Bleu clair ou foncé?

Pour une question de nuances, l’ancien défenseur de Bruges et du Standard a échoué à Troyes et se retrouve au Canonnier.

Engagé à quelques heures de la clôture des transferts (et qualifié pour la Coupe de l’UEFA à partir de janvier…), Pascal Renier semble bien relancé.

Vous aviez eu un premier contact avec Mouscron, puis vous étiez parti vous entraîner à La Louvière avant de signer malgré tout au Canonnier. Que s’est-il passé?

Pascal Renier: J’avais eu un premier contact avec Lorenzo Staelens, que j’avais connu à mon époque brugeoise. Il était intéressé par ma venue, mais le président Jean-Pierre Detremmerie préférait un joueur plus jeune, dans la logique de la philosophie du club où la formation est devenue prioritaire. Il m’a demandé d’attendre. Entre-temps, La Louvière s’est manifestée. Je me suis entraîné au Tivoli, mais les dirigeants des Loups voulaient s’accorder une semaine de réflexion, à la fois pour me juger et pour examiner si mon engagement était compatible avec un budget qui avait été bouclé avec l’arrivée de Didier Ernst. Pour m’acquérir, il fallait d’abord vendre certains joueurs qui avaient été relégués dans le noyau B. Le 31 août, alors que l’on approchait de la clôture de la période des transferts, la situation ne s’était toujours pas débloquée. J’ai eu un nouveau contact avec Lorenzo Staelens. La blessure de certains défenseurs, et en particulier de Marco Casto, a sans doute précipité ma venue au Canonnier. J’ai signé pour une saison, avec une option pour trois saisons supplémentaires.

Des joueurs comme vous, habitués à un certain train de vie, semblent éprouver de plus en plus de difficultés à se recaser dans le contexte actuel du football, même lorsqu’ils arrivent en fin de contrat.

Effectivement. En fin de saison dernière, j’avais passé un test à l’Arminia Bielefeld. Avant de m’engager, le club allemand voulait avoir la certitude de monter en Bundesliga. Cela s’est réalisé, mais les difficultés financières du groupe Kirch ont ruiné mes espoirs. Lorsque j’ai discuté avec Lorenzo Staelens, il m’a prévenu: – Net’attendspas àuncontratfaramineux! Je lui ai répondu que cela n’avait aucune importance, que l’essentiel à mes yeux était de rejouer et de pouvoir m’entraîner avec un groupe. Didier Ernst, que j’ai côtoyé à La Louvière, m’a confié qu’il avait ressenti les mêmes impressions que moi: il n’y a rien de pire que de devoir s’entraîner seul, à courir et à encore courir, sans pouvoir toucher le ballon et participer à des mouvements collectifs. « Je suis en bonne condition »

On connaît vos qualités, pour vous avoir vu à l’oeuvre autrefois, mais vous n’avez plus joué depuis un bon bout de temps.

J’ai, malgré tout, joué le plus souvent possible avec l’équipe de CFA, à Troyes. Ce n’était pas le niveau le plus élevé, mais c’est mieux que de rester dans la tribune en spectateur. En outre, j’ai toujours entretenu ma condition individuellement. Lorsque je me suis soumis aux tests physiques à Mouscron, ils n’étaient pas trop mauvais. Ce qu’il me manque, c’est le rythme de match et les automatismes avec mes partenaires.

L’Excelsior vous a d’abord demandé de trouver vos marques avec l’équipe Réserve.

J’ai joué mon premier match à Charleroi, sur un terrain exécrable. Si l’on ne m’avait pas expliqué que c’était un terrain de football, j’aurais pensé que c’était un pré où broutaient les vaches. En arrivant, nous nous sommes regardés, Gordan Vidovic et moi: – Cen’esttoutdemêmepasiciquenousdevronsjouer? Mais si! Les dirigeants carolos se sont excusés, ils ont expliqué qu’ils aimeraient faire jouer leur équipe Réserve sur le terrain principal du Mambourg, mais que c’était impossible. Avant de bien jouer, l’essentiel était d’éviter de se blesser. J’ai encore joué avec la Réserve au Canonnier contre Anderlecht. Toujours à l’arrière gauche, pour me préparer à remplacer Filston contre Mons, apparemment. La blessure de Tidiany Coulibaly a précipité mon entrée au jeu au stade Constant Vanden Stock. Je peux aussi évoluer dans l’axe, si c’est nécessaire.

Il y a cinq ans, vous étiez un défenseur réputé, Diable Rouge même. Que s’est-il passé depuis lors?

