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Maryna Zanevska est peut-être la nouvelle recrue de l’équipe belge de Fed Cup. L’Ukrainienne a obtenu son passeport mais a déjà soulevé pas mal de questions. Portrait d’une fille qui a dû lutter.

Le 26 septembre 2016, sa naturalisation est actée au Moniteur belge. Deux semaines plus tard, Maryna Zanevska (23 ans) affiche un grand sourire et son passeport sur Instagram avec pour commentaire :  » Officiellement Belge « .

Les réactions fusent car cette publication propulse la native d’Odessa, en Ukraine, dans la liste des candidates à une place dans l’équipe belge de Fed Cup. Certaines sont positives, d’autres incendiaires.  » À notre sens, aligner Zanevska lors du prochain match de Fed Cup serait un très mauvais signal à un moment où notre tennis féminin sort lentement mais sûrement la tête de l’eau « , peut-on lire sur un site spécialisé.

Dans l’entourage de la joueuse, on voit rouge :  » Cette fille est en Belgique depuis 8 ans et n’a plus grand-chose d’une Ukrainienne à part son accent « , explique Thierry Marot, responsable du TC Géronsart, le club de Zanevska.  » Si elle prend la place de quelqu’un d’autre ? Cela fera une saine émulation. Ce n’est pas en protégeant certaines joueuses qu’on fera avancer le tennis féminin.  »

TOUT POUR LA BELGIQUE

La principale intéressée se dit prête à donner son coeur à la Belgique.  » Je ferais tout pour mon nouveau pays. Si la fédération me demande de jouer pour la Belgique, je le ferai avec plaisir.  » Dominique Monami, la nouvelle capitaine de l’équipe de Fed Cup est claire :  » Si elle est plus méritante et plus en forme qu’une autre (elle est n°3 belge à la WTA, ndlr), alors je n’aurai aucun problème à la sélectionner. Ça se fait bien au football… Ces remarques négatives à son égard sont injustifiées. Elle serait une valeur ajoutée si je venais à la sélectionner « .

Née en bordure de la mer Noire, Maryna, à l’image de sa ville natale, a connu de nombreux tumultes au cours de sa jeune existence. Elle se dit pourtant  » heureuse  » de ses vertes années en Ukraine.  » C’était la misère « , résume son coach actuel Philippe Dehaes.

La gymnastique retarde sa découverte du tennis. Elle ne prend une raquette en main qu’à l’âge de 8 ans.  » Et un an plus tard, je savais que c’était ce que je voulais faire de ma vie « . À défaut d’idole sur le circuit (elle dit avoir beaucoup regardé Sharapova, Azarenka et Clijsters, ndlr), la gamine a du talent à revendre. Elle enchaîne les victoires et trouve rapidement un mécène qui fait office de manager et l’aide à subvenir à ses besoins.

 » Les parents de Maryna ne pouvaient pas suivre « , explique Dehaes.  » Sa maman n’avait pas d’emploi et bosse désormais 15 heures par jour pour 200 euros par mois. Son père est chauffeur et ne gagne pas bien sa vie non plus. Ils ont dû vendre leur voiture pour lui permettre de poursuivre son rêve. Et elle n’avait pas intérêt à casser sa raquette de rage car il n’y avait pas assez d’argent pour la remplacer.  »

SANS UN SOU VAILLANT

 » En Ukraine, je n’avais pas de temps pour moi. J’ai tout misé sur le tennis, quitte à sacrifier ma vie de jeune fille « , se remémore Zanevska.  » Vers mes 13 ans, j’ai tenté ma chance aux États-Unis et en Allemagne mais ce n’était pas ma place. Mon ex-manager a accepté que je parte peaufiner mon jeu en Belgique.  »

Elle intègre l’Académie Justine Henin à Limelette pour rejoindre peu après le TC Géronsart.  » Elle est arrivée chez nous quand Philippe Dehaes nous a rejoints pour lancer une académie de haut niveau « , explique Thierry Marot. Mais le projet ne tient pas la distance et d’un coup, tout explose.

Maryna n’évolue pas aussi rapidement que son manager ukrainien le souhaite.  » Il lui a alors coupé les vivres. Il l’a ensuite harcelée et lui a même collé un procès en Ukraine, que Maryna a gagné « , explique CindyVincent qui a soutenu la joueuse via la fondation Hopiness.

 » Elle était forcée de rentrer au pays car personne ne pouvait subvenir à ses besoins. C’est là qu’elle a été introduite auprès de Carl Mestdagh,qui a décidé de soutenir sa carrière. De là est née la fondation Hopiness pour aider les sportifs n’ayant pas le portefeuille assez épais pour vivre leur rêve.  »

Philippe Dehaes lui trouve finalement l’entraîneur qui lui convient en la personne de Julien Hoferlin, ancien capitaine de l’équipe de Coupe Davis et ancien coach d’Olivier Rochus. Malheureusement, l’impensable arrive le 8 avril 2016 : après deux ans d’une collaboration qui a permis à la jeune fille de se maintenir aux portes du top 100, Julien Hoferlin décède des suites d’un cancer.

Maryna est sous le choc.  » En parler reste difficile « , confie-t-elle.  » Il est avec moi quand je suis sur le court. Je lui parle quand ça devient difficile.  »

L’ATTAQUE À TOUT-VA

Dehaes décide alors de se lancer pleinement dans l’aventure :  » Elle doit aller avec Julien sur le court, le faire vivre, utiliser cette expérience pour relativiser. Mentalement, elle est en pleine phase de progression.  » Désormais soutenue par l’AFT, l’Association francophone de tennis, elle garde néanmoins son mental comme principal point faible.

Le talent est pourtant bien présent dans la raquette de la Belge. Dans son clan, on garde les objectifs secrets. On chuchote toutefois que la jeune joueuse se sent capable d’accrocher une place parmi les 30 meilleures au monde.

 » L’objectif premier est d’être dans le top 100 et de s’y installer à long terme « , martèle Dehaes.  » Après, tout est plus facile et les plus beaux tournois s’offriront à elle. Je ne veux pas la voir faire une demi-finale à Roland-Garros et puis disparaître des radars.  »

Le projet se dessine sur le long terme et son jeu ne cesse d’évoluer et de s’adapter à ses qualités premières : l’attaque. Selon son entraîneur, elle ne peut tenir de longs rallyes.  » Elle n’est pas capable de rester 10 ou 12 frappes dans l’échange. C’est une joueuse qui doit être explosive. Techniquement, elle n’a pas le moindre défaut. Elle sait tout faire. Coup droit, revers, service, volée, elle a le package complet pour réussir. « 

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM – PHOTO BELGAIMAGE

Ses parents ont dû vendre leur voiture pour lui permettre de jouer.

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