Actif aux Francs Borains, l’ex-Zèbre tourne une page de sa vie. A 30 ans seulement.

Après onze années de mariage avec des hauts et des bas, le Sporting Charleroi et Roch Gérard ont divorcé l’été dernier. Pas totalement de commun accord mais, visiblement, les bons sentiments n’étaient plus réciproques. Comme si les deux composantes du couple se connaissaient trop bien pour être capables de se mordre le nez. Plutôt que d’attendre un hypothétique transfert à l’étranger, l’Ardennais a opté pour une saison en D3. Aux Francs Borains.

« Malgré une saison cahotique, j’avais quand même disputé une vingtaine de matches. Le club et moi-même étions tombés d’accord pour une reconduction de contrat d’une année supplémentaire. Assorti d’une clause libératoire pour un transfert à l’étranger. La nouvelle direction est arrivée et je ne faisais plus partie des plans. Tous les noyaux étaient bouclés. J’étais sur le carreau. La saison dernière, je n’ai pas été plus ni moins brillant qu’un autre au Mambourg. A l’exception de Frank Defays, personne n’est sorti du lot », raconte Roch Gérard.

Il y avait bien une vague possibilité en Tunisie mais il fallait encore attendre. « J’avais déjà assez patienté. J’avais beau m’entraîner seul, j’ai directement senti que je n’étais pas au point. Vous pensez bien que je m’étais renseigné avant d’atterrir en D3. Tous ceux que j’avais contactés me l’avaient confirmé: aucun joueur de D1 ne se promène deux étages plus bas. J’en ai moi aussi fait le constat. Physiquement, j’ai un peu ramé. J’aurais d’ailleurs préféré que l’on m’accorde un peu de temps pour me remettre à niveau mais le club a voulu m’aligner d’emblée. J’avoue qu’au départ, une heure de jeu me suffisait amplement. J’éprouvais des difficultés à terminer mes matches. Mon adaptation a été moins évidente que prévu. Techniquement, je n’ai pas senti tellement de différence. Par contre, c’est sur le plan tactique que c’est moins pointu ».

Roch Gérard a débarqué au Stade Vedette sans véritable idée sur la suite à donner à sa carrière.

« Je n’avais pas encore effectué un véritable choix. Aujourd’hui, c’est fait: être footballeur professionnel, c’est terminé. Je n’ai peut-être que 30 ans mais je connais mes capacités et mes envies. La D1 d’aujourd’hui me laisse perplexe. Par l’entremise de mon pote Olivier Suray, je sais ce qui se passe à Beveren. Dans d’autres clubs, cela ne doit pas être plus brillant. Sincèrement, je n’ai pas envie de m’accrocher à la D1 coûte que coûte et de vivre dans l’incertitude du lendemain. Cela doit être minant de ne pas savoir si l’on va être payé ou non. Concilier un job intéressant et un club de D3 avec des ambitions, cela constitue désormais mon avenir ».

Il y a un an, un hasard le met en contact avec l’ex-bourgmestre de Seneffe, Yvon de Valeriola. Celui-ci lui parle d’un projet de foot-études. Aujourd’hui, il s’est développé et a abouti.

« Un projet pédagogique avec les cours en matinée et le football l’après-midi. Nous débuterons la prochaine année scolaire avec deux classes. Il fallait des gens compétents et disponibles. C’est la raison pour laquelle, Olivier Suray a dû abandonner le projet. Dès la rentrée de septembre, je m’en occuperai en compagnie de Fabrice Silvagni« .

Une façon de tourner la page du professionalisme même si, au bout du compte, Roch peut nourrir quelques regrets. A 18 ans, il déboule avec sa fougue dans le noyau A du Sporting de Charleroi. Un groupe où le talent ne manque pas. Il y fait sa place. Pour un bail de longue durée.

« Je n’aime pas les anciens joueurs qui vous disent que c’était mieux de notre temps ou que tel joueur n’aurait jamais été aligné jadis. Les temps changent. Point à la ligne. La différence se situe au niveau des joueurs étrangers. A l’époque, trois étaient tolérés et nous avions, même à Charleroi, la crème. Les Hurtado, Malbasa, Missé Missé, ce n’étaient pas des troisièmes couteaux. Même si j’ai connu de belles années, je n’ai jamais eu l’impression d’être un surdoué du football. J’ai toujours eu besoin de beaucoup travailler pour être performant. J’ai eu la chance de tomber sur un entraîneur qui, lorsque j’étais à 100%, parvenait à me faire évoluer à 120%: Robert Waseige. Néanmoins, le Sporting de l’époque, qui a loupé de très peu la qualification européenne, était à mon sens davantage basé sur les qualités collectives d’un vrai groupe que sur des individualités. Même si les médias se sont peut-être davantage focalisés sur Suray, moi et d’autres. La défense Silvagni- Rasquin-Gérard-Suray- Moury, ce n’était pas tous des Beckenbauer mais c’était du solide ».

Il y a eu une époque où la cote de Roch a atteint son apogée. Au point que son nom a circulé à Anderlecht.

« Lorsque l’équipe nationale A’ a été mise sur pied, j’étais sélectionné. Je me souviens encore d’un match au Mambourg face à la France avec Djorkaeff, Gravelaine, Dugarry,… Je ne regrette pas Anderlecht parce qu’il s’agissait d’un contact indirect via un manager. Les Mauves me gardaient en réserve au cas où Bertrand Crasson ne reviendrait pas au bercail. Il est revenu. Point. Par contre, je peux peut-être a posteriori râler de ne pas avoir réussi un transfert à Nancy qui venait de réintégrer la D1 française. Ma carrière aurait peut-être été différente. Je dis peut-être car c’est une blessure très sérieuse qui a décidé à ma place. Au-delà d’une déchirure des ligaments croisés du genou, j’ai souffert d’une double déchirure musculaire. J’ai rapidement su que je ne serais pas capable de jouer en D1 jusqu’à 36 ou 37 ans. Franchement, je pense que je ne possédais pas les qualités nécessaires pour évoluer dans un vrai club du top belge ».

Autre rendez-vous manqué il y a deux ans avec… La Louvière. Roch est en fin de contrat à Charleroi et Marc Grosjean tente de l’attirer au Tivoli. Les Loups sont toujours en D2 et rien ne dit qu’ils vont effectuer le grand saut. « C’était intéressant mais l’écart financier était réellement trop important pour que je descende d’un cran ».

Même s’il habite toujours à Charleroi, Roch a coupé le cordon avec le Sporting. Cette saison, il ne s’est rendu qu’à une seule reprise au Mambourg. A l’occasion du derby hennuyer contre La Louvière et il ne s’est pas senti chez lui. « Dans la salle de réception, je ne connaissais plus personne. Ce n’est plus le club que j’ai connu. Je pense sincèrement que l’esprit familial fait défaut. Certes, Charleroi veut devenir un gros calibre du championnat mais je pense qu’il ne faut pas abandonner l’esprit du club. Quels sont les anciens joueurs qui travaillent pour le club comme entraîneur des jeunes? Seul Dante Brogno est coach adjoint. Quand je vois que même Nico Silvagni s’en va, je me pose des questions. Sans lui, ni Suray ni moi n’aurions eu le même parcours. Le club n’a même pas eu un égard pour un serviteur comme Philippe Albert. Un bouquet de fleurs et une ovation devant son public, ce n’est pas la mer à boire quand même ».

Jean-Marc Ghéraille

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire