Bettini contre les autres

Les pronostics de six contournables.

José De Cauwer, sélectionneur de la Belgique

Qu’attendez-vous de vos coureurs ?

José De Cauwer : Nous ne devons pas nous imaginer être l’Espagne ou l’Italie. Nous n’avons pas à porter le poids de la course. Ça ne veut toutefois pas dire que nous ne pouvons couver aucune ambition : notre noyau sera suffisant si, dimanche, un de nos coureurs est dans un grand jour.

Vous pensez avant tout à Peter Van Petegem, Dave Bruylandts et Axel Merckx ?

La condition de Bruylandts est parfaite. Merckx et Van Petegem ont prouvé, respectivement à Lugano et à Valkenburg, qu’ils pouvaient rivaliser avec les meilleurs sur un parcours lourd. Et pourquoi pas Jurgen Van Goolen ? Nous verrons comment il est après le Tour d’Espagne. La course elle-même nous dira qui peut revendiquer le rôle de leader. Si, d’emblée, il y a une échappée à laquelle participe Van Goolen, par exemple, et qu’il tient le coup, ce sera lui qui pourra tirer les marrons du feu.

Le parcours n’est-il pas trop dur pour Van Petegem ?

Le parcours d’Hamilton est très dur mais Van Petegem a fait ses preuves au printemps. Mieux que tout autre, il est capable de préparer un rendez-vous. Il est donc susceptible d’être un client difficile.

Quel est le rôle des jeunes, Philippe Gilbert et Nico Sijmens ?

Participer à une échappée rapide, sans toutefois s’user dès le début de la course.

Nico Mattan est le principal absent de la délégation belge. Il n’a pas dissimulé sa déception.

C’est pour ça que Mattan est si agréable à interviewer après une sélection ratée. Il faut voir ce qu’un coureur peut apporter à une équipe ou non. Les jeunes doivent assurer une certaine sérénité dans l’équipe. Si vous dites à gauche, c’est à gauche, si vous dites en haut, c’est en haut. D’autres risquent de rendre le groupe nerveux. Je ne vise pas immédiatement Mattan. Mais quand on compose un groupe, il faut tenir compte de cet aspect, comme du fait de savoir qui les leaders aiment avoir.

Vous voilà privé d’un Johan Musseuw que vous auriez voulu ne serait-ce que pour l’ambiance…

On a mal retranscrit mes propos. Je voulais sélectionner Museeuw car il fait toujours partie des 12 meilleurs Belges, surtout sur un parcours sélectif. Dès que j’ai reconnu le parcours, j’avais en tête les noms de Frank Vandenbroucke et Rik Verbrugghe. Mais on ne peut pas reprendre des coureurs qui sont en mauvaise condition et Johan m’a dit lui-même qu’il n’était pas prêt.

Le tiercé de José De Cauwer :

1. Peter Van Petegem 2. Michael Rasmussen 3. Isidor Nozal

Gerrie Knetemann, sélectionneur des Pays-Bas

Quels sont les espoirs des Pays-Bas ?

Gerrie Knetemann : Rien, vraiment rien. Nous avons un seul coureur capable de tirer son épingle du jeu au niveau international : Michael Boogerd. Il est deuxième à la Coupe du Monde. Dimanche, il sera notre fer de lance. S’il fait ce pour quoi il est venu, il a des chances d’être sur le podium.

Quelle est la tâche de ses compatriotes ?

Ils doivent tout mettre en oeuvre pour que Boogerd puisse se placer parmi les meilleurs dans le final. Ils doivent aussi tenter de l’y soutenir. Je pense à des garçons comme Gerben Löwik et Bram Schmitz. C’est là que le bât blesse depuis plusieurs années mais nous devons faire avec ce que nous avons. Nous ne sommes pas l’Italie, l’Espagne ni la Belgique, qui produisent chaque année un champion en herbe.

En Belgique, nous avons pourtant l’impression que les belles années sont passées.

C’est une maladie belge. La Belgique a eu la malchance d’avoir eu le meilleur coureur de tous les temps. Entre guillemets, après lui, vous n’avez plus rien eu. Le nombre de classiques de Coupe du Monde que gagne Johan Museeuw, les deux classiques remportées cette année par Van Petegem vous importent peu, comme le fait qu’ils rééditent cet exploit, car ce n’est rien du tout aux yeux des Belges. Moi, je rêve d’avoir un Van Petegem. Vous avez même oublié ce qu’il a réalisé cette saison.

