Bitossi, le coureur au coeur fou

La semaine passée, Nick Nuyens a été opéré par le cardiologue Pedro Brugada. Le vainqueur du Tour des Flandres 2011 espère que ses soucis de tachycardie ne seront bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Son cas et celui d’un crack du cyclocross, Niels Albert, qui a récemment mis un terme à sa carrière à cause d’un coeur défaillant, m’ont rappelé une belle journée passée en avril 1987 chez Franco Bitossi. Ce géant du cyclisme italien, né le 1er septembre 1940, ne jouit pas du prestige de Fausto Coppi, Gino Bartali ou FeliceGimondi mais il a collectionné les bouquets : 15 étapes du Giro et 4 du Tour de France, trois titres de Champion d’Italie sur route en 70, 71 et 76, Championnat de Zurich 65 et 68, Tour de Lombardie 67 et 70, etc.

Si son coeur ne s’était pas souvent emballé dans les moments de stress, son armoire aux trophées aurait pu faire beaucoup de jaloux. Les suiveurs l’ont régulièrement vu s’appuyer contre un poteau en attendant que son coeur retrouve son rythme normal. C’était impressionnant, probablement dangereux pour sa vie. Les joues mangées par une barbe fournie qu’il gardait jusqu’à la fin de l’hiver, le phénomène d’Empoli nous en reparla chez lui :  » Mon problème de tachycardie était incurable à cette époque. Les médecins m’ont conseillé de stopper tout effort en cas de crise, d’attendre quelques minutes sur le bord de la route, le temps que cela passe. Les attaques (200 pulsations par minute) se multipliaient dans les finales des grandes courses. En 1966, vaincu par une accès de tachycardie, j’ai abandonné au Tour de Lombardie. Pour moi, le vélo, c’était fini. Un an plus tard, je remportais irrésistiblement cette classique. J’aurais pu gagner le Tour 68 sans un nouveau pépin cardiaque lors de l’étape menant à Grenoble. Mon coeur a certainement découragé ceux qui voulaient bâtir une grande équipe autour de moi.  »

Le sprinter et grimpeur d’Empoli, surnommé  » Le coureur au coeur fou « , insista sur le rôle de sa femme qui lui apporta la sérénité familiale,  » le meilleur médicament  » selon lui. En 1978, Franco acheta une vieille ferme plantée sur les monts environnant sa ville natale. Il la retapa avec patience :  » J’ai un millier d’oliviers et je vends mon huile dans la région. En hiver, je m’adonne aux plaisirs de la chasse. Je ne songe plus beaucoup à mes exploits sportifs. Le vélo m’a permis de réaliser un rêve : vivre de la terre comme ma mère le fit autrefois. Ici, mon coeur ne me pose plus de problèmes : que demander de plus ? »

Cette visite se termina par un succulent dîner. Franco prépara des entrecôtes grillées, arrosées d’un splendide vin rouge du pays. Le coureur au coeur fou nous avait reçu le… coeur sur la main.

PAR PIERRE BILIC

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