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Black Power

Le Club Bruges compte onze joueurs d’origine africaine. Chacun, à sa façon, apporte au leader du championnat ses qualités.  » La clef de notre succès est un vestiaire heureux, qui travaille et qui rigole « , raconte le Belgo-Angolais Clinton Mata.

Un seul des onze footballeurs noirs du Club Bruges est venu directement d’Afrique : le Sénégalais Youssouph Badji (18 ans). Deux d’entre eux sont nés en Belgique : Loïs Openda (20 ans) et Clinton Mata (27 ans). Deux autres ont transité par la Scandinavie : l’Ivoirien Odillon Kossounou (19 ans) vient de Hammarby IF, en Suède, et le Sénégalais Krépin Diatta (21 ans) de Sarpsborg 08, en Norvège.

Mbaye  Diagne
Mbaye Diagne© belgaimage

Deux footballeurs ont déjà joué en Belgique : le Sud-Africain Percy Tau (25 ans), prêté par Brighton & Hove Albion FC, à l’Union Saint-Gilloise, et le Sénégalais Mbaye Diagne (28 ans), prêté par Galatasaray, s’est produit au Lierse et à Westerlo. Le Nigérian Emmanuel Dennis (22 ans) vient du club ukrainien de Zorya Luhansk, son compatriote David Okereke (22 ans) de Spezia Calcio 1906 et l’Ivoirien Simon Deli (28 ans) du Slavia Prague. Un Sud-Américain est de souche africaine : le Colombien Eder Balanta (27 ans), transféré du FC Bâle.

David  Okereke
David Okereke© belgaimage

Leurs principaux points communs ? Force et vitesse.  » On ne peut pas généraliser « , explique Philippe Clement, l’entraîneur belge du Club.  » Par exemple, Tau est plutôt créatif et possède moins ces aspects physiques. On ne peut pas non plus tirer de conclusion générale sur le plan mental. Badji n’est arrivé qu’en janvier mais s’est immédiatement intégré. Les racines de mes joueurs ne m’intéressent pas vraiment. Il peut y avoir des différences culturelles mais ça ne change rien pour moi : en tant qu’entraîneur, je recherche comment stimuler chacun afin qu’il livre le meilleur de lui-même. J’étudie l’individu, ce qui l’anime et ce que nous pouvons atteindre ensemble. Mon message ? Prenez chacun comme il est et il vous rendra la pareille.

Odillon  Kossounou
Odillon Kossounou© belgaimage

L’entente de notre groupe est bonne. Les joueurs entreprennent parfois des activités communes en dehors du football, ce que je trouve important. Les joueurs ne se regroupent pas en fonction de leurs racines. On ne peut obliger personne à trouver un autre chouette mais ils ont tous un point commun : ils doivent travailler d’arrache-pied, du moins une partie de la journée, et ils vivent une aventure ici, ensemble. Ils ont besoin les uns des autres. Je ne manque pas de le souligner. Ça les incite peut-être à entreprendre des choses ensemble en dehors du terrain. Quelques membres du noyau prennent des initiatives en ce sens. Clinton est un exemple en la matière. »

Eder  Balanta
Eder Balanta© belgaimage

En dehors du terrain, c’est le team manager Dévy Rigaux qui est le plus proche des joueurs.  » Chaque personnalité est différente mais si les Africains ont une caractéristique, c’est leur joie de vivre. Ils sont créatifs et vivent au moment présent. Ils sont positifs. Ils sont aussi à mêmes de partager un moment de joie avec spontanéité.  »

Une question de management

La bonne intégration des joueurs étrangers ne relève pas du hasard. C’est une question de management.  » Avant tout, quand on engage un footballeur issu d’une autre culture, il faut lui proposer une structure et lui expliquer les normes et valeurs de notre culture « , explique Rigaux.  » Ça se produit en fait dès le screening du nouveau joueur. On effectue une sorte de background research afin de s’assurer que ce joueur satisfera à ces critères. En général, nous passons aussi chez les parents. Dans le cas de Dennis, par exemple, nous sommes allés en Ukraine pour voir comment un Nigérian encore très jeune s’y débrouillait et pour vérifier s’il pourrait aussi s’épanouir dans notre culture. Une fois que le joueur est ici, lors de la première prise de connaissance, nous expliquons les traits dominants de la culture européenne, des normes et valeurs qui règnent en Belgique. Nous cherchons un équilibre.

Loïs  Openda
Loïs Openda© belgaimage

Il est important d’être présent pour eux en dehors du football aussi. Ils doivent toujours pouvoir nous joindre en cas de problème. Melanie Depuydt, qui est chargée de l’administration et de l’accompagnement des joueurs et de leur famille, a rédigé une brochure avec des adresses utiles et chouettes, du médecin et du pharmacien de garde jusqu’aux magasins vendant des produits spécifiques, aux supermarchés, restaurants et boutiques.

