BIG brother

Bruno Govers

De retour au Freethiel, l’attaquant de poche (1m69 et 24 ans) veut être une référence pour ses petits frères ivoiriens.

Mercredi passé, l’impressionnante colonie ivoirienne de Beveren était toujours sans nouvelles de Barry Boubacar Copa. Trois jours plus tôt, le gardien des Jaune et Bleu avait assisté, depuis le dug-out, à la défaite de la sélection nationale face au Cameroun (2-3). Un résultat qui a mis un bémol à l’espoir de tout un peuple de voir ses Eléphants participer pour la toute première fois de leur histoire à une phase finale de Coupe du Monde. Si, mathématiquement, rien n’est encore joué au sein du groupe 3 de la zone Afrique, où les Lions Indomptables sont nantis d’un point d’avance sur Aruna Dindane et les siens, chacun s’attend tout de même à ce qu’ils plient la qualification en leur faveur lors de la dernière journée. A cette occasion, la bande à Samuel Eto’o recevra l’Egypte tandis que les troupes d’Henri Michel donneront la réplique au Soudan, dans la capitale de ce pays, Khartoum.

Venance Zézé Zezeto : Dès avant la rencontre, Barry et mes anciens potes beverenois Gilles Yapi Yapo et Arthur Boka m’avaient prévenu qu’Abidjan baignait dans un état de folie indescriptible. Depuis belle lurette, le stade Félix Houphouët-Boigny était sold out : cette joute dépassait le cadre sportif. Outre son importance footballistique, elle devait également servir de vecteur de réunification dans une nation en proie à des troubles internes. La déception aura hélas été à la mesure des espérances : les joueurs ont dû se barricader pendant des heures au stade avant de pouvoir regagner leurs quartiers sous escorte. En dépit de l’heure tardive, la bronca sévissait encore partout. En principe, au même titre que la plupart des pros £uvrant en Europe, Barry aurait dû reprendre l’avion à destination de Bruxelles le lundi. Mais, pour des mesures de sécurité évidentes, tous les départs ont été postposés.

Jamais encore le football ivoirien n’avait été aussi proche d’un passe-droit pour le Mondial que ce fameux dimanche 4 septembre. Vous étiez à cinq minutes du bonheur…

Jusqu’alors, l’équipe avait bien réagi aux événements, puisqu’à deux reprises, elle avait annihilé par l’entremise de Didier Drogba, l’avantage que les Lions s’étaient chaque fois assuré. Mais le dernier but visiteur, signé par Achille Webo, en fin de partie, est malheureusement survenu trop tard pour encore espérer infléchir la tendance. C’est triste à dire, mais les Eléphants ne sont jamais parvenus à gérer le match comme leurs adversaires. A aucun moment, ceux-ci ne se sont démontés. Même après avoir été rejoints au score, ils ont calmement remis l’ouvrage sur le métier, en attendant patiemment le moment de frapper. Cette maturité-là, nous ne l’avions pas. Ce n’est peut-être pas tout à fait illogique dans la mesure où le Cameroun, fort de cinq présences en phase finale de la Coupe du Monde, est un habitué des grands rendez-vous, alors que la Côte d’Ivoire, formation jeune et inexpérimentée à l’exception de Cyrille Domoraud ou de Guel Tchiressoa, a encore tout à découvrir. Tout bien considéré, nous étions des Eléphanteaux dans ces éliminatoires… (il rit). Dans quatre ans ce sera différent.

Vous serez du nombre ?

Je le souhaite ardemment. Ma dernière titularisation remonte à l’automne 2001, à l’occasion d’un match contre la Libye : 3-0 et j’avais paraphé un des trois buts. Depuis lors, je suis rentré dans le rang. Alors que mon cadre d’expression était Beveren, club modeste s’il en est, d’autres eurent l’opportunité de s’épanouir dans un entourage plus huppé. Je songe à Dindane, par exemple, arrivé un an plus tôt à Anderlecht, ou encore à Didier Zokora qui avait pris la route de Genk. Grâce à l’acquit emmagasiné, ces deux garçons ont pu franchir une étape supplémentaire qui les a menés respectivement à Lens et à Saint-Etienne. Je n’ai pas eu la même chance. Mes choix, La Gantoise d’abord, puis le FC Brussels, se sont avérés nettement moins pertinents. J’ai musardé mais je ne désespère pas de passer la surmultipliée aussi. Et pourquoi pas à Beveren ? Ce retour aux sources, je le considère comme un tremplin.

L’assist du sauvetage à De Camargo

Il y a quelques mois, alors que vous faisiez banquette chez les Coalisés, vous aviez pourtant dit, dans nos colonnes, qu’un retour au Freethiel serait votre ultime recours ?