Vous regrettez Erik Dekker ?

Un Dekker moyen est toujours meilleur que le 12e homme que j’aligne… Je peux épuiser ma salive à tenter de le convaincre, si je ne parviens pas à lui faire comprendre ce qu’il représente pour l’équipe… Dans la société actuelle, on ne peut pas forcer la main des gens.

Aucun Néerlandais ne participe au contre-la-montre professionnel ?

En effet mais nous avions de bons Espoirs û NDLA : la course a eu lieu hier. Vous savez, je peux demander à deux professionnels s’ils veulent courir le contre-la-montre d’Hamilton mais dans ce cas, vous vous embarquez outre-Atlantique avec des gaillards dont vous pouvez dire à l’avance qu’ils ne seront pas parmi les 20 premiers. C’est un peu ridicule. Maarten Den Bakker a été sacré champion des Pays-Bas dans cette discipline, en Elites, mais il a concédé une minute et demie au champion des Espoirs. Vous comprenez ?

Le tiercé de Gerrie Knetemann :

Un vrai professionnel ne se prête pas à ce jeu. Je m’y connais trop bien pour m’y risquer.

Patrick Lefevere, manager de Quick Step-Davitamon, l’équipe de Bettini

Paolo Bettini est le seul leader. Est-ce une bonne chose pour l’Italie ?

Patrick Lefevere : Après le titre mondial de Gianni Bugno en 1992, tout a systématiquement foiré pour l’Italie : bagarres, trop de leaders, une mauvaise tactique. L’année dernière, à Zolder, sur un tout autre parcours il est vrai, elle a renoué avec le succès en désignant un seul leader. Franco Ballerini a bien le droit de jouer cette carte cette année encore.

Feriez-vous de même ?

Je suis mal placé pour répondre mais j’aime que les choses soient claires, c’est un fait.

C’est au détriment de Michele Bartoli et de Davide Rebellin.

Laisser de tels coureurs chez eux est un luxe. Bartoli n’est évidemment pas un coureur d’équipe. S’il est dommage qu’ils ne soient pas là ? Les absents ont toujours tort. Bartoli a démontré sa forme trop tard.

Ballerini va-t-il parvenir à faire courir ses hommes derrière un seul objectif ?

Ce ne sera pas aussi facile que l’année dernière. Le parcours convient mieux aux coureurs opportunistes. A Zolder, il était quasi impossible de s’échapper. Cette fois, plusieurs Italiens seront aux aguets, dans l’espoir que la course tourne à leur avantage.

Vous connaissez bien Ballerini. Est-il capable de faire obéir les Italiens ?

Ballerini est un gentleman, assorti d’un diplomate, ce qui est certainement nécessaire en Italie. En Belgique, il suffit d’expliquer le A. En Italie, il faut ajouter le B et le C pour défendre son point de vue. D’autre part, Ballerini ose tracer une ligne de conduite. Les précédents sélectionneurs italiens étaient sans doute trop diplomates. Il faut oser taper du poing sur la table. Ballerini sait le faire.

Le tiercé van Patrick Lefevere :

1. Paolo Bettini 2. Oscar Freire 3. Axel Merckx

Theo de Rooij, directeur sportif de Rabobank, l’équipe d’Oscar Freire

Oscar Freire peut-il devenir champion du monde pour la troisième fois ?

Theo de Rooij : Il a en tout cas l’ambition et la classe nécessaires pour jouer un rôle en vue. Le parcours ne constitue pas un problème. Vérone était aussi sélectif et c’est là qu’il a été sacré la première fois.

Que pensez-vous de sa première saison chez Rabobank ?

Il a été très fort jusque fin mars. Ensuite, il a été bon. Il a ainsi roulé un grand tour pour la première fois. Il y a une ligne dans sa saison. Sa fragilité a suscité beaucoup de craintes et de doutes mais nous n’en avons rien remarqué. Je pense qu’il a progressé cette saison. Ça ne s’est pas traduit en résultats car il n’a guère gagné, ce qui reste l’essentiel pour un coureur de son niveau. Je reste convaincu que nous n’avons pas vu tout ce dont Oscar Freire est capable.

Contrairement aux éditions précédentes, Freire ne sera pas le seul leader de l’Espagne. Ça fait une différence ?

