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Beach soccer ensemble sur le sable, les yeux dans l’eau…

En partie diffusée par la RTBF, la Coupe du monde de beach soccer (19-29 août) se disputera sans la Belgique. Une mauvaise habitude qu’une bande de fanatiques s’acharne à faire disparaître en développant la discipline au Plat Pays. Et en posant un constat: le beach est le complément idéal du foot. Vérification à Nazaré, lors des récents championnats d’Europe des clubs.

La vidéo a déjà fait le tour du monde. Le screenshot de sa frimousse dépassée par le ballon tapisse même le fond d’écran des portables de ses coéquipiers. Pourtant, Kevin De Wolf garde le sourire. Il sait qu’il n’a pas pris un but gag, juste une merveille de Belchior, un Portugais de 38 ans qui fume ses clopes avant les matches, mais dont le génie lui permet d’envoyer une panenka sur un coup franc à plus de quinze mètres. « J’étais sûr qu’il allait allumer », éclaire le gardien de la RAAL, battue 5-1 par le Sporting Portugal au premier match de l’Euro Winners Cup. « Au beach, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. » Encore moins quand on a seulement une dizaine d’entraînements dans les pattes. Le projet louviérois d’une équipe de sable est né à la fin du printemps dernier. Le championnat d’Europe en ligne de mire, David Mames et Kevin De Wolf s’associent alors pour rassembler joueurs et sponsors et vendre près de 300 cartes de soutien. « Le beach belge est encore trop souvent une histoire d’équipes de copains aux noms folkloriques comme Mojito ou Cartel », explique celui qui vient de rejoindre Rebecq en foot prairie. « On voulait franchir une étape dans le sérieux en portant le nom d’un vrai club de foot. » Au final, malgré plusieurs joueurs en vacances, d’autres blessés ou retenus par le travail, la RAAL se présente à huit dont deux gardiens… « Mais on est là », se félicite De Wolf.

Actuellement, il y aurait officieusement quatre bonnes centaines de pratiquants adultes du beach en Belgique.

Là, c’est Nazaré, une station balnéaire du centre du Portugal surtout réputée pour son Canyon, un spot de surf où les vagues peuvent atteindre près de trente mètres de hauteur. Véritable cité de compétitions, Nazaré organise chaque année le Tow Surfing Challenge, mais accueille aussi un tournoi de beach volley et, depuis quatre ans, l’équivalent de la Ligue des Champions de beach soccer. Sur les quatre terrains alignés le long de la plage, des gros bonnets comme Kristall (Russie), Braga (Portugal) ou encore San Francisco (Espagne) côtoient des clubs aussi surprenants qu’étranges comme les Moldaves du Djoker Chisinau, les Allemands du Real Münster ou les Suédois de Norsjö. Chaque nation envoie un nombre d’équipes lié à son coefficient européen. Cette année, côté masculin, le Portugal a 17 représentants, l’Espagne cinq et la Belgique trois. Vainqueur du dernier championnat disputé en 2019, la Newteam dispose automatiquement d’un ticket alors que les deux autres, laissés vacants par les ayant droits, ont été empochés par la RAAL et… la seconde formation de la Newteam. Dans le tableau féminin, on retrouve également deux équipes du club brainois, dont une emmenée par Cécile De Gernier. Au total, avec ses soixante missionnaires, la Newteam est l’une des plus importantes délégations de l’histoire du tournoi. « En une semaine de compétition ici, les gars prennent cinq ans d’expérience de beach », justifie le président du club, Jérémy Chojnowski. « Ce ne serait même pas possible de progresser comme ça en Belgique. » Alors les « gars » apprennent leurs leçons sur le sable.

« Il y a beaucoup moins de risques de se blesser sur le sable que sur gazon, où les changements d’appui avec crampons sont beaucoup plus secs. »© EMILIEN HOFMANN

Rebonds et pieds chauds

Un match de beach soccer se joue à cinq contre cinq sur un terrain d’environ 35 mètres sur 26 et en trois périodes de douze minutes. Sans hors-jeu, mais avec des coups francs directs à chaque faute. Une spécialité de la discipline qui donne souvent lieu à un cérémonial passionnant. Ça débute par le ratissage du sable avec la semelle pour former une surface plane de la taille d’un sombrero. Tout l’art consiste ensuite à frotter le ballon à la main sur le sol en lui faisant épouser le tracé d’une spirale pour créer une petite pyramide au sommet de laquelle placer la balle. La suite? Un boulet de canon ou une panenka. Reminder: on ne sait jamais trop à quoi s’attendre au beach soccer. « Il y a finalement peu de points communs entre le beach et le foot », prévient d’ailleurs Anaëlle Wiard, ancienne Red Flame qui a « vraiment détesté » ses deux premiers entraînements sur le sable avec l’équipe A de la Newteam (NT).

