Belles BATAILLES

Le sélectionneur tricolore entame la préparation de l’EURO 2004 en rendant visite aux Diables Rouges.

La Fédération française a installé depuis longtemps son bivouac avenue d’Iéna, une magnifique artère surveillée au loin par la Tour Eiffel et qui débouche sur le rond-point de l’Etoile. Cette voie spacieuse rappelle la victoire des troupes de Napoléon sur les Prussiens en 1806.

Tout autour de l’avenue d’Iéna, c’est le Paris de Georges Eugène Haussmann, cet homme politique du 19e siècle qui a tant embelli la Ville Lumière. Une £uvre gigantesque qui, au-delà des beautés architecturales, eut aussi pour but de balayer les vieux quartiers parisiens, qui accueillaient les révolutionnaires.

Santini est Napoléon et Haussmann à la fois. Le coach français est placé dans l’obligation de signer des résultats et de tracer de belles épures avec ses artistes tout en préparant l’avenir.

Son contrat devrait être prolongé de deux ans durant ou après la phase finale de l’EURO. Il avait acquis ce bâton de maréchal suite au renvoi de Roger Lemerre après la catastrophique Coupe du Monde en Asie. Tout indique que l’ancien coach de Lyon restera ainsi quatre ans à la tête des Bleus, le laps de temps idéal selon Aimé Jacquet. Après quatre campagnes, l’usure s’installe et le héros peut alors être poussé vers l’échafaud. Les médias ne sont d’ailleurs pas toujours tendres pour le coach français. Certains le jugent trop carré mais les résultats plaident en sa faveur.

Il y a deux ans, la France n’avait pas dû passer les caps de la qualification pour défendre sa couronne mondiale. Ce manque de repères et de duels à couteaux tirés lui coûtèrent cher : l’équipe de Roger Lemerre fut molle, sans envergure tactique, embourgeoisée, percluse de certitudes vite mises à mal.

La France avait besoin de mettre son bleu de travail. Elle l’a fait en se qualifiant facilement pour le Portugal. La faim a aiguisé son appétit. Avant de se mesurer à la Belgique, les champions d’Europe en titre avaient fait du petit bois, en match amical, avec les Allemands (0-3), comme les grognards de Napoléon à Iéna. Mais la France ne serait pas fidèle à elle-même si elle ne s’offrait pas de temps en temps une bonne polémique. C’est le cas avec Nicolas Anelka (Manchester City), qui claqua la porte des Bleus après avoir refuséde jouer en match amical contre la Yougoslavie le 20 novembre 2002. Jacques Santini lui avait demandé de remplacer Sydney Govou (Lyon), blessé, en dernière minute. Nicolas Anelka refusa de jouer au bouche-trou et exigea que le coach s’agenouille (sic) pour qu’il revienne. Avec le temps, il est revenu sur ses propos et des pontes de la FFF (dont le président Claude Simonet) ont parlé de pardon. Etait-ce une forme de pression venue d’en haut ? Avant Belgique-France, Jacques Santini n’a pas voulu ouvrir le débat et a lu un communiqué, reflétant son point de vue et lui permettant de garder la main, de mettre les points sur les  » i « , de ne pas céder au lobbying tout en ne condamnant pas Nicolas Anelka à perpétuité. Jacques Santini le retiendra quand il le jugera bon. Très habile, même si cela ne plaît pas à tout le monde.

Pas de Nicolas Anelka

Jacques Santini : En 18 mois, l’investissement de tous, dirigeants, joueurs, staff, dans un esprit de solidarité sans faille, a permis à l’équipe de France de redresser la tête, de conquérir la Coupe des Confédérations et de se qualifier brillamment pour l’EURO 2004 avec la confiance et le soutien retrouvés de nos supporters. Aujourd’hui, ce patient travail est mis à mal par un débat démesuré et douteux autour du cas personnel d’un joueur qui, après avoir rejeté l’équipe de France et, surtout bafoué l’institution, entend orchestrer les conditions d’un éventuel retour. D’ores et déjà, le groupe France, pris dans la tourmente d’opinions contradictoires, venant de son sein même, se retrouve fragilisé alors que se présente un rendez-vous excitant et capital : l’EURO 2004. Je le regrette et je le déplore. Pour ma part, fidèle à des principes que beaucoup partagent, je redis que Nicolas Anelka n’est pas sélectionnable pour… Belgique-France.

