Bleusaille

Les trois coaches des promus découvrent leur nouvelle division.

Ce n’est déjà pas évident d’arriver sur la pointe des pieds dans un championnat que l’on ne connaît pas et de se battre avec des moyens que les autres équipes trouvent ridicules. Quand on est promu, on sait qu’on va au devant d’une longue, très longue saison. D’autant plus quand cela fait 42 ans (Tournai) et 40 ans (Namur) que l’on n’a plus connu la D2 ou quand on est sociétaire d’une ville (Charleroi) où l’on aime s’enflammer au moindre événement.

Cette année, être promu en D2 s’annonce encore davantage comme un parcours périlleux tant le championnat a connu de tels bouleversements avec l’affaire opposant Namur et Geel. Cela devient quasiment impossible de vivre une saison tranquille, de travailler suivant un plan bien défini. Les entraîneurs de l’Olympic, Tournai et Namur devront donc composer avec toute une série d’impondérables.

Presque deux mois après l’entame de la compétition, un premier bilan peut déjà être tiré. L’Olympic a débuté sa saison en boulet de canon avant de rentrer dans le rang ; Tournai a vécu un parcours initial catastrophique avant de redresser quelque peu la barre. Quant à Namur, rentré en retard dans ce championnat, il se bat avec ses armes.

Après deux mois de compétition, comment décririez-vous le championnat de D2 ?

René Hidalgo : Le niveau n’est vraiment pas mauvais. Il y a beaucoup de Français et pour le moment, je pense qu’il n’y a pas énormément de différences par rapport à la D1.

Jean-Marc Varnier : Je confirme. Il y a deux ans, j’étais impressionné par le niveau athlétique quand je venais voir des rencontres. Désormais, on retrouve une maturité tactique et le niveau technique s’est élevé. On sent que les équipes sont bien en place et que les entraîneurs se sont intéressés à ce qui se passait à l’étranger. Ainsi, il y a finalement très peu d’écart entre Tournai, avant-dernier avec huit points et Waasland, septième avec 11 points.

Hidalgo : Les équipes veulent gagner. Le jeu n’est pas fermé.

Varnier : Du coup, les formations encaissent beaucoup trop. C’est incroyable de remporter un match 4-0 pour ensuite se faire battre 0-4. Pourtant, cela se passe chaque week-end.

Danny Ost : Moi, je trouve qu’il y a un énorme gouffre entre la D3 et la D2. Par rapport à l’époque où je jouais en D2, il y a une réelle amélioration. Ce qui m’étonne le plus, c’est la taille. On retrouve des doubles mètres à Tubize, à Virton.

Varnier : Il a raison. C’est énorme. Quand tu vois arriver Jan Masureel (Ostende), tu te retires. Notre médian Mickaël Seoudi a perdu deux dents dans un duel avec lui. Par contre, si en citant Tubize, tu penses à Jeremy Njock, tu n’as plus de souci à te faire. Car il va éprouver des difficultés pendant toute la saison, crois-moi !

Hidalgo : Et puis, cela travaille beaucoup en D2. Maintenant, certains clubs s’entraînent tous les jours. A Namur, six fois par semaine.

Ost : A l’Olympic aussi. Mais, le noyau ne comprend que trois joueurs qui ont un travail en dehors du foot.

Varnier : Chez nous, on s’entraîne cinq fois. Plus, cela ne serait pas possible car la moitié de l’équipe travaille.

Comment avez-vous vécu l’arrivée de Namur ?

Ost : Comme un plus. Plus il y a de clubs wallons, mieux la D2 peut se porter. Cela rééquilibre.

Hidalgo : Cela donne de la fraîcheur à ce championnat.

On parle de refonte du championnat. Dans ce cas, la D2 deviendrait en quelque sorte une D3…

Varnier : La Fédération n’en serait plus à une connerie près. Moi, j’ai la moitié de l’équipe qui bosse et on nous demande de jouer trois fois par semaine. Vous savez, notre médian Fabiano Scarpino bosse même la nuit !

Hidalgo : Est-ce vraiment une solution pour la Belgique ?

Varnier : A part les Ecossais qui ont une compétition très pauvre, aucun grand championnat ne fait cela. Qu’on regarde ce qui se passe ailleurs et qu’on s’inspire des autres au lieu de prendre des décisions à l’emporte-pièce.

