Blatter n’est pas le Board !

Voici trois semaines, Joseph Blatter avait évoqué avec légèreté le racisme dans le foot : un joueur peut avoir à l’égard d’un autre un mot, un geste qui n’est pas correct. Mais celui qui en est la cible doit se dire  » C’est un jeu, et à la fin du jeu on doit se serrer la main « . D’où, venant des preux chevaliers du politiquement correct, un haro illico sur le vieux Sepp minimisant un problème grave ! Perso, la phrase m’avait moins ahuri que quand Blattoche (qui n’est pas Platoche) ouvre des yeux de merlan frit dès qu’on lui parle de corruption ou de dopage : sortant de la bouche d’un pote de buvette, la déclaration supra ne choquerait pas autant que sortie de la bouche du président/FIFA ! Elle ne fait pas de Blatter un raciste, elle le rapproche plutôt d’un cureton nigaud prêchi-prêchant pour le pardon des offenses impulsives…

Blatter ne décrit là qu’un racisme mineur, imbécile et spontané, un fait de jeu, diront certains, découlant de l’irritation récurrente et des guéguerres bébêtes que suscite le foot : se laisser aller à un sale noir ou assimilé quand tu râles, c’est du même acabit que lâcher sale roux, sale tatoué, sale gros, sale blanc, sale minus ou sale moche, selon la dominante physique de l’adversaire qui t’a énervé. C’est nul, c’est con, c’est l’homme. Mais ça n’a rien à voir avec un racisme majeur parce que prémédité, lorsqu’une insulte répétée qui n’a rien d’impulsive vise à pousser l’adversaire à bout. Et rien à voir avec les minables banderoles de gradins, ni avec les honteux cris de singes de supporters négativement à l’unisson.

Blatter n’a pas nuancé, il en a pris pour son grade, il devait donc penser dare-dare à redorer son image médiatique. D’abord, Socrates s’est mis à mourir, c’était bienvenu. Sepp s’est attristé officiellement, évoquant  » le joueur de légende, hyper-technique et doté d’une exceptionnelle vision du jeu qui, avec Zico et Falcao, enchanta le monde « . Mouais. C’était injuste d’oublier Toninho Cerezo, qui forma en 1982 avec les trois autres un quatuor médian d’exception. C’était surtout un peu court, fallait redorer avec du plus clinquant : du coup, comme au Vatican quand la fumée devient blanche, le Sepp annonce urbi et orbi que la technologie sur ligne de but sera effective lors du Mondial 2014 ! Habemus papam ! Et fleurissent sur le net des titres tels que  » Après des années de refus obstiné, la FIFA autorise…et gna gna gna.  » !

Mollo. D’abord, il n’y a nul refus obstiné, Blatter n’a jamais été anti-vidéo comme Michel Platini : c’est même la FIFA qui, depuis plusieurs années, met le point à l’ordre du jour de la réunion décisionnelle de l’ International Board. Ensuite, la FIFA ne peut rien autoriser, elle n’est que membre du Board, où elle dispose de quatre voix sur huit. Les quatre autres sont pour les quatre fédés britanniques, les décisions requièrent six voix… et les Britanniques ne sont pas des moutons : l’an dernier, la FIFA souhaitait un quatrième remplacement lors des prolongations, les Britishs l’ont envoyée paître ! Donc Blatter cause, cause… encore faudra-t-il que le Board officialise ses espérances le 4 mars prochain ! Vous me direz que s’il cause, c’est qu’il a bon espoir, et que les Britanniques prônent cette technologie depuis le but invalidé de Frank Lampard en 2010. Voire. Lampard n’est qu’Anglais : pas sûr qu’Ecossais, Irlandais et Gallois furent pareillement désolés…

Mais pourvu que Sepp ait gain de cause ! Même si la technologie n’intervient en 2014 que pour le franchissement de la ligne de but, même si Platini grommellera que le ver est désormais dans le fruit, on peut penser l’inverse : se dire en quelque sorte que le fruit sera dans le ver ! Et que peu à peu, le recours à cette technologie s’intensifiera pour laver le foot de bon nombre d’erreurs de jugement ! Pas toutes, d’accord, faudra encore clarifier les textes… à commencer par le fait qu’un but soit marqué quand le ballon a entièrement franchi la ligne (Loi 10). Mais un ballon qui a franchi, c’est quoi : un ballon qui ne touche plus la ligne, ou un ballon qui ne la surplombe plus ? ! Cela n’a l’air de rien… mais ce n’est pas anodin car un ballon, c’est rond ! Vous pariez quoi qu’un jour, malgré la nouvelle technologie, la question se posera ?

PAR BERNARD JEUNEJEAN

Blattoche n’a jamais été anti-vidéo comme Platoche.

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