A priori, je ne désirais pas rebrousser chemin alors que je m’étais déjà frotté à un niveau plus élevé, chez les Buffalos surtout. En principe, j’aurais dû aboutir en France. Christian Gourcuff, le coach de Lorient, voyait tout simplement en moi le remplaçant idéal de Bakary Koné, parti à Nice à l’intersaison. Le club breton croyait pouvoir bénéficier gratuitement de mes services, à l’instar du FC Brussels la saison passée. Contractuellement, je suis toujours lié à La Gantoise jusqu’au terme de la campagne 2006-2007. Toutefois, dès que Michel Louwagie, le manager du club, a su qu’une entité française était sur les rangs, il n’était subitement plus question de me louer ; il s’agissait plutôt de me vendre. Or, Lorient ne pouvait se permettre un trop gros débours. Finalement, comme la voie était sans issue en France, j’ai préféré rebondir dans un entourage que je connaissais bien.

Pour vous, il était exclu de retourner à La Gantoise ?

Tout à fait. J’avais vécu une expérience malheureuse là-bas, sous les ordres d’Herman Vermeulen en 2003-2004, et j’ai rapidement compris, l’été passé, que je ne serais pas, non plus, la tasse de thé de Georges Leekens. Auquel cas, il ne se serait pas assuré les services de Nordin Jbari et d’Ali Lukunku, notamment, pour meubler sa division offensive. Cette année, ce sont Mohammed Aliyu Datti et Zéphirin Zoko, qui ont été appelés en renforts. Dans ces conditions, je ne devais pas espérer grand-chose. Ce qui m’aurait plu, à la limite, c’est de remettre les pendules à l’heure au stade Edmond Machtens. Je reste convaincu qu’au côté d’Igor De Camargo, j’aurais pu effacer le souvenir de quelques mois malheureux. Pendant les trois quarts de l’exercice, je n’ai jamais été moi-même. Engagé comme attaquant, j’ai le plus souvent fait office de médian au FC Brussels. Or, c’est en pointe seulement que je suis en mesure de donner le meilleur de moi-même. Après l’engagement du Brésilien, j’ai bien cru à une redistribution des rôles. Mais c’est Kristof Snelders qui a le plus souvent eu les faveurs d’Emilio Ferrera d’abord, puis de Robert Waseige. Ma consolation, dans une année difficile, est d’avoir contribué malgré tout au sauvetage du club. Car au cours du match  » à ne pas perdre  » à Charleroi, c’est moi qui ai offert le but de la victoire à mon coéquipier brésilien. Ce mérite-là, on ne me l’enlèvera pas. Et dieu sait s’il atténue pas mal de déceptions. Comme celle d’avoir été relégué dans le noyau B, avec Christophe Kinet, Fritz Emeran et Chris Bruno entre autres. Ce fut le pire affront de ma carrière.

Hormis Christophe Kinet, transféré au Sparta Rotterdam, vous vous êtes quand même tous réhabilités, à des titres divers, au sein du club. Qu’est-ce qui vous a personnellement poussé à vous sublimer ?

Je voulais surtout prouver que rien ni personne ne pourrait m’anéantir. J’en ai vu de toutes les couleurs à Molenbeek. Financièrement, d’abord, le club n’a pas tenu ses engagements. Son président, Johan Vermeersch, avait par exemple promis de me dédommager pour les matches de Coupe Intertoto que j’aurais dû disputer au mois de juin, avec La Gantoise, la saison passée. Comme il voulait bénéficier de mon concours le plus tôt possible, j’ai fait l’impasse sur ces rencontres et ses retombées financières. Aujourd’hui, un an après les faits, je n’ai toujours pas vu la couleur de cet argent. Sportivement aussi, j’ai le sentiment d’avoir été floué. Passe encore qu’on ne m’utilise pas en Première. Mais que je ne jouisse pas de plus de 40 minutes de temps de jeu en Réserve, comme cela s’est vérifié contre Saint-Trond, ce n’est pas normal. Le lendemain, je m’en suis ouvert à Robert Waseige qui m’a dit qu’il n’avait jamais donné cette injonction à ses assistants sur le banc en son absence. J’en conclus donc que, dans les hautes sphères du club, l’homme le plus influent tenait tout simplement à me dégoûter. Désolé pour lui, mais je ne me suis pas laissé faire. Ce n’est pas dans mon tempérament. Je me suis battu tout seul pour revenir. Et entre-temps, j’en ai déjà été récompensé à Beveren.

Pas un oiseau pour le chat

Deux ans après l’avoir quitté, le Freethiel a-t-il changé ?

