Aux portes de l’Europe avec Lokeren, il a aussi fêté sa première sélection en équipe nationale.

Daknam apprécie Davy De Beule (21 ans). Joueur du cru, il est le seul titulaire belge de Lokeren. C’est un garçon simple, qui n’entre pas au complexe d’entraînement au volant d’une grosse voiture de luxe mais d’une Mercedes classe A fournie par le sponsor du club. D’ailleurs, quand un livreur charge un excédent de bouteilles de champagne sur sa camionnette, il s’empresse de l’aider. Un jeune homme sympathique et bien élevé.

Vous avez grandi dans le café familial, à la gare de Hamme. N’est-ce pas un environnement étrange pour un gamin?

Davy De Beule : J’y étais peu. Je préférais la salle des fêtes, à l’arrière. C’était une plaine de jeux idéale. C’est là que j’ai posé les bases de ma technique. Je faisais un parcours avec des chaises et des bancs et j’essayais tous les dribbles possibles, sans rien toucher. J’effectuais le parcours au chrono. Mais les fenêtres ont parfois pâti de mes jeux! Alors, je tremblais, mais mes parents le prenaient bien, en général. Ils sont sévères mais compréhensifs.

Vos parents avaient-ils suffisamment de temps pour leurs trois enfants?

éa allait. J’étais libre. Je devais m’auto-discipliner. Mes parents menaient une vie chargée et irrégulière mais nous consacraient suffisamment d’attention. Nous pouvions aussi compter sur nos grands-parents. Mon père me conduisait aux entraînements de Lokeren, laissant ma mère seule au café. J’ai appris à tirer mon plan. Je n’avais pas besoin d’aide pour les devoirs. Le soir, nous pouvions veiller un rien plus tard mais quand mon père entrait au salon, à 22h30, il lui suffisait de lever les yeux vers les chambres. Nous ne discutions pas. C’eût été trop dangereux car quand mon père sortait de ses gonds, mieux valait prendre garde!

Avez-vous souffert de la solitude, regretté de ne pas voir davantage vos parents?

Parfois, car j’aimais rester auprès d’eux, mais ils compensaient tout ça le jour de la fermeture légale. Nous étions alors au centre de leur intérêt.

Quelles valeurs vous a-t-on inculquées?

La politesse, le respect et la valeur de l’argent. Dès l’âge de 13 ans, je payais moi-même ce que je devais. Au café, nous avons vu de mauvais exemples, à ce sujet.

On y discutait beaucoup de vélo, le métier de votre père pendant 12 ans. N’auriez-vous pas dû suivre son exemple?

Peut-être car j’étais son plus fervent supporter. Je l’accompagnais souvent aux courses. Comme on ne pouvait débuter en cyclisme qu’à 12 ans, j’ai cherché autre chose. Mes cousins jouaient en diablotins au VW Hamme. A cinq ans, je les ai rejoints. D’emblée, j’ai trouvé le chemin du but. Mon choix a été vite fait. Sinon, je serais sans doute devenu coureur. D’ailleurs, je m’intéresse toujours à ce sport. J’apprécie particulièrement son ambiance. Dirigé par son père, ex-cycliste pro

Vos parents ont divorcé il y a six ans. En avez-vous souffert?

Au début mais j’ai bien digéré leur séparation. Il valait mieux qu’ils se quittent. Ils ont tous deux commis des erreurs. Quand vous entendez chaque jour des disputes à n’importe quel propos… C’est invivable. Un enfant est impuissant, face à ça. éa nous a beaucoup marqués. Ils se disputaient généralement quand nous étions au lit mais le bruit nous réveillait et nous entendions clairement leurs propos.

Nous avons dû quitter notre maison alors qu’elle n’était achevée que depuis deux ans. Ce fut pénible. Elle était luxueuse, sans ostentation. Ils avaient travaillé des années pour se l’offrir. J’avais même un but dans le jardin. Nous avons dû quitter cette maison pour un appartement. J’ai toujours une boule dans la gorge en passant devant notre maison.

Heureusement, je suis très lié avec mon frère Robby (23 ans) et ma soeur Dorothy (19 ans), qui étudie la médecine. Ils vivent toujours chez ma mère. Je suis l’extrême opposé de mon frère. Je suis introverti. Il a joué au rugby et sait profiter de la vie. Il a arrêté de fumer pour moi et s’est mis au fitness. Il devient un véritable athlète! Je suis le seul à être resté avec notre père. Nous avons pu choisir. Mais je change souvent car j’ai besoin de chaleur humaine et mes parents habitent à 500 mètres l’un de l’autre. Ce n’est donc pas un problème. Quand je loge chez ma mère, je partage la chambre de mon frère et de ma soeur, ce qui renforce nos liens.

Votre père s’est remarié. Il est votre conseiller et vous protège. N’est-ce pas étouffant?

