Big Sherjill

L’attaquant hollandais s’est distingué la saison écoulée à Roulers et veut se révéler au Germinal Beerschot.

Sherjill MacDonald (24 ans) a oublié notre rendez-vous mais quand nous nous présentons chez lui, l’avant néerlandais de souche surinamienne nous consacre le temps nécessaire. Il est tête en l’air mais tranquille, poli, honnête, serviable. Difficile de se fâcher sur lui… Aimé Anthuenis, qui a lancé MacDonald à Anderlecht à 17 ans et l’a transféré au Germinal Beerschot, partage cette opinion, de même que Gunter Van Handenhoven, son coéquipier à Roulers.  » Je n’ai jamais eu de problème avec lui « , explique Anthuenis.  » Il faut parfois lui faire la morale, mais il vit pour son sport. « 

Vous semblez aimer faire le fou ?

Sherjill MacDonald : Oui. Avant le match, je plaisante, je mets un peu de musique. Il faut éprouver du plaisir en travaillant, monter sur le terrain animé d’un bon sentiment. Evidemment, il faut respecter ceux qui préfèrent préparer le match calmement.

Vous avez fait forte impression au Germinal, demandant même un programme individuel au préparateur physique. Tout a l’air si beau qu’on se demande quand vous allez vous reposer sur vos lauriers. Cette crainte est-elle fondée ?

Les gens qui me font une mauvaise réputation oublient que je manquais de maturité au début de ma carrière. Je ne prétends pas être à l’abri d’un passage à vide, mais je suis professionnel.

Vous avez parfois besoin d’un coup de bâton, surtout à l’entraînement…

Parfois, je manque d’envie et j’accepte généralement qu’on me houspille. Tout le monde peut le faire, mais de manière positive. Si on me balance des trucs négatifs quatre ou cinq fois, je réagis.

Vous semblez jouer sans émotions. Vous ne râlez pas sur les arbitres ni sur vos partenaires, vous ne vous disputez pas avec les adversaires. Rien ne semble vous toucher.

Je ne conteste jamais les décisions arbitrales car ça ne sert à rien. Il faut se concentrer sur ce qu’on fait. De là à ne pas afficher d’émotions ? Quand je rate une belle occasion, je montre parfois ma déception mais ce n’est pas bon : ça donne confiance aux défenseurs.

Anthuenis veut que vous parliez davantage.

Je sais que je le fais trop peu. Je pars du principe que les autres savent qu’ils ont commis une erreur. Il est facile de crier après une action mais il est préférable d’aider quelqu’un par des avis positifs avant.

 » Antheunis prenait des risques. Pas Broos « 

Comment se sont passées vos premières semaines au Germinal Beerschot ?

Très bien. J’ai suivi un programme individuel, essentiellement constitué de course, mais tout s’annonce bien : le groupe est talentueux et je pense pouvoir vivre une belle saison.

Comment fonctionnerez-vous avec Malki ?

J’aime jouer avec ce type d’avant : il fait la guerre et je peux me mouvoir autour de lui.

Pourquoi avoir choisi le Germinal Beerschot et pas le Club Bruges, qui s’est intéressé à vous ?

J’ai déjà signé chez des grands clubs et l’expérience n’a pas été concluante. J’ai peu joué. J’ai opté pour la sécurité afin de poursuivre ma progression.

Vous déclarez toujours n’avoir pas perdu de temps, avoir appris partout où vous êtes passé. Mais franchement, on progresse quand même peu quand on ne joue presque pas pendant deux ans, non ?

On apprend davantage en jouant des matches complets, c’est vrai. De ce point de vue, ce furent des années perdues. D’autre part, j’ai joué en Angleterre, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. J’ai acquis l’expérience de plusieurs championnats, de styles différents. Hambourg m’alignait dans son équipe B, qui se produit en Regionalliga Nord, un championnat physiquement très dur. J’ai appris à mieux exploiter mon corps. Donc, même en ne jouant pas en équipe fanion, on apprend…

Anthuenis a été décisif dans votre choix pour le Germinal Beerschot. N’est-ce pas la principale leçon de vos mésaventures : seulement signer pour un club dont vous connaissez l’entraîneur ?

C’est un des principaux aspects du développement d’un joueur. On n’est jamais certain d’être titulaire, mais on joue le pied plus léger quand on sent la confiance de l’entraîneur, surtout en début de carrière. Je n’oublierai jamais qu’Anthuenis m’a lancé en équipe fanion d’Anderlecht, ni la manière dont il l’a fait. Il m’a fait entrer à 1-1 ou même à 1-0. Je représentais donc quelque chose. Hugo Broos ne me faisait jouer que quand nous étions menés 4-1 ou 3-1. Anthuenis ose prendre des risques avec les jeunes.