Sur un tel parcours, ce seront les jambes qui la feront. S’il est dans le premier peloton pour le final, avec quelques compatriotes, que l’ambiance est bonne et qu’ils parviennent à s’entendre, le fait que l’Espagne ait plusieurs leaders ne constituera pas de handicap. Je ne vais pas me lancer dans de grandes déclarations sur l’équipe espagnole mais je ne pense pas que, comme ce fut souvent le cas en Italie, il y ait beaucoup de fauteurs de troubles.

Le tiercé van Theo de Rooij :

1. Paolo Bettini 2. Michael Boogerd 3. George Hincapie

Wim Vansevenant, compagnon de chambre de Peter Van Petegem

Que peut représenter Wim Vansevant à Hamilton pour Peter Van Petegem ?

Wim Vansevenant : Je remplirai le rôle qui m’est dévolu toute la saison, à savoir l’épauler le plus longtemps possible, afin qu’il épargne ses forces. En d’autres termes, je vais rouler devant Peter, lui couper le vent, aller chercher les boissons, etc.

Et comme compagnon de chambre ? Lui apporter une certaine sérénité ?

Ce n’est pas nécessaire avec lui : il est le calme personnifié. Nous ne parlons jamais de la course. Ce n’est pas indispensable. Nous n’établissons pas de plans tactiques. Nous verrons ce qui se passera.

Vous considérez-vous comme un des 12 meilleurs Belges ou devez-vous votre sélection à Peter Van Petegem ?

Je ne me considère certainement pas comme un des meilleurs coureurs belges mais cette sélection récompense tout le travail effectué pendant l’année pour Peter. Représenter son pays au Championnat du Monde constitue un honneur.

Qu’attendez-vous de Peter au Mondial ?

Je sais qu’il est ultra motivé et qu’il veut en retirer le maximum. Il n’est évidemment pas le seul. Pour rester en Belgique, Dave Bruylandts, par exemple, est décidé à briller à Hamilton aussi. La motivation est un facteur particulièrement important. Elle vous permet de progresser d’au moins 30 %.

Peter Van Petegem est bien entouré par ses coéquipiers de Lotto-Domo : vous-même, Axel Merckx, Serge Baguet, Christophe Brandt. A quel point est-ce important pour lui ?

Serge est également un de ses partenaires d’entraînement et est agréable. Les Belges forment un groupe. Peter n’est pas un garçon difficile. Nous allons tous tirer à la même corde.

Le tiercé de Wim Vansevenant :

1. Paolo Bettini 2. Dave Bruylandts 3. Michael Rasmussen

Marc Wauters, coéquipier de Michael Rasmussen, un outsider de Rabobank

Le Danois Michael Rasmussen est une des révélations de la dernière Vuelta. Ses performances vous ont-elles surpris ?

Marc Wauters : Pas vraiment. Je savais depuis longtemps quel genre de coureur il était. J’ai vraiment fait sa connaissance pendant les stages de janvier. Chaque jour, j’ai pu voir qu’il était un bon grimpeur.

Quel genre d’homme est-il ? Comment décririez-vous son caractère ?

Il a sa propre vision des choses et n’en démord pas. Il est un peu têtu, donc. Je pense notamment à sa position sur le vélo et à ses pieds qui font penser à Charlie Chaplin.

Peut-il se mêler à la lutte pour la victoire, à Hamilton ?

Reste à voir comment il aura digéré le Tour d’Espagne. La Vuelta peut constituer une bonne préparation si vous pouvez vous épargner de temps en temps, mais pas si vous devez défendre un classement. S’il a suffisamment récupéré, il pourra rester longtemps en course.

L’équipe danoise est-elle suffisamment solide pour le soutenir ?

Tout le monde doit puiser au fond de lui-même dans la finale. C’est une lutte, homme contre homme. Si vous n’avez pas une équipe forte, vous avez moins de choses à corriger, moins de responsabilités à prendre. Vous pouvez être attentiste.

Vous courez le contre-la-montre et sur route mais vos ambitions reposent surtout sur l’épreuve contre le chrono. Que visez-vous vraiment ?

La condition du jour joue un grand rôle. Le Top 10 serait déjà très beau. Espérons que Bert Roesems réussisse aussi. L’année dernière, nous avons terminé 12e et 13e. Peut-être ferons-nous mieux cette fois.

Enfin, un Top 3 pour la route, Marc. Vous êtes particulièrement fort à ce petit jeu car l’année dernière, vous avez donné le tiercé gagnant.

1. Oscar Freire 2. Paolo Bettini 3. Michael Boogerd

Roel Van den Broeck

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