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BLACK TO BASQUE

A vingt-deux ans, Iñaki Williams représente l’avenir d’un club à la politique parfois jugée obsolète. Portrait d’un ailier qui mérite plus que l’étiquette de « black de l’Athletic ».

Un ballon dans la profondeur. Un démarrage foudroyant depuis l’aile droite. Un défenseur dépassé. Une frappe. Un but. Soit le genre d’actions dont Iñaki Williams raffole. Même si cette saison, l’attaquant peine à retrouver l’efficacité qui lui avait permis de planter treize buts en 2015-2016, la nouvelle bombe sortie de l’Athletic, c’est ce gamin fin comme une liane, mais insaisissable comme un serpent.

Car outre sa capacité à se mouvoir dans les espaces qui s’offrent à lui, l’atout majeur de Williams, c’est cette pointe de vitesse digne d’une balle de sniper. Un démarrage façon sprinteur jamaïcain qui lui permet d’apporter de la profondeur au système d’Ernesto Valverde. Pas étonnant que le garçon ait été flashé à 35,7 km/h par Marca et surnommé « Usain Bolt » chez les jeunes.

Ce profil constitue d’ailleurs une petite révolution pour un club peu habitué à sortir des bolides de ce genre de sa cantera. Avec ou sans ballon (en fait, plutôt sans, vu les stats de l’Athletic en la matière), il parvient à faire danser les défenseurs sur la tête d’un seul coup de rein. Un coffre physique qui lui permet également d’abattre un joli boulot défensif. Indispensable au sein d’un collectif à l’intensité « premierleaguienne ».

UNE ASCENSION SUPERSONIQUE

Si sa vitesse de course est la marque de fabrique du jeune Leon, son ascension au sein du club est du même tonneau. Il ne s’écoule que quatre petites années entre ses débuts pros en Tercera División (le quatrième échelon espagnol) avec Basconia et son accession au onze de base de l’équipe première en décembre 2014. Avant cela, il y aura eu une naissance le 15 juin 1994 à Bilbao, une enfance en Navarre, où il est repéré à l’adolescence alors qu’il évolue au CD Pampelune par des scouts locaux et deux demi-saisons canons avec l’équipe B, où il enquille les buts (21 en 32 rencontres de Segunda Divisón B, la D3).

Des états de service qui éveillent la curiosité d’Ernesto Valverde, dont le noyau manque d’un élément ultra-rapide. S’il se taille rapidement une place sur l’aile droite aux dépens de Mikel Susaeta, les débuts sont un peu anarchiques. Infatigable, le jeune homme galère un peu balle au pied. Il faut encore le façonner. Une mission que Valverde endosse avec plaisir.

Entouré d’Aritz Aduriz, Beñat Etxebarria, puis de Raùl Garcia, il prend ses marques, progresse, s’essaye à droite, à gauche, regoûte même à ses premières amours dans l’axe, où il avait déjà excellé chez les jeunes. Mieux, il sort dès sa première saison des prestations abouties, comme ce match face au Real Madrid. Une rencontre au cours de laquelle ses raids rendent Dani Carvajal impuissant. Forcément, ce match-référence face à un géant, après quelques mois seulement chez les A, éveille les plus grands espoirs.

La saison dernière, il franchit un cap en devenant nettement plus efficace, avec 13 pions et 6 assists délivrés malgré de sales blessures à la jambe et à la malléole. Sur le terrain, l’entente avec Aduriz et Garcia est aussi évidente que sa meilleure maîtrise du ballon. Côté YouTube, Iñaki soigne sa réputation en claquant un doublé contre le Betis (avec une madjer à la clé ! ) et un enchaînement un peu dingo contre l’Espanyol.

Mais voilà, aucun but pour une maigre passe décisive en deux mois de compétition cette saison, c’est trop peu. Surtout quand on est considéré comme le successeur du « vieux » Aduriz, trente-cinq ans. Bonjour la pression… Pourtant, Williams continue d’évoluer, en prenant plus de place dans le jeu avec une moyenne de 22 passes par match, contre 17 la saison passée. S’il centre plus et possède davantage d’impact dans le jeu, Iñaki en oublie presque de tenter sa chance au but. Or, pour devenir le vrai leader de l’attaque de l’Athletic, il n’y a qu’une seule solution : être plus décisif.

BASQUE ET FIER DE L’ÊTRE

Si l’histoire perso de Williams s’écrit en basque, elle débute dans un camp de réfugiés d’Accra où sa mère Maria a fui, depuis le Liberia, pour échapper à une guerre civile qui fera des dizaines de milliers de morts et près d’un million de réfugiés. Maria est de ceux-là. Elle rencontre Felix Williams, un Ghanéen. Le couple s’envole vers l’Europe et atterrit à Bilbao, où naît leur fils Iñaki. Faute de travail, Félix file à Londres et Maria à Pampelune, où son enfant titille ses premiers ballons.

Une vingtaine d’années plus tard, le gamin a grandi et l’Espagne attend toujours son choix définitif en équipe nationale. Sélectionné par la Rojita, il figure dans la pré-liste de Vicente Del Bosque pour l’EURO. Mais à l’image d’un Saúl Niguez, il reste à quai. Tout bénèf’ pour le Ghana, qui n’a pas perdu espoir de le faire changer d’avis malgré une sélection en amical contre la Bosnie. Mais pour le joueur, le choix semble acté. « Je veux devenir un leader dans les années à venir », dit-il juste avant d’enfiler son premier maillot rouge.

Moquée, critiquée ou louée, la politique de recrutement de l’Athletic Bilbao est claire : seuls les joueurs nés au Pays basque ou d’origine basque peuvent revêtir le maillot rouge et blanc des Leones. Une idéologie qui apporte une couleur exclusivement locale aux différentes équipes. Alors, forcément, quand un Noir se taille une place dans le onze de départ, cela se voit encore plus.

Mais l’arrivée au top d’Iñaki est une aubaine pour un club parfois taxé de racisme. « Iñaki est un merveilleux symbole », dit Daniel Ruiz, une ancienne légende du club, à So Foot. « Je ne suis pas raciste. Je préfère un Noir, Noir (sic) qui parle basque plutôt qu’un Blanc qui ne connaît pas la langue », dit même l’ancien président du Parti nationaliste basque Xabier Arzalluz, en mode Muriel Robin.

Pour le principal intéressé, la question importe peu. Un joueur noir à l’Athletic ? Il n’est pas le premier. JonásRamalho, né de père angolais, avait déjà ouvert la voie. Mais il est bien le premier joueur de couleur à devenir une élément-clé de l’équipe. « J’entends dire ‘Un Noir à Bilbao ? On n’a jamais vu ça ! ‘ Ça me fait juste rire. Mon nom est Iñaki et je suis basque !  »

PAR AURÉLIE HERMAN – PHOTOS EPA

Sa vitesse de course lui a valu le surnom d’Usain Bolt chez les jeunes de l’Athletic Bilbao.

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