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Blues hivernal

Comme chaque année à pareille époque, le football brugeois est un peu poussif. Il faudra attendre le retour des terrains en bon état et des adversaires plus aventureux pour voir le jeu s’améliorer.

Fin mai, alors que le Club Bruges venait d’annoncer l’arrivée de Philippe Clement, sous le soleil, dans une fermette de Zedelgem, nous nous étions attardés afin de savoir si Bruges comptait engager Gert Verheyen comme adjoint. Finalement, les parties n’avaient pas trouvé d’accord. Parce que là où Clement voit toujours le verre à moitié plein, le meilleur consultant du pays le voit souvent à moitié vide. Pour lui, avoir du talent, c’est bien. Être efficace, c’est mieux.

Dimanche, nous avons repensé à cela lorsque, devant les caméras de Proximus, qui lui demandaient d’analyser le match contre Charleroi, Verheyen a soufflé et a dit :  » Ces dernières semaines, j’ai vu plusieurs matches entre des clubs qui vont jouer les play-offs 1 et ce n’était pas très excitant.  »

Clement, lui, voyait – évidemment – les choses différemment. Contrairement aux semaines précédentes, il admettait que Bruges avait moins bien joué mais il y avait des raisons à cela : le rythme était élevé, le temps était mauvais, le terrain aussi et l’adversaire ne songeait qu’à défendre.

Mais, pour lui, ce sera différent lors des play-offs : il fera meilleur, les terrains seront plus praticables et, surtout, les adversaires devront sortir pour refaire une partie de leur retard sur Bruges. Il y aura donc plus d’espaces.

Un creux contredit par les chiffres…

Cela fait des semaines qu’à chaque conférence de presse suivant un match de championnat, Clement se bat contre ceux qui affirment que son équipe est dans le creux de la vague. Les résultats et une avance de plus en plus grande au classement le confortent dans sa position. À la trêve, Bruges comptait 49 points, soit 10 de plus que Charleroi (contre qui il devait encore jouer un match de retard), La Gantoise et l’Antwerp. Le Standard était à 14 unités, Malines à 15 et Genk, que Bruges affrontera dimanche, à 18.

Bruges serait dans le creux mais, depuis, il a signé un 15 sur 21 et compte 9 points d’avance sur La Gantoise. Les chiffres démentent donc l’impression qui veut que La Gantoise joue actuellement beaucoup mieux que le leader et le mette sous pression. Les Buffalos n’ont repris qu’un point tandis que Charleroi et le Standard accusent désormais 16 points de retard, l’Antwerp 17 et Genk 23.

Des passages à vide comme ça, Bruges en veut bien chaque année. Jusqu’ici, l’Antwerp est le seul club belge à avoir battu le Club. Les autres ont dû, au mieux, se contenter d’un point, même quand Bruges a dû changer son fusil d’épaule et miser davantage sur son physique. Si l’écart s’est encore creusé, c’est surtout grâce à la défense. Cette saison, en Belgique, elle ne s’est plantée qu’une fois : à Courtrai. Deli et Ricca avaient fait 0-2 mais ils s’étaient montrés arrogants, avaient dézoné et avaient laissé trop de liberté à leurs adversaires. Courtrai avait ainsi pu égaliser. Pour le reste, la ligne arrière et ses trois M(ousquetaires), Mignolet, Mata et Mechele (+ Deli) répond toujours présent.

Dimanche, Mignolet a rendu sa quinzième clean-sheet en Jupiler Pro League. Celui qui est devenu jeudi le premier gardien à délivrer un assist en Coupe d’Europe depuis 2015 améliore ainsi son record personnel (14 clean-sheets en une saison avec Saint-Trond en D2 et avec Liverpool en 2014-2015). Bruges n’a encaissé que 12 buts cette saison en championnat, ce qui en fait une forteresse quasi imprenable.

…mais une attaque qui coince quand même

À ce niveau, les choses n’ont guère changé depuis le Nouvel An : on est passé de 8 à 12 buts encaissés en championnat avec des matches contre Charleroi (2x), Anderlecht, Courtrai, l’Antwerp, le Standard et Waasland-Beveren, dont quatre en déplacement.

C’est sur le plan offensif que le bât blesse. Au cours des sept mêmes rencontres, Bruges n’a ajouté que huit roses au bouquet de 46 buts inscrits avant le Nouvel An. En guise de comparaison, La Gantoise a marqué 18 fois en six matches. On a longtemps cru que c’était la faute des attaquants.

Clement a toujours nié et les chiffres semblent lui donner raison. Avant le match contre Charleroi, Bruges avait marqué 53 buts sur… 53,25 expected goals. Autrement dit, il n’avait pratiquement rien gaspillé (en revanche, il n’avait encaissé que 12 buts sur 20,07 expected goals).

Le  » problème « , ce n’est donc pas seulement Okereke, Openda, Dennis ou Krmencik, qui n’a pas encore trouvé ses marques. Il ne gagne pas de duel, ne garde pas le ballon et n’a pas encore marqué en championnat. Il n’était pas repris en Coupe d’Europe et a entamé le match face à Charleroi sur le banc. Les fans commencent déjà à gronder.