Vous avez le sentiment que Namur est le bienvenu dans ce championnat ?

Hidalgo : A Lommel, pour notre première rencontre, il y avait beaucoup de drapeaux flamands mais on s’y attendait. Cela n’est pas grave car cela pimente une rencontre. Cela nous donne des ailes.

Ost : Moi, je le dis haut et fort : Geel ne devrait pas être en D2 !

Varnier : Il ne devrait même pas avoir la licence. Tout le monde savait que ce club avait des problèmes financiers. Finalement, il gagne le tour final et tout le monde se retrouve dans le pétrin.

Hidalgo : C’est un peu la même chose avec le Lierse. Il doit évoluer la saison prochaine en D3. Pourquoi le placer en D2 cette année ?

Ost : Avec tous les sous-entendus que cela suppose. Contre le Lierse, parce qu’on menait 0-1 chez eux, on nous a fait disputer sept minutes d’arrêts de jeu. On voyait l’arbitre consulter sa montre et être prêt à siffler mais à chaque fois que le Lierse repartait vers l’avant, il laissait jouer.

Hidalgo : On a vécu la même situation. On égalise à 10 contre 11 et on a cru aussi que le match ne finirait jamais.

 » En Belgique, on est espoir à 21 ans. Ailleurs, à 15 ! Et titulaire à 17… « 

Par quelles initiatives passe le salut de clubs comme le vôtre ?

Varnier : La Belgique a moins de moyens financiers que la France mais doit penser autrement. S’il n’y a pas de sous, il faut travailler plus en profondeur. Vous trouvez normal qu’il n’y ait pas de centres de formation ?

Hidalgo : Il faut avoir des idées !

Varnier :… et imposer les centres de formation.

Hidalgo : Oui mais si on veut faire de la formation, il faut aussi payer les entraîneurs qui vont s’en occuper ! Si on ne les paie pas, qui va se charger de la formation ?

Varnier : Je me pose beaucoup de questions quand je vois que les clubs préfèrent miser sur des Français moyens.

Hidalgo : Vous trouvez normal que des joueurs de D4 française réussissent en D1. Est-ce que c’est normal que des jeunes belges de 15 ans partent à l’étranger ?

Ost : Un jour, j’ai discuté avec Francis De Taddeo, l’entraîneur de Metz qui s’occupait auparavant du centre de formation du club lorrain. Il m’a dit – En Belgique, le vivier existe mais à partir de 13-14 ans, vous ne sortez plus rien.

Varnier : C’est l’âge à partir duquel on acquiert de la tactique, de la puissance, la science du placement et du déplacement.

Hidalgo : En Belgique, à 21 ans, on te considère encore comme un espoir. Dans les autres pays, tu es un espoir à 15 ans, titulaire à 17 ans et confirmé à 21.

Varnier : En ne misant pas sur les jeunes, les supporters deviendront les dindons de la farce. Il faut les respecter. Eux ne s’identifieront plus à un club s’il y a de moins en moins de Belges.

Comment jugez-vous le départ de vos formations respectives ?

Ost : Nous étions encore dans l’euphorie de la montée. On s’est arraché et les gens ont commencé à rêver. On évoquait déjà un destin à la Dender.

Hidalgo : C’est légitime de rêver !

Ost : Oui mais il fallait rester les pieds sur terre. On était bien parti et puis, on a vécu un week-end sans match suivi d’une semaine de trois rencontres. On n’était pas prêt à vivre cela.

Varnier : Nous avons vécu un début de championnat difficile. Les dirigeants avaient placé trois matches amicaux contre des formations de D1 alors que nous n’avions repris l’entraînement que depuis deux jours. Cela a pompé pas mal d’énergie.

Hidalgo : Les dirigeants agissent de la sorte pour gagner de l’argent. Mais ça met l’équipe dans le rouge. Ce n’est pas très intelligent.

Varnier : Mais à Tournai, on ne fait pas les choses comme tout le monde !

C’est pour cette raison que vous avez démissionné avant de revenir sur votre décision…

Varnier : A 40 ans, on ne démissionne pas. On s’accroche mais je n’ai plus 40 ans ! La montée n’a pas fédéré au niveau de la ville.

Ost : Pourtant, je suis jaloux de vos installations !

