bon niveau sportif, une image positive de notre football. Elle a obtenu aussi le Prix du fair-play, ce qui est un pied de nez aux quelques connardsqui ont parlé de tensions internes. Un groupe miné n’obtient jamais une telle récompense. Ces quelques pauvres mecsvoulaient ma tête depuis trois ans. Or, la fédé avait exprimé le désir de me garder et, finalement, j’ai donné une autre impulsion à ma carrière. Ils n’ont pas eu ma peau: frustrant pour eux, probablement. L’opinion publique belge, tant en Flandre que dans la partie francophone, les a condamnés. J’ai apprécié le courage de Jan Peeters dans la tourmente. J’aurais pu ne rien dire mais il y avait danger de désinformation du public suscitée par, entre autres, le docker mal éduqué et l’éboueur d’un journal anversois. C’était moche. Et à Paris, après l’annonce de ma décision, je me suis senti agressé et menacé verbalement.

Il y a eu débat tactique durant le Mondial: fallait-il un ou deux médians défensifs au centre de l’équipe belge?

C’était un thème ringard. En 98, la France a été championne du monde avec trois médians défensifs qui ont marqué ou signé des assists. A un moment, Walem a douté. J’aurais pu le forcer au risque de démâter en cas de tempête. Simons était frais et pouvait apporter de la profondeur, Vanderhaeghe revenait en force et j’ai simplement utilisé les hommes au top comme ce fut le cas avec Wesley Sonck à la fin du tournoi. Avant cela, il n’avait pas trouvé de rythme de croisière du buteur à l’entraînement. Wesley, il ne faut pas en faire une victime car il n’ a pas commencé les quatre matches du Mondial. C’est l’avenir à condition qu’il ne décroche pas sans cesse dans le jeu. Si on a souffert face à la Tunisie, ce n’est pas à cause de nos médians défensifs mais uniquement parce que les arrières latéraux ne créaient pas le surnombre au centre du jeu. Nos attaquants se sont fanés comme des fleurs qu’on n’arrose plus. J’aurais pu le dire: Eric Deflandre n’aurait pas demandé ensuite pourquoi il n’a plus été sélectionné. Face à la Russie ou au Brésil, Walem a, ensuite, été remarquable dans un rôle de médian relayeur. Déstabilisé par Lesman?

Aimé Anthuenis a pris le relais: qu’en pensez-vous?

Je suis content pour lui car c’est un de mes meilleurs confrères. En Belgique, il a le profil idéal pour cette fonction. Nous avons bien travaillé avec un groupe que j’ai parfois volontairement secoué pour le garder éveillé dans la performance. L’image du football belge n’est pas négative. Elle ne l’était pas après l’EURO 2000, malgré notre échec face à la Turquie, et elle nel’est pas non plus aujourd’hui. N’avons-nous pas brillé face à la Russie et au Brésil, des géants par rapport à notre pays? C’était un honneur d’être à la Coupe du Monde. Le Roi a réagi plus vite que le Premier ministre pour nous féliciter: c’était une belle récompense. J’ai apprécié aussi les remerciements de Michel D’Hooghe. L’avenir, c’est Aimé et je sais qu’il l’assumera bien à la tête d’un foot belge bien moins pauvre qu’on ne le croit.

Le Standard: n’est-ce pas un pas en arrière après avoir connu la crème mondiale avec les Diables Rouges?

Non, je me réjouis, à 62 ans, d’avoir l’envie de relever un challenge. C’est sportif avant tout et, au lieu d’être cool en équipe nationale, je réagis comme un joueur qui a envie de nouveaux défis. Il y a du piment, c’est excitant, rajeunissant. Je n’ai pas l’impression de passer du cosmos à une petite planète de province. Ce club signifie quelque chose et j’y débarque pour la troisième fois. En 1976, si je me souviens bien, Robert Petit est venu me chercher à Winterslag et j’ai ainsi découvert le professionnalisme. Nous nous sommes qualifiés trois fois pour la Coupe de l’UEFA. A cette époque-là, ce club n’était pas taillé pour être champion. C’était le crépuscule de Van Moer, qui ressuscita à Beringen. On a bien travaillé et j’ai beaucoup appris. Même s’il y a eu de petits heurts, Roger Petit était un géant. Michel Preud’homme a fait ses débuts à cette époque et on sait où cela l’a mené: au top mondial. Après, de 1994 à 1996, il y a eu de belles périodes avec la découverte de Wilmots, la classe d’un grand portier comme Gilbert Bodart, le titre de meilleur buteur d’Aurelio Vidmar, etc. Mais, à la fin, un dirigeant a téléphoné aux joueurs pour déstabiliser le coach.

C’était Lesman…

Un dirigeant, peu importe qui. Et je n’ai pas aimé l’impatience, d’abord, puis la manière ensuite, mais ce n’était qu’un détail à côté des joies vécues au Standard. L’époque a changé et j’apprécie ce qui se fait dans un souci non pas de condamnation du passé mais pour être moderne: diététicienne, psychologue, apport médical de l’Université de Liège, préparateur physique. Je découvre un bon groupe. Il n’y a pas de stars mais des joueurs de qualité, et le noyau n’a pas beaucoup bougé. C’est une donne à relever car tout le monde se connaît. Le Standard ne refusera pas de réaliser les bonnes affaires qui sont à sa portée mais il y a déjà d’importantes potentialités. Cela me plaît et ce fut décisif au moment de mon choix. Je retrouve des amis: Luciano D’Onofrio, Michel Preud’homme. Au FC Liège, j’avais fait appel à Christian Piot, à Dominique D’Onofrio à qui j’avais confié les Scolaires puis les Juniors UEFA et qui a toujours été un passionné de football, à Daniel Boccar, etc.Le Villeurbanne du foot belge

A la fin de fin de la saison passée, Michel Preud’homme a déclaré que le nouveau coach adopterait son style de jeu: votre 4-4-2 colle-t-il à sa vision d’un genre plus emporté, ou moins lié?

Michel a parlé avec son coeur: j’aime cela. Il voulait voir un Standard généreux et qui porte le danger dans le camp adverse. Cela peut passer par un 4-4-2, qu’il aime bien, ou autre chose. Preud’homme est parvenu à mettre les gaz avant que cela se complique, mais c’est le football. Mes axes de travail reposeront sur un style de jeu, compris et réalisable, la complémentarité et la mentalité qui fait souvent la petite différence. Le passé est le passé, il ne sert à rien d’en parler sans cesse. Le Standard entame une nouvelle saison. Lemot nouveau veut tout dire.

Il y a 20 ans que le Standard attend un titre national: n’est-ce pas là votre vrai défi?

L’épreuve du feu, dont un solide programme en début de saison, nous en dira plus. En basket, Lyon Villeurbanne a attendu son titre 21 ans et a perdu, avant cela, cinq finales de playoffs. Rien ne se commande en sport. Jusqu’à preuve du contraire, Genk, Anderlecht, Bruges, Mouscron et Gand veulent jouer un rôle en vue: le Standard entend être présent et performant dans ce débat.

Pierre Bilic, envoyé spécial à Aoste

« A Paris, je me suis senti agressé et menacé verbalement »

« Le Standard entame une nouvelle saison: le mot nouveau veut tout dire »

« Un docker mal éduqué et un éboueur d’un journal anversois étaient à la base d’une campagne de désinformation »

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