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Michel D’Hooghe a-t-il eu raison de tirer le canard noir ?

J acky Mathijssen vs John Collins dans Bruges-Charleroi : c’était une des affiches du week-end. Un homme qui a beaucoup prouvé chez les Carolos face à un autre qui est seulement occupé à y imprimer sa griffe. Hors micro, Collins fait comprendre qu’il y a peu de chances de le voir prolonger. Et Mathijssen sera à nouveau libre en fin de saison. Des supporters du Sporting s’expriment dans un sondage sur internet. Question : êtes-vous pour un échange Collins-Mathijssen ? Réponse : 30 % de oui, 70 % de non. Jack a été vite oublié du côté des terrils…

Il avait signé à Bruges pour trois ans mais va devoir décamper après deux saisons. Logique, pour ceux qui ne l’aiment pas : le Club troisième, c’est un échec. Anormal, pour ceux qui croient toujours en lui : le noyau brugeois n’a rien à voir avec les artilleries du Standard et d’Anderlecht et c’est difficile de l’amener beaucoup plus haut que la troisième marche.

Voici les 10 raisons qui ont précipité la perte de Jacky Mathijssen.

1 noyé dans l’ombre de Sollied

Trond Sollied a quitté Bruges en 2005 mais son ombre y rôde toujours. Mathijssen est le quatrième coach à s’y perdre en moins de quatre ans, après Jan Ceulemans, Emilio Ferrera et Cedomir Janevski. Entre 2000 et 2005, le Norvégien a pris 75 % des points en championnat et 55 % en coupes d’Europe. Ses successeurs n’arrivent pas à sa cheville. Ceulemans : 59 % en championnat et 33 % en Europe ; Ferrera : 62 % et 50 % ; Janevski : 42 % en championnat (pas de match européen) ; Mathijssen : 64 % et 42 %.

Sollied alliait charisme, résultats, style de jeu reconnaissable, popularité chez les supporters et bonnes relations avec les joueurs. Aucun de ses successeurs n’a rassemblé ces éléments. Les contre-performances européennes ont aussi coûté cher à Mathijssen : élimination dès le premier tour de la saison dernière par Brann Bergen et figuration cette saison dans les poules (trois points sur 12).

2 l’écroulement depuis décembre

Le classement de la Pro League au début du mois de décembre 2008 : 1. Club Bruges 31 pts, 2. Anderlecht 29 pts, 3. Standard 28 pts. Aujourd’hui, le Club n’a plus rien à voir dans la lutte pour les deux places en Ligue des Champions. Le parcours du combattant de Mathijssen pendant cette période : 14 matches, 22 points sur 42, 6 défaites dont quelques grosses claques. Notamment à domicile contre le Standard (1-4), Genk (0-2) et La Gantoise (1-4), en déplacement à Lokeren (2-0), à Mouscron (5-1) et à Zulte Waregem (3-1). Et 27 buts encaissés en 14 matches. C’est la moyenne d’une équipe anonyme du milieu de tableau.

3 peu de réussites individuelles

On compte sur les doigts d’une main les joueurs du Club qui réalisent une bonne saison. Il y a Stijn Stijnen : c’est révélateur du malaise. Wesley Sonck joue aussi à son niveau. Nabil Dirar et Joseph Akpala ont eu de bonnes périodes. Ronald Vargas, Jeroen Simaeys et Antolin Alcaraz ont de temps en temps échappé au naufrage. C’est à peu près tout.

A côté de cela, il y a surtout des crashes individuels. La magie d’ ElrioVan Heerden n’est plus qu’un lointain souvenir. Jonathan Blondel n’est plus qu’un footballeur pro à temps partiel. L’ex-génial Ivan Leko a compris : il est parti se refaire une santé au Germinal Beerschot. Karel Geraerts a été recasé au back droit parce qu’il n’avait aucune utilité ailleurs. Et on attend toujours que Vadis Odjidja justifie les espoirs fous qu’on place en lui depuis plusieurs années. La saison dernière déjà, quelques grands noms étaient à côté de la plaque : Ibrahim Salou et Birger Maertens notamment.

4 transferts trop chers et peu rentables

On ne peut pas reprocher à Mathijssen le niveau largement insuffisant du vieux Philippe Clement ou du très abîmé Koen Daerden. Il n’est pas non plus responsable si un Michael Klukowski est un peu court pour jouer le top. Ce qui est plus embêtant pour lui, c’est le bilan des transferts qu’il a demandés et/ou cautionnés depuis son arrivée à Bruges.

Sept joueurs sont arrivés durant l’été 2007. Deux seulement ont vraiment satisfait : Sonck et François Sterchele. Deux se sont bien débrouillés, sans plus : Simaeys et Alcaraz. Les trois autres se sont plantés : Stepan Kucera, Dusan Djokic et Geraerts.

Le résultat du mercato de l’été 2008 n’est guère meilleur. Satisfaction pour Akpala, Dirar, Vargas et Geert De Vlieger (dont on attend simplement qu’il remplace Stijnen en cas de suspension). Echec pour Laurent Ciman, Jared Jeffrey et Bernt Evens.

Et le premier bilan des joueurs venus en janvier de cette année est carrément mauvais avec Marc-André Kruska, Odjidja et Mohamed Dahmane.

Plus embêtant encore : le prix énorme déboursé pour la plupart de ces joueurs. On s’accroche ! Sterchele : 3 millions. Akpala : 3 millions. Kucera : 800.000. Djokic : 1,4 million. Dirar : 1,8 million. Ciman : 750.000. Vargas : 1,3 million. Dahmane : 500.000. Kruska : 750.000. Odjidja : 900.000. Trois joueurs seulement présentent un bon rapport qualité/prix d’achat : Simaeys, Sonck (200.000 euros pour chacun) et Alcaraz (libre). Les autres (Geraerts, De Vlieger, Evens et Jeffrey) étaient gratuits mais n’apportent rien ou presque.