Depuis le Nouvel An, aucun attaquant n’a encore marqué en championnat. Les buts ont été inscrits par Deli, Ricca, Vanaken (3), Rits (2) et Balanta. Mais les avants ont-ils vraiment eu des occasions ? N’est-ce pas la dernière passe qui fait défaut ? Diatta n’est pas souvent là, Sobol travaille beaucoup mais manque de précision, Vanaken est fatigué et blessé au poignet, Vormer manque de fraîcheur…

En théorie, Clement se fiche de savoir qui marque mais il cherche la bonne formule. Il a déjà testé toutes les combinaisons possibles entre Dennis, De Ketelaere, Tau, Krmencik, Openda et Schrijvers. Aucune n’a fonctionné. Mais ce n’est peut-être pas seulement leur faute. Ne faut-il pas chercher la cause dans l’entrejeu, le compartiment où il y a le moins de rotations (sauf entre Rits et Balanta) ?

Des raisons d’espérer ?

Bruges a souvent eu des problèmes en hiver. La saison dernière, après le stage au Qatar, les troupes d’ Ivan Leko ont définitivement perdu le titre en raison d’un 9 sur 18 (cette fois, Bruges a signé un 14 sur 18 si on ne tient pas compte du match de retard face à Charleroi). Il y a deux ans, c’était pire encore : 7 sur 18 après la trêve. Et il y a trois ans, 12 sur 18 avec Clement sur le banc aux côtés de Michel Preud’homme. Pour faire mieux que cette année, il faut remonter à la saison 2015-2016 avec un 18 sur 18 au cours duquel Bruges avait jeté les bases de son premier titre depuis 2005.

Conclusion : le passage à vide des B lauw en Zwart a changé de date : avant, il avait lieu en octobre-novembre. Maintenant, c’est en janvier-février. Les statistiques doivent permettre de trouver la cause de ce changement. Bruges a-t-il trop fait la fête après le Soulier d’Or ? S’est-il entraîné trop dur en stage ? Ou pas assez ? S’est-il reposé sur ses lauriers ? L’équilibre du noyau a-t-il été rompu ? Les blessures ont-elles joué un rôle ? A-t-il décompressé après la campagne de Ligue des Champions ?

Et a-t-il réussi à renverser la vapeur par le passé ? Clement a-t-il des raisons d’espérer que le printemps revienne ? Oui et non. Au cours des trois dernières saisons, Bruges n’a livré qu’une seule fois de bons play-offs : l’an denier. En 2017, Preud’homme a pris 15 points sur 30. L’année suivante, Leko a été champion avec un 12 sur 30. L’an dernier, il a dû se contenter de la deuxième place malgré un 22 sur 30. Parce qu’il a fait ce que Clement a dit en conférence de presse : il a tenté le tout pour le tout. Genk a vacillé mais n’est pas tombé.

Une nouvelle surprise du chef ?

À la mi-décembre, Simon Mignolet nous avait dit qu’il voulait creuser au maximum l’écart lors de la phase classique. Bruges y arrive puisque seul Gand parvient plus ou moins à s’accrocher. Même en divisant les points par deux, les autres semblent devoir faire une croix sur le titre.

Bruges doit-il tout sacrifier dans le but d’augmenter au maximum son avance, même la Coupe d’Europe ? C’est l’impression qu’il a laissée jeudi : Charleroi semblait plus important que Manchester United. Clement conteste : ce n’est pas lui qui va demander à ses joueurs de laisser tomber l’Europe alors qu’il insiste chaque jour sur la mentalité. Même si l’Europa League empêche son équipe de bien préparer la finale de la Coupe de Belgique et les play-offs.

 » Nous avons déjà joué beaucoup de matches mais, à partir des play-offs, nous serons à égalité avec les autres « , ajoute-t-il cependant. On est donc curieux de découvrir la composition de son équipe à Old Trafford, à quatre jours du match à Genk. Car la semaine dernière, il nous a réservé une surprise en alignant Maxim De Cuyper plutôt que Ricca pour faire souffler Sobol.

En 2012, déjà, Georges Leekens avait lancé Bjorn Engels lors d’un match européen : il avait remplacé Thibaut van Acker et avait marqué contre son camp pour sa première touche de balle. Jeudi, De Cuyper a effectué une mauvaise rentrée de touche vers Mechele et Martial a égalisé

Thibault Vlietinck a également disputé un de ses premiers matches face à Dortmund et Openda a fait parler pour la première fois de lui… en ratant un but tout fait au cours de la même rencontre.

Un entraîneur qui tente cela n’a rien à perdre. Si le jeune réussit son match, il est lancé. S’il échoue, on parlera de manque d’expérience. Et en même temps, c’est un moyen de montrer aux joueurs confirmés qu’ils doivent toujours être au top, même contre Waasland-Beveren. Car croyez nous : Ricca, Schrijvers et Sobol auraient voulu jouer contre Manchester United.

C’est aussi comme ça qu’on crée un état d’esprit tout en mettant la formation des jeunes en valeur. Cette saison, Bruges a déjà aligné six joueurs formés au club : Vlietinck, Openda, Mechele, Van der Brempt, De Ketelaere et De Cuyper. Reste à savoir qui restera car dans le passé, ils sont peu nombreux à s’être imposés.

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