Un père député congolais, un cousin Ziguy qu’on a connu à Anderlecht, une famille d’intellos… bienvenue dans la bulle d’un gamin qui fait le show avec le Standard.

« Il est très éloigné du cliché du footballeur black qui ne sait rien faire d’autre que du foot « , nous balance d’entrée un proche de Beni Badibanga. Le jeune ailier spectaculaire et provocateur balle au pied, qui montre régulièrement le bout du nez avec le Standard cette saison, c’est lui. Beni B est l’un des plus beaux showmen des Rouches avec AnthonyKnockaert, voire Jonathan Legear. Un footballeur imprévisible qui avance à une vitesse dingue.

Loin des clichés, lui ? On confirme. Il a une histoire, un parcours perso qui ne ressemble pas à beaucoup d’autres. Commençons par le commencement… Naissance à Kinshasa en 1996. Il vit très peu de temps au Congo – et n’a d’ailleurs aucun souvenir de ce pays – parce que les études puis le boulot attirent ses parents vers l’Europe. L’Angleterre d’abord, la Suisse ensuite, puis le nord de la France (Maubeuge), enfin le Brabant wallon (Waterloo). Le même proche signale que c’est  » une vraie famille d’intellectuels « . Jolly, la mère de Beni, a une formation poussée en comptabilité. Samy, son père, a fait du business en Europe et il est aujourd’hui l’un des 500 députés de la République Démocratique.

 » Il passe une bonne partie de son temps là-bas, il fait des allers-retours fréquents vers la Belgique « , nous dit le joueur. Beni a un frère qui travaille à Barcelone, une soeur qui étudie à Paris, une autre qui fait l’unif à Louvain-la-Neuve. Et, lui aussi, il veut un beau diplôme.  » J’ai commencé cette année le marketing dans une haute école de Liège. C’est difficile à combiner avec le football. La semaine dernière, je suis allé demander un étalement : ça veut dire que si je vais au bout de ces études, je mettrai plus que les trois années prévues au départ.

J’essaie d’aller aux cours trois ou quatre fois par semaine, mais quand on a trois matches en huit jours, je n’y vais pas du tout. Je n’ai pas envie d’abandonner. Mais si je vois au bout du compte que c’est trop lourd, je ferai une autre formation, c’est sûr. Je veux occuper ma vie avec autre chose que seulement le foot.  »

D’ailleurs, s’il est accro au jeu, il n’est pas fan de tout ce qui l’entoure.  » Le milieu du foot ne me correspond pas trop. Par exemple, je n’aime pas aller en tribune. Le bruit, les odeurs de bière et de cigarette, ce n’est pas pour moi. Et tous ces supporters qui parlent comme s’ils y connaissaient quelque chose… Je préfère regarder des matches à la télé.  »

 » IL FAUT PARFOIS LE BRUSQUER, LE PINCER  »

Son problème positif, par rapport à sa vie d’étudiant, est qu’il joue plus que prévu. Il a signé son premier contrat pro en février de cette année. La saison en cours aurait dû être celle d’un simple apprentissage, de la découverte du foot au plus haut niveau. Mais dès le premier match de championnat, Slavo Muslin le lançait sur le terrain. On appelle l’ex-coach, actuellement aux Etats-Unis, où il rend visite à son fils.  » J’ai vu aux premiers entraînements qu’il avait de belles qualités de vitesse, de percussion, de dribbling. Il est très fort dans les situations d’un contre un et il a l’art de donner de la vitesse au jeu de toute l’équipe. Chaque fois que je lui ai fait confiance, il m’a donné satisfaction.  »

 » Je ne m’étais pas fixé d’objectif précis, de nombre de matches, quand la saison a commencé « , dit Beni.  » Si tu fais ça et si tu atteins ce but plus vite que prévu, tu fais quoi derrière ?… Je suis content de ce que j’ai fait jusqu’à présent mais il faut que j’améliore ma concentration. Ça a toujours été mon problème, que ce soit à l’école ou au foot. Par exemple, il m’arrive – sans le faire exprès…- de ne plus soigner subitement mon passing à l’entraînement. Je sais qu’il y a des moments où je peux paraître nonchalant.  »

Son pote est bien d’accord sur la question :  » On dira que c’est un effet pervers de ses racines africaines. Il faut parfois le brusquer, le pincer, il a toujours fonctionné comme ça. Yannick Ferrera lui fait parfois le reproche, il lui fait aussi remarquer qu’il y a des périodes où il est trop vite content de lui.  » Muslin confirme aussi :  » Le déficit de concentration est un problème chez beaucoup de jeunes footballeurs et Badibanga est en plein dedans. C’est encore plus frappant chez les attaquants. Quand on est défenseur, et c’est encore plus vrai dans l’axe, on apprend dès le plus jeune âge qu’il faut être concentré dès la première seconde.

Les offensifs n’ont pas toujours cette obligation pendant leur formation et ça peut leur jouer des tours plus tard. J’ai aussi constaté que Beni Badibanga n’avait pas trop de notions tactiques, probablement parce qu’il a toujours été habitué à faire la différence sur sa vitesse et ses éclairs individuels dans les équipes d’âge. Par exemple, j’ai dû lui apprendre à utiliser sa pointe de vitesse dans le jeu sans ballon.  »

UNE SALLE DE MUSCU PIRATE DANS SA CHAMBRE

Retour à la famille. Chez les Badibanga, on en a dans la tête mais aussi dans les jambes. Un oncle de Beni a été professionnel en Suisse. Et Ziguy, ex-Anderlecht, aujourd’hui dans le championnat chypriote, est un cousin. Avant de quitter Tubize pour le Standard à 15 ans (il s’est inscrit deux années de suite à la journée de détection des Liégeois, le deuxième essai a été le bon), Beni a tâté à d’autres sports. Au basket, à l’athlétisme, rien de bien original. Mais aussi à la boxe, et ça c’est moins courant.

 » Au départ, je n’avais pas du tout l’intention de boxer. Je voulais juste faire de la corde à sauter pour améliorer ma vivacité et ma détente. Un jour, un copain boxeur m’a proposé de mettre ses gants. Et là, j’ai directement accroché. Je n’avais pas de technique, je me suis fait pas mal bouger mais j’adorais. J’ai fait de la boxe pendant un an et j’ai dû arrêter du jour au lendemain quand je me suis fait un arrachement osseux au pouce dans un match amical avec Tubize. Plus possible de frapper avec ce problème.  »

Son copain croit savoir pourquoi il avait craqué pour le sport de frappe :  » On se moquait de lui, on lui disait : -Tu es frêle, tu tombes tout le temps. C’était à une époque où il n’avait pas encore vraiment commencé à grandir, à prendre du muscle. Ça l’énervait. Et là, il a pensé que la boxe pourrait l’aider. A l’internat, il avait aussi aménagé une salle de muscu miniature dans sa chambre et les autres gars du Standard qui étaient avec lui y venaient régulièrement passer une partie de la soirée.

Ils faisaient des abdos, ils soulevaient des haltères. Tout se faisait en cachette parce que si le club et le préparateur physique avaient été au courant, ils n’auraient pas apprécié. Ils étaient en pleine croissance et ils avaient un programme physique au club, donc ce n’était pas raisonnable. Beni voulait se construire un corps, il était en recherche de virilité…  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

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