Ils peuvent toujours se tourner vers nous mais nous leur laissons découvrir la vie ici par eux-mêmes. Certains se rendent à Bruxelles pour y acheter les légumes, fruits et viandes auxquels ils sont habitués. Les jeunes qui sont seuls ont tendance à se regrouper, comme Diatta avec Badji et Okereke avec Tau. Il est important de leur accorder une certaine liberté tout en les tenant à l’oeil et en étant conscient de leur ressenti. Car si quelqu’un est tous les jours de sept heures du soir à deux heures du matin à Bruxelles, il y a un problème. On s’expose à ce risque quand on ne crée pas un lien de confiance suffisant avec les joueurs.

Les joueurs peuvent donner des conseils ou proposer des plats à la cantine du centre d’entraînement. Nos deux chefs s’emploient à apprendre ce qu’est un bon tajine ou un couscous sain. »

Une symbiose des cultures

 » Chacun a ainsi le sentiment d’être le bienvenu et nous obtenons tout naturellement une symbiose des différentes cultures. Federico Ricca a fait découvrir le maté à Deli. Un Uruguayen et un Ivoirien qui boivent ensemble une infusion sud-américaine, n’est-ce pas beau ?  »

La musique qui résonne dans le vestiaire, le foyer des joueurs et la salle de fitness est également multiculturelle.  » Après une victoire, nous ne passons pas seulement André Hazes pour Ruud Vormer, mais aussi de la musique qui plaît aux Africains  » continue Rigaux.  » Avant la saison, nous avons demandé à chacun de communiquer sa chanson favorite. Nous les avons rassemblées sur une playlist que nous diffusons dans le vestiaire, en alternance. Donc, une fois, la musique d’avant-match commence par un air néerlandais, la fois suivante, c’est un reggae colombien et plus tard un rythme africain.

Youssouph  Badji
Youssouph Badji© belgaimage

Ceux qui préfèrent se replier sur eux-mêmes peuvent utiliser leurs écouteurs et se passer leur propre musique tout le temps. Chacun peut se préparer au match à sa façon. Certains sont plus décontractés que d’autres. Certains Européens veulent une musique qui stimule la production d’adrénaline alors que les Africains et les Sud-Américains ont plutôt tendance à miser sur la pure joie de vivre. »

Le fait que le vestiaire brugeois accueille beaucoup de joueurs d’origine africaine est positif pour leur bien-être, selon Rigaux.  » C’est un avantage car le contact s’établit plus facilement avec des personnes parlant la même langue et partageant la même culture.  »

Clinton Mata joue un rôle important. Il est un lien.  » Parce qu’il personnifie les deux cultures. Il a grandi ici, il connaît parfaitement nos normes et valeurs tout en étant de souche africaine « , poursuit Rigaux.  » En plus, sa personnalité allie sérieux, sens du travail, spontanéité, plaisir. Il a l’art de plaisanter au bon moment avec la bonne personne. C’est fantastique d’avoir quelqu’un qui fait ainsi en sorte que ces jeunes se sentent chez eux et qui assure un contact entre les Belges et les étrangers. Il est aussi très utile pour rectifier quelque chose avec naturel et indiquer ce qui est bien ou non.  »

Chacun a le droit de rester lui-même. Certains parlent français entre eux. Balanta et Ricca communiquent souvent en espagnol. Mais l’essentiel est que tout le monde puisse communiquer. Nous organisons donc des cours d’anglais pour certains footballeurs. Car imaginez que Clinton ne parle pas anglais : il devrait se limiter à une partie du vestiaire et ça ne serait pas bien. »

La force du Club

Mata relativise son apport.  » Je joue peut-être un rôle mais les joueurs sont suffisamment professionnels pour savoir quand ils peuvent rire et quand ils doivent être sérieux. La force de Bruges, pour le moment, est l’état d’esprit qui règne au sein du club et entre les joueurs. Nous sommes tous là pour nous entraider. Ça se voit sur le terrain et ça se traduit au classement. Chacun apporte sa caractère et ses qualités. Hans Vanaken ne peut pas faire ce que réussit Simon et Simon n’est pas capable de faire ce dont Percy est capable. Nous sommes conscients d’avoir besoin les uns des autres. La clef de notre succès, c’est un vestiaire heureux, qui travaille et qui rigole.  »

Percy  Tau
Percy Tau© belgaimage

À notre demande, il décrit ses coéquipiers d’origine africaine.

 » Openda est timide en dehors du terrain et a bon coeur. Il est un produit de l’école du Club, il veut apprendre et progresser mais il a tendance à brûler les étapes. Je lui répète qu’il possède toutes les qualités pour percer au Club Bruges mais qu’il doit prendre son temps.

Okereke est un jeune joueur explosif qui aime rire mais qui a aussi un côté sérieux. C’est sa première année ici. Il doit donc s’adapter, accumuler le plus de temps de jeu possible, acquérir de l’expérience sans se mettre trop la pression.