Si on enlève le prix d’achat de Sterchele (remboursé par les assurances suite à son décès), le Club a transféré pour près de 12 millions en un an et demi : tout ça pour ça !

5 la direction aime son noyau

La direction n’a pas l’impression d’avoir mal recruté. CQFD : Mathijssen est le grand responsable du crash sportif. Preuves que Michel D’Hooghe et son équipe sont contents du matériel en place : le manager Luc Devroe n’est apparemment pas menacé (alors que tous les transferts de Mathijssen sont aussi les siens) et plusieurs options viennent d’être levées (Sonck, Clement, Gertjan De Mets, De Vlieger, Brecht Capon, Roy Meeus). Presque tous les autres joueurs sont encore sous contrat pour au moins une saison, ce qui veut dire que le Club devrait attaquer 2009-2010 avec le noyau actuel. Les dirigeants pensent seulement à transférer l’un ou l’autre joueur capable de rendre un jeu plus physique à l’équipe.

6 un puzzle continuel

Impossible de coucher sur papier une équipe type du Club version 2008-2009. Mathijssen a continuellement chamboulé son onze, parfois forcé par les blessures (Clement, Vargas, Daerden, Akpala, Alcaraz, etc). Selon certains à Bruges, il est responsable de quelques-uns de ses bobos : il imposerait une charge de travail trop élevée à des joueurs incapables de la supporter (notamment Vargas). Il y en a aussi qui ont mal digéré la succession de matches au premier tour : débuts en championnat reportés à cause des Jeux Olympiques, Coupe de l’UEFA, matches internationaux avec des voyages au bout du monde pour quelques joueurs.

Derrière, au milieu et devant, les rôles ont souvent été redistribués. Quatre hommes ont été essayés au back droit : Ciman, De Mets, Jorn Vermeulen, Geraerts. A gauche, il y a eu Klukowski, Evens, Daerden. Dans l’axe, Ciman, Evens, Alcaraz, Clement, Simaeys. Dans l’entrejeu, ce fut souvent la soupe. Dirar a joué à droite et à gauche. Vargas a évolué sur le flanc et dans l’axe. Vadis et Kruska ont joué ensemble devant la défense, puis Vadis y a été essayé seul. En attaque, on a vu Sonck et Akpala côte à côte, mais aussi Sonck derrière Akpala.

7 saison en régression

En 2007-2008, Bruges fut champion d’automne. Le jeu n’était pas spectaculaire, il y avait peu de fantaisie, c’était un foot peu audacieux. Mais c’était efficace (notamment grâce à 70 % de buts marqués sur phases arrêtées) et les avis étaient unanimes : Mathijssen tirait le maximum d’un groupe limité.

Cette saison, on a rarement eu l’impression que le Club pourrait viser mieux que la troisième place. Même au premier tour, quand il tenait la roue d’Anderlecht et du Standard. On n’a vu aucun progrès et, depuis décembre, on sent clairement que Mathijssen et ses joueurs regardent plus derrière eux (vers Genk, La Gantoise et même Westerlo) que devant. En un an, Bruges n’a pas progressé, que ce soit au niveau du jeu ou des résultats.

8 un découragement mal perçu

L’arrogance, c’est de l’histoire ancienne. A Saint-Trond, à Charleroi et lors de sa première saison et demie à Bruges, Mathijssen dégageait une image de guerrier extrêmement sûr de lui. Depuis le mois de décembre, l’homme a changé. Il ne gesticule plus autant devant son banc. Son regard est moins perçant. Son discours n’est plus aussi agressif et gagnant. D’Hooghe a confié que le coach lui-même ne voyait plus le bout du tunnel et s’était résigné à subir les événements. Les joueurs le ressentent aussi.

9 dans le staff, Mathijssen est seul en cause

C’est en tout cas l’avis de la direction. Quand Ceulemans a sauté, tout son staff a été prié de prendre la porte : Franky Van der Elst et René Verheyen. C’est comme cela dans beaucoup de clubs, on estime que la responsabilité d’un échec est collective. Mais à Bruges, on ne reproche rien aux adjoints de Mathijssen. La semaine dernière, un nouveau contrat de deux ans a été offert à Peter Balette, et à son préparateur physique, Jan Van Winckel. Le coach des Espoirs ( Nicky Keirsmaekers) a aussi été prolongé.

Un seul membre du staff devrait partir : Dany Verlinden. Mais pour des raisons extra-sportives : il figurera sur les listes aux élections de juin, avec de bonnes chances d’être élu, et va donc mettre le foot entre parenthèses.

10 il ne donne pas toujours une bonne image du Club

Dans un journal flamand, un psy a déclaré :  » Mathijssen a fait d’un club sympathique un club antipathique.  » Son comportement avec les médias, après un mauvais résultat, irrite ceux qui l’interviewent, ne plaît pas non plus au public et ennuie sa direction. Il aime provoquer et, comme René Vandereycken, voit régulièrement le match avec un regard complètement différent des autres spectateurs. Son but est clair : protéger ses joueurs en essayant de faire diversion.

En amenant le débat ailleurs que sur la contre-performance. Le grand moment fut évidemment son analyse de la lourde défaite à domicile du Club, la saison dernière, contre le Standard. En osant affirmer que son équipe avait prouvé ce jour-là qu’elle avait tout pour être championne, il a raté son effet et s’est décrédibilisé. Parce que tout le monde a rigolé et parce que ses hommes se sont quand même complètement écroulés après cette gifle. Sa façon d’être constamment sur la défensive et ses conflits continuels avec les arbitres ont aussi fini par lasser ses patrons.

par pierre danvoye

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