Le solide défenseur hondurien a six mois pour convaincre.

Détrompez-vous, Victor Bernardez n’est pas le premier joueur d’Amérique centrale à avoir atterri au Parc Astrid. Au tout début des années 70, Anderlecht avait déjà compté dans ses rangs William Quiros, originaire du Costa Rica. Barré entre autres par un certain Werner Deraeve, le médian avait alors fait long feu. Curieusement, c’est le même Deraeve, mais en sa qualité de responsable de la cellule recrutement, qui en étant à la base de sa venue, favorisera peut-être l’essor du défenseur hondurien.

 » Avec son club, Motagua, je l’ai vu à l’£uvre lors de deux chocs de la compétition « , observe le chef-scout des Mauves.  » Tant face au Real Espana que contre Olimpia, il m’avait alors laissé une impression favorable. Même si le niveau n’est pas comparable à celui du Mexique, de loin la nation la plus forte dans cette région du globe. De toute façon, nous ne prenons pas un risque énorme avec lui puisque nous avons obtenu son concours, sur base locative, jusqu’à la fin de cette saison. Il a donc six mois pour convaincre. « 

 » Cet intervalle devrait être suffisant, en théorie, pour démontrer mes aptitudes « , affirme Bernardez, que nous avons rencontré au domicile de son agent, Michel Ngongé.  » Ma seule réserve concerne les conditions climatiques chez vous. A l’occasion de ma découverte du football belge, contre Genk, j’étais à ce point transpercé par le froid que j’ai dû prendre place dans les business-seats. Si ce temps-là perdure, c’est sûr que je devrai m’y habituer en premier lieu.  »

Pour ce qui est du jeu dispensé entre le champion d’automne et le quatrième classé, notre homme était pour le moins partagé.  » S’il avait fallu qu’on me juge dans cette partie, c’est sûr que j’aurais été à la hauteur « , avance-t-il.  » Mais comment aurait-il bien pu en aller autrement, dans la mesure où les défenseurs anderlechtois ne furent à aucun moment inquiétés ? A la limite, j’aurais pu tout aussi bien me tirer d’affaire en prenant place au goal, car Davy Schollen n’a jamais eu à s’employer. N’importe qui aurait été à l’aise dans de telles conditions !  »

Une première avec Bora Milutinovic

Bernardez est né en 1982, l’année même de l’âge d’or de son pays. Le Honduras disputa, en Espagne, la seule et unique phase finale de Coupe du Monde de son histoire. Versé dans le même groupe que le pays hôte, l’Irlande du Nord ainsi que la Yougoslavie, il fut, certes, éliminé au premier tour. Mais sans démériter pour autant puisqu’il parvint à partager l’enjeu face aux deux premiers cités (double 1-1).

 » Dès mon enfance, j’ai été amené à composer avec tous ces héros qui avaient pour noms notamment Hector Zelaya, GilbertoYearwood et JulioCesarArzu « , dit-il.  » A l’image de mes compagnons d’âge, je me suis alors solidarisé au football à l’école, car il n’existait pas, à l’époque, de compétitions structurées pour les jeunes. A la fin de ma scolarité, j’ai pu passer un test à Motagua, l’un des ténors de la capitale, Tegucigalpa, avec Olimpia et d’Universidad. A 17 ans, je suis devenu pro là-bas et, à l’exception d’une courte parenthèse de 6 mois au sein de Vida La Ceiba, en 2003, j’y suis demeuré fidèle jusqu’à ma venue chez vous. Mon principal problème à Motagua, c’est que je n’étais guère mis à l’épreuve sur le terrain. L’équipe surclassait régulièrement ses adversaires et je jouais toujours à l’aise. Pour corser la difficulté, la direction décida de me louer l’espace d’une demi-saison dans ce club qui, lui, luttait invariablement contre la relégation. J’y ai évolué dans l’axe central de la défense, mon poste de prédilection, et au demi récupérateur. J’ai davantage emmagasiné d’expérience durant cette période qu’au cours des mes trois campagnes précédentes au plus haut niveau.  »

Notre homme fit à ce point fureur que, dans la foulée, il fut convoqué pour la toute première fois en équipe nationale A par le sélectionneur, Bora Milutinovic.  » C’était face au Venezuela « , se souvient-il.  » Depuis lors, je n’ai plus quitté le onze de base. J’en suis à 35 capes et deux buts : le premier lors d’un amical face au Salvador, en 2006, et le deuxième, au mois de mai dernier face au voisin du Belize. Dans ma formation de club, j’ai fait mouche dix fois au total, tantôt sur une frappe du droit, mon bon pied, tantôt encore sur un vigoureux coup de tête.  »