« J’avais l’impression d’être nulle, de ne pas savoir contrôler un ballon parce que je n’avais pas du tout les mêmes sensations. C’est seulement après quelques matches que j’ai appris à apprécier la discipline. » Une discipline où, contrairement à sa cousine de prairie, il est impossible de quitter le ballon des yeux sous peine de le voir prendre un rebond imprévu et passer à cinquante centimètres du pied. Une discipline beaucoup moins permissive que le foot, où le moindre relâchement individuel fait perdre 20% de ses forces à l’équipe. Une discipline, enfin, où Anaëlle Wiard prend « énormément de plaisir à pouvoir garder le ballon en l’air, à enchaîner les bicyclettes, à tacler sans se faire mal ». Parce que, malgré sa réputation de sport de vacances générateur de blessures, le beach soccer est au contraire fortement conseillé et considéré comme un excellent complément à la pratique du foot.

« Au beach, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. »© EMILIEN HOFMANN

En début d’après-midi, c’est inévitable: le sable commence sérieusement à chauffer les pieds. À ceux qui ne veulent pas participer au concert de claquettes, il reste la solution des « petites chaussettes », ces coussinets en gel autoadhésif enfilés par ceux « dont la plante de pieds est trop fragile pour éviter les brûlures », précise Jeffrey. Le kiné – suisse – de la NT est justement en train de s’occuper des panards des joueuses de l’équipe A, dont le match contre CFP Cáceres n’a pas encore été annulé suite à un cas de Covid du côté espagnol. Assis sur le sable, Jeffrey dresse la liste des avantages de cette surface pour le footeux.

« Il y a beaucoup moins de risques de se blesser que sur gazon, où les changements d’appui avec crampons sont beaucoup plus secs. Le sable est idéal pour travailler les appuis, beaucoup plus lourds et profonds: ça permet de gagner en force, en explosivité et en muscles. » Messi, Ronaldo, Ramos… Les vidéos de stars du ballon rond effectuant leur revalidation après blessure sur du sable ont beaucoup circulé ces derniers temps. « C’est une superbe préparation », abonde le kiné. « Pour les convalescents, ça évite de passer directement à une surface dure, ce qui est préférable lorsqu’un footballeur se remet d’une blessure aux ligaments croisés: comme tu t’enfonces, tu n’as pas le problème du changement rapide de direction. Et puis au niveau cardio, c’est énorme parce qu’il faut beaucoup plus lever ses jambes et appuyer ses pieds. »

Nazaré est depuis quatre ans le superbe écrin où est organisé l'équivalent de la Ligue des Champions de beach soccer.
Nazaré est depuis quatre ans le superbe écrin où est organisé l’équivalent de la Ligue des Champions de beach soccer.© EMILIEN HOFMANN

La touche tahitienne

17 heures. Au bord de la piscine de l’hôtel Zulla, c’est le moment du débriefing. Et des grimaces. Ce matin, trois des quatre équipes de la NT ont été battues. D’un rien ou à plate couture, mais battues. Écoute religieuse, débats constructifs, chaque joueur a l’occasion de prendre la parole, mais tous les regards sont tournés vers Heimanu Taiarui, le joueur-entraîneur tahitien de la NT. Faire appel à des étrangers est une habitude qui remonte à 2015, lorsque le LSA Chaudfontaine a rameuté la moitié de l’Équipe de France pour disputer le championnat belge. « On s’est alors rendu compte de l’importance de la qualité du beach hors de nos frontières. Si l’on restait dans notre carcan, on n’allait pas évoluer », admet Jeremy Chojnowski, qui fera par la suite appel à Nick Perera, le gardien de l’équipe nationale américaine. « Ce n’était pas pour gagner le championnat, je voyais plus loin: Perera fait partie des dix ambassadeurs mondiaux de la Beach Soccer Worldwide et il est instructeur FIFA. Quand il est venu en Belgique, les caméras du monde entier se sont braquées sur nous. » Enrôler un joueur étranger coûte cher – il faut prendre en charge ses frais de déplacement, de logement, de nourriture et parfois même son salaire – mais cela permet d’attirer l’attention médiatique tout en élevant le niveau de jeu des Belges.