Kossounou et Badji sont encore très jeunes, ils veulent apprendre et sont en train de s’intégrer à la vie et à la mentalité d’ici.

Dennis est toujours heureux. Sur le terrain, il peut parfois avoir une petite folie et il ne faut pas la lui enlever sinon, il ne serait plus lui-même. C’est positif, il faut le laisser prendre des risques et parfois dribbler deux ou trois hommes. Les défenseurs le craignent car il est rapide et fin technicien : on ne sait jamais ce qu’il va faire.

Tau est timide et discret mais il aime rire. Il poursuit ses études universitaires et est très mûr. Il n’est pas nécessaire de lui rappeler ce qu’il doit faire ou pas, contrairement à certains jeunes joueurs. Les défenseurs de grande taille ont du mal à le neutraliser, à cause de sa créativité. Même contre Manchester United, à domicile, il a prouvé qu’il était difficile à arrêter dans les petits espaces et quand il réalise des combinaisons.

De l’extérieur, on pourrait avoir l’impression que Diatta ne rit pas beaucoup mais il est très gentil et a un tout grand coeur. C’est un talent à l’état pur, qui a un bel avenir devant lui.

Balanta est le plus calme du vestiaire. Comme Ricca, il est taiseux. Je l’appelle Le Taureau parce que c’est une bête sur le terrain. Son physique imposant équilibre l’entrejeu.

Deli est un leader, il ose parler quand c’est nécessaire. Il ne veut que le bien de l’équipe, il se bat et ne se place jamais à l’avant-plan. Il aime aussi danser, surtout sur des airs ivoiriens.

Il y a encore Diagne, qui n’a plus de place dans le vestiaire ( voir encadré).  » C’est la décision du club. Je ne ferai pas de commentaire à ce propos.  »

Quatre joueurs sont autour de la table de billard, au foyer des joueurs : un Sud-Africain, un Nigérian, un Ukrainien et un Belge. Mata sourit :  » On est en train de disputer le championnat du monde de billard.  »

Loïs Openda

Naissance 16/02/2000

nationalité Belge/Français

postition attaquant

au club depuis 01/07/2015

Youssouph Badji

Naissance 20/12/2001

nationalité Sénégalais

postition attaquant

au club depuis 03/01/2020

Percy Tau

Naissance 13/05/1994

nationalité Sud-Africain

postition attaquant

au club depuis 29/07/2019

Pourquoi Diagne ne divise pas le groupe

Jusqu’à présent, le noyau n’a connu qu’un seul gros problème : l’avant sénégalais Mbaye Diagne, prêté par Galatasaray, qui ne s’est pas plié à l’éthique de travail et de groupe depuis l’incident du penalty à Paris, en Ligue des Champions, et est donc écarté. Il s’entraîne séparément.  » Quand on bafoue à plusieurs reprises les normes et valeurs du noyau, on doit en assumer les conséquences « , explique le team manager Dévy Rigaux.  » Nous avons alors une discussion avec le joueur qui enfreint les règles. S’il ne change pas, c’en est fini de lui.  »

Il insiste : le groupe n’a pas été divisé en pour ou contre Diagne.  » Au contraire. Le groupe est plus soudé que jamais car les autres respectent les normes et valeurs du Club Bruges. Un groupe sain comme le nôtre s’autorégule. De nos jours, un vestiaire est un mélange de nationalités, de cultures et de personnalités. Pour que la cohabitation soit bonne, il est essentiel que chacun se respecte, tienne compte des directives et qu’il y ait une ligne de conduite.

Cette ligne peut être interprétée avec de légères différences, quand des événements personnels requièrent une approche humaine. Mais elle doit être la même pour un Belge, un Africain, un Sud-Américain ou un Ukrainien, afin que chacun sache : voilà comment ça fonctionne et voilà ce que je dois faire pour faire partie de ce groupe. Si chacun ajoute en outre un plus, par sa créativité et ses qualités, sur le terrain comme en-dehors, l’ambiance peut être fantastique. »

Clinton Mata

Naissance 07/11/1992

nationalité Belge/Angolais

postition défenseur

au club depuis 01/07/2018

Emmanuel Dennis

Naissance 15/11/1997

nationalité Nigérian

postition attaquant

au club depuis 01/07/2017

Simon Deli

Naissance 27/10/1991

nationalité Ivoirien

postition défenseur

au club depuis 10/07/2019

Krépin Diatta

Naissance 25/02/1999

nationalité Sénégalais

postition attaquant

au club depuis 03/01/2018

Mbaye Diagne

Naissance 28/10/1991

nationalité Sénégalais

postition attaquant

au club depuis 02/09/2019

David Okereke

Naissance 29/08/1997

nationalité Nigérian

postition attaquant

au club depuis 09/07/2019

Odillon Kossounou

Naissance 04/01/2001

nationalité Ivoirien

postition défenseur

au club depuis 01/07/2019

Eder Balanta

Naissance 28/02/1993

nationalité Colombien

postition milieu de terrain

au club depuis

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