BILAN ciel bleu

Il n’y en a que pour Anderlecht et on parle peu de Bruges dans la course au titre ? Voilà qui arrange très bien son manager sportif…

Il y a de sales soirs comme ça. Club Bruges-Gand en Coupe : 1-4 devant 5.500 spectateurs. Il reste le match retour mais la messe est dite : le Club devra se concentrer sur le championnat et l’Europa League. Luc Devroe (44 ans), le manager sportif, tire deux conclusions de cette soirée : La Gantoise est une vraie menace et la petite popularité de la Coupe continue à s’effriter.

 » Nous avions proposé aux Gantois de mettre les places à 10 euros pour attirer du monde mais ils ont refusé « , explique-t-il.  » Maintenant, je peux comprendre nos supporters. Ils ont déboursé pour l’abonnement à la première phase du championnat. Ils ont encore mis de l’argent pour nos matches de Coupe d’Europe. Valence va venir : c’est à nouveau une dépense. Puis, il y aura les playoffs. Et il faudra rapidement penser à l’abonnement pour la saison prochaine. Les budgets ne sont pas élastiques.  » Le manager fait le point sur tous les dossiers chauds.

Après le premier match européen de la saison, contre Lahti, vous m’aviez expliqué que vous aviez des doutes sur le travail d’Adrie Koster.

Luc Devroe : Je constatais que notre football était fort naïf. Pendant toute la préparation, Koster avait cherché à imposer un 4-3-3 alors qu’il n’avait pas les joueurs pour le faire -Ivan Perisic, Carl Hoefkens et Dorge Kouemaha n’étaient pas encore chez nous. Il a encore tenté ce système contre Lahti, ce n’était pas bon et je ne suis pas sûr que nous serions encore en Europa League aujourd’hui si nous n’avions pas marqué à la dernière minute. Bref, ça n’allait pas et très vite après la fin de ce match, Koster a changé ses batteries. Trois jours plus tard, à Charleroi, il a mis un 4-4-2 en place. Qui a d’ailleurs fort surpris l’adversaire.

Entre Koster et la direction, il y a eu de la friture sur la ligne pour d’autres raisons aussi.

Après notre défaite 3-0 en match amical à Duisburg, il a déclaré qu’il fallait des renforts. Il savait que nous étions occupés à chercher et ça ne servait à rien de le crier sur tous les toits. Le timing n’était pas bon car dès que Bruges s’intéresse à un joueur, les prix flambent. Les Hollandais ont une autre façon de communiquer, il a entre-temps compris que des sujets pareils devaient rester en interne.

Ces petits couacs sont oubliés car Koster est une vraie révélation dans le foot belge, non ?

Dès ses premiers jours ici, nous avons vu où il voulait en venir. Et nous savions que sa façon de voir les choses était probablement bonne. Mais il ne pouvait pas faire tout le travail en quatre ou cinq semaines. Il a dû découvrir la maison et son noyau. Il a énormément fait tourner pendant la préparation, il n’alignait pour ainsi dire jamais deux fois la même équipe parce qu’il voulait voir ce que chaque joueur avait dans le ventre. Tout cela paie aujourd’hui.

Koster prolongé avant fin mars

Son bilan est 100 % positif ?

Si je réponds qu’il est négatif, on va dire que je déconne ! (Il rigole). Nous lui avions communiqué trois objectifs :

1. Qualifier le Club pour les poules de l’Europa League. Il l’a fait, via un bon match à Lahti et deux très belles prestations contre Lech Poznan. En plus, nous sommes sortis des poules alors qu’il y avait du beau monde : Toulouse avait terminé quatrième du championnat de France, le Shakhtar Donetsk était le tenant du titre en Coupe de l’UEFA et le Partizan Belgrade est le gros cube d’une Serbie qualifiée pour la Coupe du Monde.

2. Faire revenir le spectacle à Bruges. Là aussi, Koster a réussi. Nous constatons même que tous les joueurs du noyau ont progressé.

3. Rester le plus longtemps possible dans la course au titre. Cela passait par un rétrécissement du fossé entre le Club d’un côté, le Standard et Anderlecht de l’autre. Après 20 matches, nous sommes toujours dans la roue des Bruxellois. Et nous avons lâché un Standard qui connaît cette saison les problèmes que nous avons eus pendant deux ans, avec une succession de blessures. Sans cela, c’est clair, les Liégeois joueraient toujours le titre. Donc, pour résumer, le bilan de Koster est plus que positif.

Mais il n’a signé que pour une seule saison…

Avec option unilatérale pour une prolongation, et c’est le Club qui peut la lever… Jusqu’à la fin du mois de mars, nous avons les cartes en mains. Il ne doit pas se faire trop de soucis !

Donc, il reste à Bruges ?

Cela me paraît logique. L’envie de continuer ensemble est réciproque.

Il n’y a pas que des joueurs heureux dans le noyau. Par exemple, Wesley Sonck et Mohamed Dahmane ont clairement exprimé leur ras-le-bol parce qu’ils ne jouaient pas assez.