Comme tout footeux hondurien qui se respecte, Victor Bernardez a eu tôt fait d’être affublé d’un sobriquet.  » Au Vida La Ceiba, j’avais comme partenaire Pupa Martinez « , précise-t-il.  » C’était un back droit expérimenté, qui m’a énormément apporté durant mon séjour dans ce club. Comme nous étions inséparables, on nous appelait Pupa et Muma. Comme papy et mamy, en quelque sorte. Le surnom Muma m’est resté.  »

La Gantoise avait la cote

Après la conquête de trois titres, Victor Bernardez avait à c£ur de relever un autre défi cette année, hors frontières, ce coup-ci. Ses coéquipiers en sélection, Mauricio Castro, actif au New England Revolution et Roger Espinoza, membre des Kansas City Wizards, lui dirent le plus grand bien de la Major League Soccer aux USA. Mais il en resta à un simple contact avec Chicago Fire. Par contre, il fut introduit à Birmingham City, l’été dernier, grâce aux bons soins d’un autre nom du football hondurien, Wilson Palacios, qui quitta ce club en juillet pour rejoindre Wigan Athletic.

 » Je suis arrivé là-bas début août « , raconte-t-il.  » L’équipe était en pleine préparation et le manager sportif, Alex McLeish, n’avait pas vraiment le temps de se soucier de moi. On m’a fait poireauter pendant quelques jours. Et au moment où j’allais enfin entrer dans le vif du sujet, il était trop tard. Un match de qualification pour la Coupe du Monde 2010 m’attendait au Mexique, le 20 du même mois, et je n’entendais pas le louper. Je suis alors retourné au pays, très déçu. Je pensais que ma chance était passée. Et c’est à l’instant où je désespérais de tout qu’Anderlecht s’est soudain manifesté.  »

 » Honnêtement, le nom ne me disait pas grand-chose « , renchérit Bernardez.  » Je le connaissais, au même titre que le Standard d’ailleurs, mais c’est surtout La Gantoise qui offrait des consonances familières. L’Amérique centrale n’est pas très étendue et, en matière de football, tout se sait, qu’on soit Hondurien, Salvadorien, Panaméen ou Costaricain. J’étais donc parfaitement au courant du brio affiché par Bryan Ruiz dans ce club. Le 11 février prochain, nous allons d’ailleurs être opposés en Coupe du Monde à San José. Dans une poule regroupant le Mexique, les Etats-Unis, le Salvador, le Costa Rica et Trinité et Tobago, la lutte promet d’être chaude. Mais nous avons fait fort en battant le Canada par 3 buts à 1 et, surtout, le Mexique : 1-0.  »

Lors du match face aux Nord-Américains, Bernardez fut appelé à en découdre avec une autre figure bien connue chez nous : Tomasz Radzinski. L’ancien Sportingman, actif aujourd’hui au Lierse, ne termina d’ailleurs pas la rencontre. Envoyé dans les balustrades par le nouveau transfuge des Mauves, il dut être évacué du terrain sur une civière.  » La faute était plus spectaculaire que méchante « , rigole notre interlocuteur.  » Avec son poids-plume, il a rebondi sur moi avant d’aboutir sur un panneau publicitaire. Je suis sec dans mes interventions, c’est normal pour un stopper. Mais je n’ai jamais blessé volontairement qui que ce soit. Ma force, je l’utilise pour frapper le ballon et non l’adversaire. J’ai un bon tir à distance. A Motagua, c’est moi qui me chargeais de tous les coups francs à 25 ou 30 mètres du goal. Avec deux buts à la clé en 2008. Michel Ngongé, qui m’a amené en Belgique, me compare à Oguchi Onyewu, que je connais bien aussi pour avoir joué contre lui à plusieurs reprises. C’est flatteur, évidemment ( ndlr : il est quand même moins imposant que l’Américain qui annonce 1m92 et 91 k contre 1m87 et 83k !). J’ose espérer que je marcherai sur ses traces et que j’aurai l’opportunité de découvrir la grande scène européenne. Mon rêve, c’est d’être opposé un jour au FC Barcelone. Qui sait, ce sera peut-être à l’automne prochain déjà ? Car je compte bel et bien être toujours là à ce moment….  »

par bruno govers- photos: reporters/ gys

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