Vous avez signé à Roulers, en hiver, parce que vous connaissiez le coach. Dennis van Wijk a travaillé comme scout de West Bromwich Albion, le club anglais qui vous avait embauché.

J’avais beaucoup d’offres de la League One mais je voulais revenir aux sources, aux Pays-Bas ou en Belgique. Quand Roulers s’est manifesté, j’y ai décelé une chance unique : il était quasi relégué. Je ne pouvais qu’y gagner en contribuant à un revirement.

On a appris début mai que vous aviez signé au Beerschot alors que Roulers n’avait pas encore assuré son maintien. Cela ne vous a pas valu des critiques ?

Certains ont sans doute pensé que je ne me donnerais plus à fond mais je n’écoute pas ce genre de propos. J’étais convaincu que Roulers se maintiendrait. J’ai senti la frustration de mes coéquipiers par rapport à la nouvelle de mon départ, mais elle n’a jamais dégénéré. Disons qu’il y avait une sorte de tension. Sciemment, je n’ai jamais parlé du Germinal Beerschot à cette époque.

Van Wijk vous l’avait-il interdit ?

Oui, aussi. Il protège ses joueurs.

Vous avez eu des discussions avec lui. Contre Dender, il vous a retiré, de même que Perisic. Etait-ce pour signifier que nul n’était intouchable ? Et vous avez fait un bras d’honneur. Pourquoi ?

Van Wijk est un chouette gars, il comprend qu’à certains moments, les émotions prennent le dessus. J’ai présenté mes excuses. J’étais frustré car c’était un match important et nous étions menés.

Le sprint, une question d’honneur

Vous êtes fragile physiquement. Le Germinal Beerschot vous a proposé un programme individuel. Est-ce la première fois de votre carrière ?

Oui et c’est aussi la première fois de ma carrière que j’ai le sentiment d’avoir réalisé une bonne préparation. Joost Desender, le préparateur physique, est vraiment super. C’est comme ça qu’un club moderne doit travailler. On peut faire courir dix kilomètres dans les bois au groupe, mais qui dit que la séance a le même effet chez chacun ?

Desender estime que Malki et vous êtes des sprinters et que vous devez apprendre à récupérer rapidement pour aligner les sprints en cours de match.

C’est l’essentiel pour un attaquant : combien de fois puis-je aller à fond pendant un match ? Je récupère plus vite si je sprinte quelques secondes, me repose, replace un sprint etc. que si je cours une demi-heure dans les bois. Quel soulagement ! Avant, en Angleterre, en Allemagne, partout, mes entraîneurs nous envoyaient dans les bois. C’est incompréhensible.

Vous avez le meilleur chrono dans les tests d’explosivité. Est-ce devenu une question d’honneur dans vos clubs ?

A la longue oui. Je ne supporte pas la défaite. Mon amie me demande parfois si je ne peux pas jouer normalement. Même au bowling, il faut que je gagne…

Bart Goor, âgé de 36 ans, continue à signer de bons chronos aussi. Avec Malki et vous, il fait même partie des meilleurs !

En plus, il est modeste. J’ai rarement vu un joueur doté de telles capacités de course.

Dans vos clubs précédents, avez-vous trouvé votre maître ?

Oui, Ishmael Miller, 1,90m, à West Bromwich. Un ours ! Il était un rien plus rapide que moi dans les tests mais sur le terrain, j’avais l’impression d’être plus véloce. Ma distance idéale est de 50 mètres : dix mètres, l’explosivité pure, c’est un rien trop court.

Vous savez que quand vous obtenez des espaces, neuf fois sur dix, vous passez votre adversaire grâce à votre vitesse ?

Oui, j’essaie d’exploiter cet atout au maximum. Pourquoi se compliquer la vie ?

Votre technique de base est perfectible, notamment votre maîtrise du ballon en course.

Je m’y exerce quotidiennement mais il y a d’autres aspects, comme mon jeu de tête. J’ai une bonne détente mais mon timing est épouvantable. J’ai une marge de progression de 20 %.

Ce retard est-il dû au fait que vous avez peu joué en rue pendant votre enfance ?