Non. Il me pousse parfois mais je ne fais pas tout ce qu’il dit. Mon père est le meilleur guide sportif imaginable. Je reste fier de ce qu’il a réussi. Il aime les feux de la rampe. Il veut que je retire le maximum de ma carrière, y compris financièrement, ce qu’il n’a jamais pu faire. Mon père a toujours servi le leader de son équipe. Une fois, il aurait pu gagner Milan-Sanremo mais Lomme Driessens l’a rappelé: Roger De Vlaeminck devait gagner. Il a obéi. Il était bien payé mais n’a pas eu la chance de devenir une vedette. Il le regrette.

Est-ce pour ça qu’il veut diriger votre carrière?

Sans doute. Il savoure ma popularité et mon succès. Il obtient ainsi la reconnaissance qu’il n’a jamais eue. Il insiste pour que je me fixe des objectifs, toujours plus élevés. Tous les deux mois, je procède à un examen sanguin chez un médecin sportif d’Eeklo.

Il émarge au milieu du cyclisme, comme le masseur de Tom Steels et un kiné de Kessel-Lo. Que vous apportent-ils?

Des remèdes miracles mais pas du doping (il rit). Massages et vitamines, sur le conseil de mon père, qui reste en contact avec le milieu, et notamment avec José De Cauwer. Une fois, j’ai souffert de l’aine. Le kiné de Kessel-Lo a tout dégagé grâce à un massage avec du talc. éa n’a duré que quatre jours alors que beaucoup de footballeurs en souffrent très longtemps. Les soins sont plus avancés en cyclisme qu’en football.

Vous n’avez pas de petite amie. Vous vous focalisez sur le sport?

C’est délibéré. Jeune, il faut profiter de la vie mais aussi se reposer. Je ne sais pas si je suis prêt à entretenir une relation stable. Avoir une amie implique de se libérer pour elle. Je suis les conseils de ma famille. Bien au Daknam

Votre père tient à nouveau un café.

Ses anciens clients sont revenus. J’ai supplanté mon père au titre de héros. C’est chouette mais je reste réaliste. Je ne fréquente guère le café. Je préfère rester à la maison, à regarder la TV ou à jouer avec l’ordinateur.

Vous n’ouvrirez jamais de café?

Non. C’est parfois une vie de chien. On dort peu, on travaille longtemps. Mon père me dit que je dois absolument gagner assez pour éviter de travailler dans cette branche. J’aime son aspect social mais pas cette vie irrégulière. Faire sortir les clients à l’heure de fermeture, échanger des mots… Et la fumée me dérange beaucoup.

Vous avez effectué vos humanités en sciences industrielles. N’avez-vous jamais songé poursuivre des études dans cette voie?

Non. J’étais un bon élève. J’ai eu jusqu’à huit heures de maths par semaine mais je ne pensais qu’au football. Disons qu’à mes yeux, l’école faisait partie de mon développement général. Je n’ai jamais vraiment envisagé de poursuivre des études universitaires ou de fréquenter une haute école pour devenir ingénieur civil ou industriel. C’est une section ardue, difficile à combiner avec le football. Au bout de deux ans, Philippe Clement a également dû abandonner. Peut-être suivrai-je des cours du soir plus tard, mais alors, plutôt en langues étrangères.

A Daknam, la plupart des gens continuent à vous appeler « Davytje ». éa vous dérange?

Qu’ils m’appellent « Beulke ». Je trouve ça chouette. C’était plus fréquent auparavant, quand j’étais le plus petit de l’équipe. Ma devise n’a jamais changé: des actes, pas des paroles. Je suis d’un naturel timide et calme, je ne m’épanche pas en grandes déclarations, même si j’ai beaucoup changé en l’espace de quelques mois. Ce fameux brave petit garçon commence à ouvrir la bouche. Supporters et adversaires me considèrent maintenant comme un joueur important. On me considère de plus en plus comme un footballeur accompli, surtout depuis cette sélection en équipe nationale.

Vous vivez une année particulière?

Vous pouvez le dire. J’ai percé à Lokeren. Je suis le seul Belge à être assuré d’une place. Tout se passe bien, l’entraîneur me fait énormément confiance et je marque régulièrement. En plus, je ne suis plus confiné aussi souvent sur le flanc. Je peux rejoindre l’axe, qui reste ma position de prédilection. Mais je me débrouille bien à droite aussi, vous savez!

Est-il possible qu’un joueur aussi attaché à ses origines que Davy De Beule joue à l’étranger, à Anderlecht, au Standard ou au RC Genk?

Il ne faut jamais dire jamais. Tout peut aller vite en football. Adekanmi Olufade n’est resté que trois mois à Daknam. Je pars du principe que j’y resterai jusqu’en 2005. Pourquoi changerais-je? Paul Put croit en moi à 200%, nous sommes à un souffle de la Coupe d’Europe et je me sens chez moi, ici.

Frédéric Vanheule

« J’ai acquis les bases de ma technique dans une arrière salle de café »

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