C’est toute une histoire. Durant l’automne 1997, alors que je jouais à Bruges, j’avais été opéré d’une pubalgie. Il m’a fallu six mois pour retrouver toutes mes facultés. Je suis alors parti au Standard, où Tomislav Ivic venait d’arriver. J’aurais dû y signer un contrat de quatre ans, car tous les examens médicaux que j’avais passés s’étaient révélés positifs, mais un jour le Dr. Maréchal est venu me trouver dans la chambre d’hôtel que je partageais avec Ivica Mornar et m’a affirmé que je souffrais d’une tendinite chronique au tendon d’Achille. Selon lui, le Standard aurait pris un gros risque en me proposant un contrat de longue durée, et au lieu des quatre ans prévus, je n’ai eu droit qu’à une location d’une saison assortie d’une option d’achat d’une valeur très élevée. Hélas, en raison d’entraînements trop poussés, huit joueurs du noyau ont été victimes de déchirures musculaires. J’ai fait partie du lot, je n’ai disputé que 15 matches de championnat et 5 de Coupe de Belgique (avec la finale perdue 3-1 contre le Lierse). L’option d’achat n’a pas été levée. Par la force des choses, je suis retourné à Bruges. Pour mon malheur, il ne me restait qu’une année de contrat. Après avoir dû céder gratuitement Dirk Medved au Standard et Lorenzo Staelens à Anderlecht, Antoine Vanhove n’avait pas envie de perdre un troisième joueur et n’avait qu’une idée en tête: me vendre avant que mon contrat n’arrive à expiration. J’ai été relégué dans le noyau B ou C, en compagnie de trois autres joueurs qui se trouvaient dans le même cas: Nordin Jbari, Gert Claessens (qui est rapidement parti à Oviedo) et Darko Anic (qui ne s’est quasiment jamais présenté aux entraînements). Nous nous sommes retrouvés à deux, Nordin Jbari et moi. Sedan s’est présenté. J’ai refusé. Finalement, nous sommes tous les deux partis à Troyes en septembre 1999.Présenté par Perrin comme un messie

Qu’est-ce qui n’a pas marché là-bas?

L’entraîneur Alain Perrin, aujourd’hui à Marseille, m’avait recruté sur base de mon C.V. J’ai l’impression qu’il ignorait quel type de footballeur j’étais réellement. Il m’a directement aligné au libero, alors que j’avais toujours joué en marquage sur l’homme ou sur le flanc gauche. J’ai été présenté comme le messie pour un groupe qui venait d’accéder à la D1 et qui manquait totalement d’expérience au plus haut niveau. Je n’ai pas répondu à l’attente, notamment parce que j’accusais un retard de deux mois dans la préparation. La saison fut très difficile: nous nous sommes sauvés lors de la dernière journée, face au PSG qui, comme nous, avait besoin d’un point. Ce fut un non-match: les passes au gardien se sont succédées d’un côté comme de l’autre, avec la bénédiction de l’adversaire. Il y avait des gens qui avaient payé très cher pour assister à une grosse affiche et qui se sont vus proposer un spectacle affligeant. Ce fut une expérience très curieuse à vivre. Par la suite, je n’ai pratiquement plus joué. Alain Perrin avait décidé de se passer de mes services.

Comment expliquez-vous ce revirement?

Je me le demande encore. Un jour, je suis allé le trouver dans son bureau pour lui demander des explications. Ce que j’ai vécu alors est tout bonnement incroyable. Il m’a demandé quelle était ma couleur préférée. J’étais interloqué. Après avoir surmonté ma surprise, j’ai répondu: – Bleu! Il a rétorqué: – Trèsbien!Bleuclairoubleufoncé? Je me suis demandé où il voulait en venir. Sans trop réfléchir, j’ai répondu: – Bleufoncé! Il s’est exclamé: – Pasdechance, jepréfèrelebleuclair!C’estpourcelaquetunejouespas. Toutestunequestiondenuances. Je n’en revenais pas. La troisième saison, j’étais sur le point d’être vendu au FC Twente, mais le club néerlandais n’a pas voulu dépenser une somme jugée astronomique pour un joueur qui, quelques mois plus tard, allait arriver en fin de contrat et se retrouver libre sur le marché. Pour ne rien arranger, j’ai été victime d’un problème à la cheville, qui n’était qu’un simple blocage mais dont on ne parvenait pas à déceler les causes exactes. Le Dr. Martens a finalement décelé une sorte d’entorse très rare chez les footballeurs. Didier Frenay, mon manager, m’a envoyé chez Lieven Maesschalk qui a réglé le problème en 15 jours.

A 31 ans, n’avez-vous pas l’impression d’avoir gaspillé cinq des plus belles années de votre carrière?

C’est la vie. Ma pubalgie a mis trop de temps à guérir. J’avais hésité à me faire opérer. La suite, vous la connaissez. Sportivement, j’ai perdu trois années à Troyes, mais j’ai beaucoup appris sur le plan humain et je suis fier d’avoir continué à me battre, pour moi-même, dans des conditions très ingrates. A 31 ans, il n’est pas trop tard pour rebondir, mais c’est vrai qu’il est temps.

Daniel Devos

« A 31 ans, il n’est pas trop tard »

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