Varnier : Oui mais elles ne nous appartiennent plus ! – NDLR : Depuis cette saison, Tournai partage son stade et son terrain d’entraînement avec la formation voisine de D3, Peruwelz. Finalement, je menace de démissionner et grâce à cela, tout le monde est placé au pied du mur et on bat Namur. Maintenant, je sais que je vais aller jusqu’au bout mais ce ne sera pas facile.

Ost : Même pour l’Olympic, ce ne sera pas facile. Je veux que l’on soit rassuré le plus vite possible.

Et le début de saison de Namur ?

Hidalgo : On prend un point à Lommel pour notre première rencontre. C’est pas mal mais on aurait pu repartir avec les trois points. Cependant, il faut tout replacer en perspective : j’avais préparé une équipe pour réaliser un bon championnat de D3, pas pour évoluer en D2. Mais je suis optimiste car on joue bien.

 » Nos villes sont capables de supporter une montée mais personne ne semble intéressé « 

Pour vous, monter avec votre club en D1, est la seule solution pour entraîner au plus haut niveau ?

Hidalgo : Il y a un monopole des entraîneurs de D1 sur l’élite. Ils veulent garder leur place. En Provinciales, je connais de très bons entraîneurs mais ils n’auront jamais leur chance au plus haut niveau.

Ost : Tout entraîneur rêve de la D1 mais le potentiel-chance joue beaucoup. De plus, même quand on reçoit une chance, il faut persuader très vite. Mais c’est certain que ce que réalise Francky Dury à Zulte Waregem est un exemple pour nous. Comme le parcours de Marc Brys.

Hidalgo : Emilio Ferrera a commencé aussi en Provinciales.

Varnier : En France, j’ai eu l’occasion d’aller entraîner le stade de Reims, en Ligue 2 mais j’ai refusé car je pensais que je pouvais y arriver avec Maubeuge. Mais cela n’a pas réussi. Une chance s’est présentée et je ne l’ai pas saisie.

Ost : Et puis, je vais jeter un pavé dans la mare mais en Belgique, on choisit souvent un coach par copinage. On ne privilégie pas assez la qualité.

Hidalgo : Que l’on travaille à Soignies ou à Namur, si on le fait bien, on devrait être traité de la même manière. Mais ce n’est pas le cas. Namur, c’est la capitale de la Wallonie et on y reçoit davantage de publicité.

Pensez-vous que vos clubs pourront à court terme viser la D1 ?

Ost : Je ne pense pas car on n’est pas prêt. Que ce soit au niveau des infrastructures ou de l’administratif.

Hidalgo : Mais ce sont les résultats qui font bouger les gens…

Varnier : Je ne suis pas d’accord. Est-ce que cela a bougé après votre montée en D2 ?

Hidalgo : Non, pas beaucoup.

Varnier : Nos villes, si elles s’organisent, sont capables de supporter une montée mais personne ne semble intéressé.

Ost : Mais moi, ce qui me plaît, dans le projet de l’Olympic, c’est que l’on veut grandir petit à petit. On souhaite se rassurer et puis viser le long terme.

Varnier : Les seuls clubs dans lesquels j’ai réussi quelque chose, sont ceux qui étaient structurés. On peut construire quelque chose dans un club sans bons joueurs mais avec une belle structure. L’inverse n’est pas vrai.

Hidalgo : A Namur aussi, on sent qu’on veut s’organiser. Alphonse Costantin, l’ancien directeur général du Standard, est arrivé. Notre président a beaucoup d’idées…

Ost :… Et beaucoup d’argent aussi.

Qu’est-ce qui manque à votre équipe ?

Ost : Notre faiblesse, c’est le manque d’expérience. Par contre, la qualité technique, on l’a.

Varnier : Idem. Mais, sur le plan technique, on n’a pas non plus le niveau.

Ost :… et je reviens au problème de la taille.

Hidalgo : Danny, on ne peut pas mesurer le talent à la taille et au poids. Si j’amène 11 Sud-Américains, on va repeindre le stade en couleur ! Quand tu commences à jouer au foot, tu fais mal à tout le monde, même aux grands.

Varnier : C’est vrai quand tu presses haut. Mais sur les phases arrêtées, sans grands gabarits, tu es mort.

par stéphane vande velde – photos: reporters/ gouverneur

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