Bilan en noir et blanc

Le Hutois vient de coacher son dixième match à la tête des Zèbres. Il fait moins bien que ses deux prédécesseurs. Explications.

La carrière d’entraîneur principal de Thierry Siquet (39 ans) a commencé sur fond d’économies salariales, en décembre dernier. Quand Philippe Vande Walle a quitté ses fonctions de T1, le Sporting de Charleroi ne devait pas débourser un salaire supplémentaire s’il faisait monter d’un cran un membre du staff existant. Ce fut déjà la tactique adoptée en fin de saison dernière quand Vande Walle avait pris la place de Jacky Mathijssen. Et plus loin dans le passé, Dante Brogno avait lui aussi profité de cette politique visant à ne pas trop dépasser le cadre budgétaire fixé en début d’exercice.

Chez les supporters, cette méthode petit bras fut moyennement appréciée. Ils ne croyaient pas trop en Siquet, signalant que son absence d’expérience risquait de déboucher sur un flop identique à celui connu avec le tout aussi inexpérimenté Vande Walle. Un sondage fut immédiatement lancé sur Internet :  » Combien de temps Siquet restera-t-il en place ?  » 17 % des votants pensaient qu’il ne tiendrait pas plus de deux semaines ; 25 % lui donnaient un mois ; 12 % lui accordaient deux mois ; 3 % misaient sur trois mois ; les autres le voyaient tenir jusqu’à la fin de la saison.

Dix matches plus tard, Siquet est toujours le T1 des Zèbres et il y a une certitude : il ira au bout de ce championnat dans lequel le Sporting n’a plus rien à gagner ni à perdre -si ce n’est du crédit dans le public et des droits télé calculés sur le classement final. Et après cette saison ? Abbas Bayat nous a avoué qu’il se cherchait un nouvel entraîneur. Siquet reste serein, affirme simplement qu’il sera content si on le garde et qu’il scrutera toutes les possibilités (à l’intérieur ou à l’extérieur du club) si on le remplace.

Le bilan de Siquet est en noir et blanc. Il avait hérité d’une équipe malade et n’a pas réussi de miracle. Ses statistiques (pourcentage de points pris) sont même moins bonnes que celles de Vande Walle (voir encadré). Voici son bilan.

Une grosse désillusion, un gros exploit

Les ambitions de Charleroi ont beaucoup évolué en cours de saison. Ce fut, dans l’ordre chronologique : le titre, l’Europe, le Top 5, la Coupe pour sauver un championnat mal embarqué, la colonne de gauche, le maintien, et enfin le rôle d’arbitre du titre. L’élimination en Coupe, sur le terrain de Roulers, fut la première grosse désillusion de l’ère Siquet. Il y en a eu d’autres, comme cette douloureuse série de quatre matches sans victoire contre des nains de la D1 : Westerlo, Malines, Saint-Trond, Mons. C’est en ne gagnant pas des rencontres pareilles que les Zèbres se sont solidement installés dans la colonne de droite. La manière était parfois au rendez-vous mais les résultats ne voulaient pas suivre.

La victoire sur le terrain du Club Bruges fut donc un coup de tonnerre. Les trois points pris chez Mathijssen étaient même tout à fait mérités. Ce fut le premier haut fait d’armes de la carrière de T1 de Siquet. Vande Walle avait également eu son soir de gloire, quand les Zèbres s’étaient imposés à Anderlecht. Un exploit suivi de plusieurs matches ratés. Siquet a lui aussi vu ses Zèbres sombrer huit jours après la performance à Bruges : contre Anderlecht justement.

Stabilité défensive

On parle beaucoup de l’absence prolongée de Frank Defays et il y a aussi eu celle de Majid Oulmers mais elles n’ont aucun effet négatif sur les statistiques de la défense. Depuis le début du second tour, elle encaisse peu : six buts en huit matches – alors que la défense version Vande Walle avait pris 20 goals en 15 matches. Le plus frappant est que cette performance a été atteinte avec des lignes arrières souvent modifiées pour cause de blessures ou suspensions. Laurent Ciman et Mohamed Chakouri se sont relayés à droite. Badou Kéré, Salaheddine Sbai, Ciman et Chakouri ont joué dans l’axe. Ibrahima Diallo, Oulmers et Sbai ont occupé le côté gauche. La révélation de Chakouri (arrivé au mercato d’hiver) et la reconversion de Ciman (que l’on considérait comme un vrai défenseur central) en back droit sont deux des principales explications de cette relative imperméabilité. Dans les trois matches consécutifs contre Mons, le Germinal Beerschot et Bruges, un Bertrand Laquait complètement retrouvé ne s’est pas retourné une seule fois ! Sabah Malki, Wesley Sonck et François Sterchele ont été transparents face aux Zèbres : tout le mérite de la défense carolo. Moyenne d’âge du quintette Chakouri-Ciman-Kéré-Sbai-Diallo : 22 ans !