Deux nouveaux joueurs font leur apparition : Péguy Luyindula et Louis Sala. Doivent-ils cet honneur à la suspension pour cinq matches de l’Auxerrois Djibril Cissé suite à son exclusion le 18 novembre 2003 à l’occasion d’un match de l’équipe de France Espoirs contre le Portugal ?

A partir du moment où la peine de Djibril Cissé était confirmée, même si le joueur a toujours la possibilité d’évoquer son cas devant le TAS (Tribunal arbitral du sport), des espaces d’expression se sont libérés. Nous suivons Péguy Luyindula et Louis Saha depuis longtemps. Péguy Luyindula a beaucoup progressé à Lyon. Ses qualités sont évidentes comme celles de Louis Saha qui éclate à Manchester United. Nous n’avons pas attendu que Louis Saha joue à Manchester United avant de nous intéresser à lui, à son potentiel d’attaquant de pointe. Louis Saha avait déjà fait parler de lui à Metz, Newcastle et Fulham avant d’être acquis par Manchester United. Il y a réussi des débuts marquants comme c’est souvent le cas quand un joueur change de milieu, d’équipe. Ce sera à eux de saisir leur chance, parmi des joueurs qu’ils connaissent, et des confirmations à ce poste axial seraient intéressantes. Ils ont le niveau afin de réaliser leurs ambitions et de répondre à nos attentes. Le système tactique de l’équipe de France est plus ou moins identique à celui de leur club respectif. Même si cela se fera forcément dans un contexte difficile, ils ne partent pas du tout dans l’inconnu.

Quelle est votre photographie actuelle des Diables Rouges ?

Ce sera un derby. Nos amis belges nous attendent avec motivation dans un stade abondamment garni. Les Diables Rouges auront à c£ur de se distinguer face au détenteur du titre européen. Nous sommes les favoris pour la prochaine phase finale. La France accepte ce statut avec humilité et en sachant que cela motive ses adversaires. Il faudra bosser à Bruxelles. Les Diables Rouges ne se rendront hélas pas au Portugal. Leur problème fut simple à résumer : ils furent battus lors de leur premier match, ce qui les obligea à courir après les événements dans une poule difficile avec la Croatie et la Bulgarie. Mais ils ont déjà dégagé un nouveau groupe afin d’aborder en automne les qualifications pour la phase finale de la prochaine Coupe du Monde. Ils devront se mesurer à l’Espagne, la Bosnie, la Serbie & Monténégro. Beaucoup évoluent à l’étranger, notamment leur buteur, Wesley Sonck à l’Ajax. Eric Deflandre milite à Lyon, Daniel Van Buyten a quitté Marseille pour Manchester City. Bruges et Anderlecht comptent plusieurs internationaux et ont joué, notamment face à Lyon, en Ligue des Champions. Nous les avons en tête. Ce ne sera pas une partie de plaisir, que ce soit pour les plus jeunes ou les autres. Je n’ai pas consulté les statistiques. La Belgique s’était imposée à Paris avant la Coupe du Monde mais je ne nourris évidemment aucun désir de revanche.

Marcel Desailly en manque de compétition

Si l’attaque est parée, la défense ne souffre-t-elle pas du manque de compétition de Marcel Desailly, qui ne joue pratiquement pas à Chelsea ?