C’est normal d’avoir un noyau important quand il y a autant de matches au programme. Là encore, Koster a un grand mérite : il fait beaucoup tourner et tout le monde joue son quota de matches. Cela permet à chacun de rester affûté et ça diminue le nombre de blessures. Nous sommes vraiment épargnés cette saison : le staff technique et l’équipe médicale font un super boulot. Et pour ce qui est des réactions des joueurs mécontents, ça se passe assez bien. Nous n’avons pas dû gérer de vrai problème.

Quand on dit qu’Anderlecht fonce vers le titre, ça vous dérange ?

Beaucoup de monde le voit déjà champion, c’est un avantage pour nous. C’est encore une motivation supplémentaire pour nos joueurs. On dit qu’ils n’ont aucune chance, que le championnat est déjà fini ? Très bien ! Moi, je vois qu’il reste huit matches et ensuite les playoffs : il est beaucoup trop tôt pour calculer. Et bientôt, nous allons à Anderlecht, hein ! Qui peut prédire le classement après ce match ? Nous serons peut-être à leur hauteur. Et c’est très beau de ne parler que des Bruxellois, mais il ne faudrait pas non plus oublier le parcours de La Gantoise.

En attendant, c’est à Bruges qu’on voit le plus beau football ?

Peut-être. Même si les matches d’Anderlecht à l’Ajax et au Standard étaient aussi impressionnants. Jusqu’à présent, une chose est incontestable : Anderlecht a été l’équipe la plus efficace. L’idéal est toujours de combiner le spectacle et les résultats. Nous y sommes parvenus plusieurs fois, mais Koster sait aussi changer son fusil d’épaule en cours de match et c’est positif. Dans plusieurs rencontres, il a laissé la technique de côté à un quart d’heure de la fin pour passer au power-play. Il lui est arrivé de limiter la défense à trois hommes, de mettre quatre joueurs devant, etc. Et cela nous a souvent réussi. Je ne compte plus le nombre de matches dans lesquels nous avons égalisé ou émergé in extremis grâce à ce changement de style : Cercle, Charleroi, Malines, Saint-Trond, Gand, etc.

32.000 spectateurs potentiels

Le politique a décidé de construire votre nouveau stade à la Chartreuse et ça vous convient !

Ce qui nous intéresse en premier lieu, c’est d’avoir un nouveau stade. Nous voulons seulement du confort et des possibilités pour grandir. Cette localisation était celle prévue dans notre plan original et elle figure maintenant aussi dans les plans de la ville. La Chartreuse est juste à coté de Loppem, donc du bon côté de Bruges pour la plupart de nos supporters venant du Limbourg, Anvers, Flandre-Orientale, Brabant et même le sud de la Flandre-Occidentale. Actuellement, nous avons 26.000 places dont 7.000 ou 8.000 sont exposées à la pluie. Et tout est complet : les sièges, les emplacements publicitaires, l’horeca. La seule solution pour augmenter notre budget serait de remonter le prix des places mais nous ne voulons pas en entendre parler. Toutes les études ont conclu qu’avec un nouveau stade confortable, nous pourrions attirer près de 32.000 personnes à chaque match. Nous estimions donc qu’un stade de 40.000 places serait idéal. Vu le projet de Coupe du Monde, il y en aura 45.000.

Et vous partagerez ce stade avec le voisin : ça ne réjouit ni le Club ni le Cercle…

De nouveau, ce n’est pas un vrai problème pour nous. Mieux vaut s’arranger comme ça et retourner aux bases du foot plutôt que de commencer des nouveaux procès. Il faudra seulement veiller à aménager une pelouse capable de supporter un match chaque week-end. Techniquement, c’est possible. Si ça peut se faire à Munich et dans d’autres villes, ça doit être réalisable à Bruges. Mais bon, ce nouveau stade ne pourra pas être prêt avant quatre ans !

Jacky Mathijssen nous a expliqué récemment que pendant sa présence ici, la direction du Club a commencé à paniquer face à la bonne saison du Cercle, que c’était clairement devenu une menace.

Il y a eu une petite rivalité, un peu mise en scène par certaines personnes du Cercle. Il y a même eu l’une ou l’autre attaque frontale, avec des critiques qui visaient Michel D’Hooghe. Le Cercle tournait bien, le Club pas trop. Il faut voir la réalité en face : la tradition est chez nous, pas chez eux. Et nous attirons 25.000 personnes tous les 15 jours : le Cercle a encore du chemin à faire… Mais bon, cette guéguerre est de l’histoire ancienne. Pol Jonckheere, notre nouveau président, a tout fait pour apaiser la situation.

Quid de D’Hooghe ? Il s’est totalement écarté ou il reste le président dans les faits ?

Il est président d’honneur et c’est un des dix membres du conseil d’administration. Il ne peut plus assister à toutes les réunions à cause de ses mandats à l’UEFA et à la FIFA. C’est pour cela qu’il s’est retiré. Il voulait un remplaçant capable de consacrer beaucoup de temps au Club. C’est ce que Pol Jonckheere fait. Il est omniprésent, il vient au stade tous les jours.