Très peu finalement. Bien sûr, mes compatriotes de la première heure, Gilles Yapi Yapo, Yaya Touré, Josselynn Joss Péhé et Arsène Né ne sont plus là. Mais d’autres les ont remplacés et je n’ai pas perdu au change. Si les têtes ne sont plus les mêmes, l’esprit est resté. Jean-Marc Guillou y veillait avec Herman Helleputte. Cette fois, c’est Vincent Dufour qui entretient ce bon climat. D’aucuns prétendaient, aux prémices du championnat, que Beveren ne serait qu’un oiseau pour le chat. Moi, je n’y crois pas un seul instant : non seulement il y a du talent mais, en plus, il règne ici une ambiance à nulle autre pareille. Or, je prétends que si la victoire engendre le plaisir, le contraire est tout aussi vrai : le plaisir procure la victoire. A Gand et au FC Brussels, je n’ai pas connu cette félicité. Avant un match, on pouvait entendre voler une mouche dans le vestiaire. Chacun y était à ce point concentré qu’il n’était plus naturel en match. Je peux me tromper mais, à mes yeux, c’est l’une des raisons pour lesquelles La Gantoise court désespérément après la Coupe de l’UEFA. Et s’il n’y avait eu Robert Waseige pour dérider de temps à autre l’assemblée, voici quelques mois, je reste persuadé que le FC Brussels aurait plongé lui aussi. Rien de tel, d’après moi, que de la musique et des chants pour se préparer de façon efficace à un match (il rit).

Qu’attendez-vous de cette saison, tant pour l’équipe que pour vous ?

Même si on a perdu des points contre des teams à notre portée, comme Saint-Trond ou Roulers, je retiens notre toute bonne performance face au Lierse, qui constitue quand même une référence. Ce soir-là, nous avons réellement livré une toute bonne prestation, avec un Dialito de tous les diables et j’ai marqué mon premier but de la saison. C’est bon signe quand on saura qu’il m’a fallu attendre près d’un an pour trouver l’ouverture au FC Brussels. Je tiens à servir de guide et pouvoir abreuver mes petits frères de conseils précieux, entendu que je connais bien le football belge. J’ai signé pour un an, histoire de me refaire une santé sportive et morale. Après, je verrai bien. Je ne désespère pas d’imiter les exemples de ceux qui ont tenté l’aventure sous des cieux étrangers. Comme Yapi Yapo à Nantes ou Arthur Boka à Strasbourg. Une chose est sûre : je ne vais pas faire n’importe quoi. Il est exclu que j’aille au Metallurh Donetsk par exemple. Cette faveur s’est bel et bien présentée à l’époque où je jouais à La Gantoise. Je pouvais même y gagner un pont d’or : dix fois mon salaire belge. Mais mon agent Serge Trimpont, a eu la très bonne idée de m’en dissuader et c’est le Brugeois Andres Mendoza qui est parti. Il a fait long feu là-bas, puisqu’il est à l’Olympique Marseille aujourd’hui. Quant à mes compatriotes Igor Lolo et Yaya Touré, partis tenter leur chance en Ukraine, dans le même club, ils sont tous les deux revenus aussi : l’un au Germinal Beerschot et l’autre à l’Olympiacos. Et les souvenirs qu’ils ont ramenés ne sont pas très folichons, croyez-le bien. Moi, on ne m’entraînera jamais dans une galère pareille.

Entraîneur adjoint au long cours à Beveren, Eddy De Bolle retrouve Venance Zézé Zezeto qu’il avait eu sous sa coupe dès 2001, en provenance de l’ASEC Abidjan :  » Avec Yaya Touré, c’était le plus doué, même si Gilles Yapi Yapo et Arsène Né ne manquaient pas de qualités non plus. Par rapport aux autres, qui ont eu la chance d’étoffer leur registre ailleurs, Zézé a été moins verni : ses expériences à La Gantoise et au FC Brussels n’ont pas été des plus convaincantes. Chaque fois que je l’ai retrouvé dans le camp opposé ces deux dernières années, il était méconnaissable, tant sur le terrain que dans la vie de tous les jours. A présent qu’il est revenu parmi nous, il revit et est en passe de retrouver toutes ses sensations. En dehors du terrain, il s’affiche aussi comme le modèle à suivre et est le premier à mettre de l’ambiance. Il jouit d’énormément de respect auprès de la jeune classe arrivée ici après lui. C’est normal car tous ces gamins l’ont connu à l’Académie d’abord, puis à l’ASEC. A 18 ans, il avait réussi la gageure, en 1999, de faire plier l’Espérance de Tunis en finale de la Supercoupe d’Afrique en inscrivant deux des trois buts des siens. Tous y font référence régulièrement et pour eux, c’est le pied de pouvoir jouer aux côtés d’un joueur pareil. Et Zézé le leur rend bien : il est tout sauf un gros cou « .

Bruno Govers

 » VERMEERSCH A VOULU me dégoûter du football « 

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