C’est tout à fait l’objet de la présence au sein de la NT de Portugais, Américains, Polonais, Français, Brésilien ainsi que de six Tahitiens dont Heimanu Taiarui, Ballon d’Or 2015, l’année où Tahiti a atteint la finale de la Coupe du monde. Une véritable star du monde du beach. Et un ancien pêcheur d’espadon et de thon, qui a cédé son bateau poti marara à son père pour se concentrer sur son sport en 2017. À 34 balais, Heimanu est aujourd’hui moins mobile, mais il conserve néanmoins des « connaissances tactiques que l’on n’a pas, vu que l’on transfère parfois instinctivement des pratiques propres au foot de prairie », reconnaît Damien La Grange, capitaine de l’équipe A. « Temporiser, prendre le ballon en louche, jouer au sol… il sait nous dire quand et comment faire les choses. Et puis techniquement, on sait que c’est très fort, donc on se permet plus facilement de partir vers l’avant en sachant qu’il réussira son contrôle et sa passe. » Sollicité depuis quelques années par Jérémy Chojnowski, Heimanu Taiarui a fini par céder aux sirènes brainoises. Sa mission: faire évoluer les équipes de la NT et contribuer ainsi à la constitution d’un vivier de joueurs en vue du retour de l’équipe nationale, absente du sable depuis 2014 et l’évaporation des boîtes privées qui traçaient son destin. « En l’état actuel des choses, la Belgique aurait largement de quoi bien figurer au Mondial », assure le Tahitien. « Mais elle doit pour cela avoir un vrai championnat sérieux et étendu sur plusieurs semaines pour regrouper le plus possible les meilleurs joueurs du pays. »

La retransmission de la Coupe du monde par la RTBF pourrait bien booster la pratique du beach soccer.
La retransmission de la Coupe du monde par la RTBF pourrait bien booster la pratique du beach soccer.© EMILIEN HOFMANN

Besoin de reconnaissance

Nazaré fourmille de traverses piétonnes qui perforent les différents blocs de bâtiments colorés d’azulejos, ces petits carrés de faïence, et mènent bien souvent jusqu’au funiculaire, la principale attraction touristique de la ville, qui grimpe 118 mètres plus haut. Du quartier du Sanctuaire de Notre-Dame, la vue est époustouflante. Sur la forteresse São Miguel Arcanjo, que l’on aperçoit sur la droite. Sur les forêts accidentées à l’horizon. Et bien sûr, sur la plage de Nazaré et ses quatre terrains de beach soccer, parmi lesquels l’imposant Estádio do Viveiro, une enceinte de 4.500 places complètement vide, Covid oblige, pour ce Braga-Servit. Dommage, l’affiche est de qualité. Le ballon touche très peu le sol et quand il s’y retrouve, ça part en flip-flap, en roulette et exter’ du pied. Un peu comme si les joueurs évoluaient sur une surface en dur. Pedro Mano, le gardien portugais, fait partie des artistes du jour. Dans les quatre secondes de possession – en main ou aux pieds – qui lui sont imparties, Mano appuie le ballon dans le sable, le soulève puis envoie régulièrement une praline en direction du but adverse. « Les gardiens représentent 60% d’une équipe », commente le portier louviérois, Kevin De Wolf. « Tout transite par eux et la plupart d’entre eux sont en réalité des joueurs de champs doté d’une excellente technique. »

Actuellement, il y aurait officieusement quatre bonnes centaines de pratiquants adultes du beach en Belgique. Un chiffre amené à évoluer. Par la grâce de la retransmission de la Coupe du monde par la RTBF. Mais aussi par le travail de la Belgian Beach Soccer Association, créée en 2018 sous l’impulsion de Jérémy Chojnowski – qui reste par ailleurs président de la NT – et de Thierry Alken, ancien entraîneur du LSA Chaudfontaine. « L’objectif, c’est que le beach soccer devienne vraiment populaire en Belgique, notamment auprès des jeunes », soutient ce dernier. Depuis trois ans, pendant que les clubs comme la NT et la RAAL organisent leurs initiations pour les jeunes, la BBSA multiplie les rendez-vous à l’Union Belge pour obtenir son indispensable soutien. « Nous avons soumis notre plan de développement à plusieurs clubs de foot en prairie comme le Beerschot, Anderlecht ou Gand », enchaîne Chojnowski. « On insiste à chaque fois sur l’intérêt du beach en complément ou en supplément du football, on leur explique comment créer un club et organiser le championnat durant la trêve du foot. Les clubs sont prêts à nous suivre, mais ils préfèrent attendre la crédibilité que peut nous apporter l’Union Belge. » Début août, la BBSA et l’UB engageaient les dernières discussions pour ficeler leur collaboration et laisser le soin à l’ASBL d’organiser un championnat officiel ainsi que le retour des Sables Rouges, prévu en 2022. En parallèle, la BBSA planche sur la création de terrains indoor à Wavre, Braine l’Alleud et Saint-Gilles pour étendre la pratique à l’année entière. Il faut vraiment s’attendre à tout, au beach.

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