En effet, il n’a quasiment pas été actif en Premier League depuis la mi-janvier. Si le voyage à Bruxelles était placé dans un contexte de qualification, ma position à son égard aurait été différente. Je ne l’aurais pas sélectionné. Marcel Desailly est conscient de ce qui se verra, et se jouera, sur la pelouse. Il devra montrer où il en est. L’objectif est de signer un bon match, et donc un bon résultat, face aux Diables Rouges. Qu’il débute, ou entre en cours de partie, Marcel Desailly devra évidemment s’inscrire dans cette réalité. C’est une donnée individuelle. Plus collectivement, il s’agira de retrouver le fil de nos idées. Nous ne nous sommes plus vus depuis le mois de novembre en Allemagne.

Ma préparation sera la même. Contre les Belges, je partirai avec une équipe de base afin d’aller le plus loin possible. La fatigue et les réalités du match m’inciteront à changer ou pas mes batteries. J’avais procédé autrement face à la Tchéquie. J’avais prévu mes changements avant le match car j’avais tenu compte du programme des joueurs. Cela ne nous avait pas réussi. Après notre succès probant en Allemagne, où je n’ai procédé qu’à trois changements en cours de match, nous avons besoin de confirmations et cela passe par Bruxelles, Rotterdam, le 31 mars, et le Brésil que nous recevrons à Paris, le 20 mai.

Avec dans ce dernier cas, des problèmes de sélections car ce rendez-vous a été prévu à une époque où se jouent les grands championnats, la finale de la Cup (22 mai), la finale de la Coupe de l’UEFA, le 19 mai, etc.

Benoît Pedretti, de Sochaux, une des valeurs sûres de la L1, n’est pas retenu : étonnant ?

Les choix, c’est aussi la vie d’une équipe. Dans ce secteur, il y a Patrick Vieira, Olivier Dacourt, Claude Makelele. Cela fait du monde à la récupération mais le groupe n’est absolument pas fermé. Des joueurs sont blessés comme Ludovic Giuly, par exemple, ou d’autres, à l’image de Steve Marlet de l’OM, n’ont pas encore assez de temps de jeu au sein de leur club. Dans la ligne médiane, Jérôme Rothen est placé dans le même cas de figure que Péguy Luyindula et Louis Sala. Il doit se fondre dans le groupe, saisir sa chance.

Confiance à Fabien Barthez

La présence de Fabien Barthez dans la cage française ne passe pas inaperçue. Mais pourquoi n’avez-vous pas retenu de troisième gardien de but ?

Ma confiance à l’égard de Fabien Barthez a toujours été très vive et maintenue. J’étais certain qu’il trouverait un club durant le mercato. En ce qui concerne le troisième gardien de but, c’est un thème, comme d’autres, auquel nous pensons.

Thierry Henry épate de plus en plus en Angleterre. Il y a dépassé le cap des 100 buts en Premier League avec Arsenal. Le dimanche 13 juin, au Stade de la Luz, à Lisbonne, la France affrontera l’Angleterre lors de l’EURO. Les Anglais redoutent Thierry Henry mais le connaissent bien : qu’en pensez-vous ? Est-ce un avantage ou un inconvénient ?

Quand on dispose d’un tel joueur, c’est du bonheur. Ses exploits, ce sont des plus et Thierry Henry a toujours eu l’intelligence de soigner le collectif. Sans cela, on n’arrive à rien. Pour lui, rencontrer l’Angleterre à l’EURO, sera peut-être un avantage et certainement une source de motivation supplémentaire. Ses futurs adversaires le connaissent, le voient à l’£uvre chaque semaine. Thierry se mesurera aussi à deux de ses équipiers d’Arsenal, Campbell et Cole. C’est aussi une source de motivation. Au vu de son excellence, toujours confirmée, Thierry Henry méritait de gagner le Ballon d’Or. Cela m’a déçu.

Pierre Bilic, envoyé spécial à Paris.

 » Si le match avait été qualificatif, je n’aurais PAS SéLECTIONNé MARCEL DESAILLY  »

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