Organisation

Ce n’est pas un hasard si le jeu défensif de Charleroi est souvent très bien organisé. Siquet ne cache pas qu’ ArielJacobs (qui l’a dirigé à La Louvière) et Mathijssen sont sans doute les deux entraîneurs qui l’ont le plus marqué. Autant on pouvait parfois avoir l’impression, au premier tour, que Vande Walle demandait aux Zèbres de se lâcher sans trop respecter de consignes, autant on voit que tout a été très bien calibré lors des briefings de Siquet. On a retrouvé la griffe Mathijssen à Charleroi : bien défendre quoi qu’il arrive, attaquer si c’est possible.

Une attaque toujours anémique

Le revers de la médaille, c’est la pauvreté de la production offensive : moins d’un but marqué par match. Il y a une explication collective : le Sporting ne fait certainement pas partie des équipes qui se créent le plus d’occasions. Et des explications individuelles : Orlando (qui n’a de toute façon jamais été un buteur) s’est blessé, Joseph Akpala est en pleine traversée du désert après avoir flambé en début de championnat, Cyril Théréau a déjà retrouvé les sensations de buteur qu’il avait perdues à Anderlecht mais n’est pas non plus un tueur exceptionnel.

Et donc, comme c’était le cas lors des saisons précédentes, il faut régulièrement compter sur l’un ou l’autre médian pour faire la différence, Tim Smolders en tête. Important aussi : Charleroi est l’une des rares équipes à n’avoir pas encore reçu un seul penalty.

Deux systèmes

Il n’y a pas un seul système Siquet. Avec lui, le Sporting alterne le 4-4-2 et le 4-5-1/4-3-3. Comme du temps de Mathijssen. Les joueurs disponibles et les caractéristiques de l’équipe adverse déterminent le schéma choisi.

Transferts de janvier : une dis’, une satis’, un échec

Quatre joueurs sont arrivés au mercato. On ne sait toujours rien du défenseur brésilien Julio Cesar Machado Colares. Chakouri, arrivé de Montpellier, est une vraie bonne découverte. Théréau apporte un plus, sans casser la baraque. Et il y a le fameux Juan Pablo Pino, qualifié d’extraterrestre lors de son arrivée. Mais pour E. T, le retour maison à Monaco fut rapide. Il est out pour plusieurs semaines et c’est en Principauté qu’il se fait soigner. Après n’avoir rien montré avec Charleroi.

Pino : le coach a marqué son territoire

Monaco avait autrefois déboursé 3 millions d’euros pour acquérir le Colombien Pino. Cet hiver, Anderlecht (notamment) le voulait. Mais c’est Charleroi qui l’a obtenu en prêt. Pour la direction, il était inconcevable qu’un joueur pareil ne soit pas chaque week-end sur la pelouse. Et les supporters avaient eu tellement de bons échos sur ce joueur qu’ils le réclamaient aussi.

Mais Pino n’est pas seulement un footballeur hors pair : c’est aussi un caractère difficile à gérer. Il espérait pouvoir faire sa star à Charleroi, mais avec le rigoureux Siquet, ça ne marche pas. Il y a eu l’un ou l’autre incident entre les deux. Et Pino restait sur le banc. Les dirigeants ne comprenaient pas. Sur ce coup-là, Siquet a bien délimité son territoire, fait remarquer que si on lui avait confié le noyau, il avait le droit de le gérer.

Trop tendre ? Trop tôt ?

Siquet avait-il le profil idéal pour relancer les Zèbres en décembre ? Sans doute pas même s’il est promis à une jolie carrière d’entraîneur. C’est aussi l’avis de Mathijssen qui devait avoir de bonnes raisons pour vouloir l’emmener l’été dernier dans ses valises à Bruges. Mais on n’est pas sûr que le choix de Siquet était le meilleur lorsque Vande Walle s’est effacé.

D’abord parce qu’il faut une certaine expérience (surtout psychologique) quand on doit réanimer une équipe à la dérive. Un vécu que Siquet ne possédait pas.

Ensuite parce que ce n’est jamais facile de diriger subitement des joueurs dont on est proche. Siquet était proche des joueurs de Charleroi quand il était adjoint et il a joué avec plusieurs d’entre eux.

Enfin parce qu’il n’a pas ce tempérament de gueulard, de guerrier qui fait souvent la différence quand il y a un changement d’entraîneur en cours de saison. Albert Cartier fait des résultats à Mons (notamment) parce qu’il a réveillé le vestiaire, parce qu’il a démontré dès le premier jour qu’il ne laisserait rien passer. Il a produit là-bas exactement le même effet que Daniel Leclercq autrefois à La Louvière. Plus loin dans le temps, on se souvient de la métamorphose complète des Zèbres quand Luka Peruzovic les avait repris en mains. Quand ça ne marche plus avec un gentil ( José Riga à Mons, Marc Grosjean à La Louvière, Georges Heylens à Charleroi), il faut tenter le coup avec un méchant. Et c’est mieux si ce méchant arrive de l’extérieur. Nommer un adjoint au poste de T1 finira toujours par produire des effets si l’homme en question a des qualités (cf. Jacobs à Anderlecht), mais il est rare que la sauce prenne directement car il a d’abord besoin de quelques semaines pour construire une barrière, pour installer une nouvelle hiérarchie entre lui et les joueurs. Et pendant que ces premières semaines passaient, Charleroi a continué à glisser vers le ventre mou du classement.

par pierre danvoye – photos: belga

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