Mbark Boussoufa m’y a introduit mais j’avais déjà quinze ans. Nous jouions à Amsterdam Est. Dès l’âge de sept ans, j’ai joué à l’Ajax. Nous nous entraînions trois fois par semaine et cela me suffisait. Mbark était différent. J’ai rarement vu un fanatique pareil. Il se rendait au terrain tous les jours. Il y a avait d’excellents joueurs. Ils m’ont intimidé au début. Je serrais les jambes pour qu’on ne glisse pas le ballon entre elles car tout le monde se moquait de la victime.

La criminalité est-elle importante à Amsterdam Nord, le quartier où vous avez grandi ?

Non, c’est un mélange de Surinamiens et de Néerlandais, le voisinage n’est pas mal. Je n’étais pas un gamin des rues, je me tenais à l’écart des bagarres mais j’ai appris à me faire respecter sinon il était impossible de se balader tranquillement. Il fallait faire comprendre -Pas de ça avec moi !

Kompany, un caractère

Vous vivez à Anvers, vous avez connu Amsterdam et Bruxelles. Quand Boussoufa était à Chelsea, vous lui rendiez souvent visite à Londres. Etes-vous un citadin ?

Moins maintenant. A Chelsea, Boussoufa était ami avec Mario Melchiot, qui nous a pilotés à Londres. En journée, nous allions dans les salles de jeux, le soir, nous sortions en ville. Quand j’ai rejoint WBA, il m’arrivait de sortir avec Vincent Kompany.

La ville est dangereuse pour de jeunes footballeurs ayant du temps et de l’argent ?

Il vaudrait mieux les accompagner. Ils doivent pouvoir sortir de temps en temps, mais un adolescent ne comprend pas toujours ce dont son corps a besoin. J’ai 24 ans, ce qui est encore jeune, mais quand je sors, il me faut deux jours pour récupérer. Avant, je me présentais le matin suivant à l’entraînement sans problème.

Vous parlez de suivi mais les jeunes qui en bénéficient le trouvent souvent embêtant, comme Anthony Vanden Borre dans un passé récent à Anderlecht.

Il ne faut pas seulement imposer des règles. L’accompagnateur doit comprendre les jeunes, leur mode de pensée.

Une telle personne vous aurait-elle été utile à Anderlecht ?

Oui. L’encadrement était déjà très bon mais fixé sur les seuls événements du club : les soins et l’organisation. Il n’y avait pas de suivi personnel, personne qui s’informe de ce que vous faites en-dehors. Personne ne contrôle comment vous vivez, si vous vous nourrissez sainement, comment vous gérez votre argent. C’est important. Chaque individu est différent, il faut donc adapter son approche. Cette vision est encore trop rare en football. Mais pour un jeune, un grand club comme Anderlecht est très difficile à vivre. Chacun pense à lui-même. Nul ne pense à vous aider.

Vous admirez donc beaucoup Kompany ?

J’éprouve beaucoup de respect pour Vincent. Très jeune, il avait déjà du caractère, il en savait généralement plus que les autres et, surtout, il restait fidèle à sa ligne de conduite. Au top, il ne faut pas imiter les autres, il faut jouer sa carte. J’ai peut-être été trop brave…

Le suivi est-il meilleur en Angleterre ?

Il n’y en avait pas mais je n’en avais plus besoin.

Le Germinal Beerschot vous a transféré définitivement de WBA, ce qui met un terme officiel à votre aventure anglaise. Etes-vous soulagé ou déçu ?

Je ne regrette rien. Je pouvais revenir à West Brom mais je n’avais pas confiance. Le club m’avait déjà promis à deux reprises que je recevrais ma chance. Je ne me laisse pas avoir une troisième fois. J’ai opté pour le football car pour le reste, West Bromwich était un club fantastique. J’y ai vécu de bons moments mais je n’ai rien réalisé pendant deux ans. Je suis donc frustré, comme n’importe quel footballeur le serait à ma place.

Quel souvenir conservez-vous de la Premier League ?

Mon début à Arsenal. Je suis entré à une demi-heure du terme. J’ai reçu le ballon et j’ai-je me suis dit : -C’est plus facile que je ne le pensais . Il y avait de larges brèches. Mon entrée a été réussie mais j’ai gaspillé quelques occasions. J’ai aussi cédé le ballon à un partenaire au lieu de tenter ma chance. C’était mon premier match, je ne voulais pas faire mauvaise impression. Je regrette maintenant de n’avoir pas été plus égoïste.

par matthias stockmans /photos reporters

« J’évalue ma marge de progression à encore 20 %. »

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