Il y a déjà une griffe Jonckheere ?

Absolument. Une de ses priorités était de refaire du Club le club du peuple. Il y travaille.

Club du peuple, ça fait un peu cliché, non ?

Pas du tout. Le président assiste à des soirées de supporters, il passe aux buvettes après les matches, il va voir les matches des jeunes, etc.

Une équipe pour des années

Bruges avait acheté Koen Daerden pour 4 millions en 2006, il avait un très gros contrat, il a peu joué et vous venez de le vendre au Standard pour 625.000 euros : perte sèche !

Moi, je ne cite pas de chiffres. Mais à partir du moment où son transfert a pu se régler en 24 heures, ça veut dire que les trois parties y ont trouvé leur compte et sont satisfaites. Il n’était pas titulaire chez nous et nous n’envisagions pas du tout de prolonger son contrat. Le Standard lui a proposé trois ans et demi. C’est important quand on a trois enfants à nourrir !

Comment vous y prenez-vous pour canaliser un nerveux comme Nabil Dirar ?

Il a une mentalité différente de la nôtre, il faut faire avec. Surtout, nous ne devons pas essayer de le changer, de le dénaturer. La seule chose à modifier chez lui, c’est sa façon de réagir quand il prend des coups – et il en prend beaucoup. Son crachat contre Malines était inexcusable. Comme sa semelle contre Courtrai. Et il y a eu d’autres réactions qui ne devaient pas arriver : l’arbitre ne les a pas vues, Koster bien. La Fédération l’a sanctionné pour son crachat et le Club l’a aussi puni. Après Courtrai, nous lui avons bien fait comprendre que des réactions pareilles ne devaient plus se reproduire. Dirar doit être plus malin. Par exemple, il lui est arrivé de se faire matraquer trois fois pendant la première demi-heure d’un match. S’il s’arrête de jouer comme presque tout le monde le fait, son adversaire prend au moins une carte jaune. Mais Dirar est tellement fort qu’il reste debout et continue à courir, alors l’arbitre laisse jouer et ne sort pas de carton.

Et la solution pour canaliser Dahmane, qui reviendra à Bruges après son prêt en Turquie ?

Son cas est tout à fait différent. Il a énormément de personnalité.

Trop ?

Peut-être. Je lui ai déjà dit qu’il avait raté sa vocation. Il aurait fait un bon avocat. Ou un excellent commerçant. Je suis persuadé qu’il se reconvertira là-dedans. Il pourrait aussi travailler dans la mode. Et il fait de la musique. Je serais étonné que ce joueur-là tombe dans le trou noir après sa carrière…

L’échec de Mathijssen restera une tache sur votre carte de visite ?

Mathijssen n’a pas vraiment échoué. Ici, tout le monde est conscient qu’il a obtenu les meilleurs résultats possibles en nous menant deux fois à la troisième place. Mais la perception du grand public est différente parce que nous avons été en tête jusqu’à la trêve, que le jeu n’était pas spectaculaire et qu’il a protégé tout le monde, avec la conséquence que tous les coups sont arrivés sur lui. Vous ne l’avez jamais entendu dire qu’untel ou untel avait mal joué, ou qu’il voulait des renforts. Koster est différent : s’il trouve que son équipe a été mauvaise, il le dit publiquement. Au bout du compte, Mathijssen s’est mis tout le monde à dos, même nos supporters. Mais il a été à la base de nos succès actuels.

S’il avait pu rester, il ferait peut-être les mêmes résultats que Koster, alors ?

C’était impossible. Beaucoup de joueurs ont appris plein de choses avec Mathijssen, que ce soit au niveau du jeu ou du mental, mais ils n’étaient pas heureux. Aujourd’hui, ce qu’ils ont appris ressort, et l’ambiance est différente. Karel Geraerts ne jouait pas avec Mathijssen mais il a progressé et il est dans l’équipe. Idem pour Jonathan Blondel ou Antolin Alcaraz.

Vous avez expliqué dans le magazine du club que cette équipe était faite pour des années.

Oui, pour autant que tout le monde reste et qu’on y ajoute deux renforts. Si on regarde la photo du groupe 2006-2007, celui qui a gagné la Coupe de Belgique, il reste à peine une dizaine de joueurs. De plus, notre moyenne d’âge est très basse. Je me doute que des garçons comme Vadis Odjidja, Dirar, Joseph Akpala, Perisic et Vargas vont être convoités. Le nombre de scouts qui demandent des invitations à nos matches ne ment pas : il y en a de plus en plus, et quand les mêmes clubs viennent six ou sept fois d’affilée, l’intérêt est réel. Mais c’est dans l’intérêt de ces joueurs de rester encore au moins une saison et demie chez nous.

par pierre danvoye

On dit qu’Anderlecht est déjà champion ? C’est très bien.

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