Battu par plus fort

Le président des Spirous se penche sur une saison qui s’est terminée de façon décevante.

Au départ, ce devait être l’équipe du renouveau. A l’arrivée, on a plutôt l’impression que Charleroi est à la fin d’un cycle. Alors que le club se prépare à prendre possession d’une Coupole agrandie à 7.000 places, il vient de perdre le titre pour la deuxième année d’affilée et s’apprête à tourner la page avec plusieurs anciens serviteurs. Mais, précisément parce que de nouvelles infrastructures vont être inaugurées, les Spirous ne peuvent pas se permettre une saison de transition: il devront être performants tout de suite. Le président fait le point d’une campagne qui n’a pas répondu à l’attente.

Des erreurs ont-elles été commises lors du recrutement ou l’échec est-il surtout imputable à des blessures survenues au mauvais moment?

Eric Somme: La saison avait déjà mal commencé, avec la blessure au pied de Daniel Goethals dès le mois de juin. C’est un joueur sur lequel nous comptions beaucoup pour le poste de n° 5 (pivot). Or, on sait que pour qu’il soit bon, il doit être en excellente condition physique. On a aussi eu, durant le premier tour, les blessures de David Desy et de Jacques Stas, les problèmes familiaux de Lenny Brown, etc. Beaucoup de perturbations.

Cela avait déjà été le cas en 98-99. Mais, à l’époque, l’équipe s’était complètement retrouvée pour les playoffs et avait terminé en force. Cela n’a pas été le cas, ni l’an passé, ni cette année.

En effet. Au contraire, c’est plutôt Ostende qui est monté en régime, alors que de notre côté, ce fut plutôt le contraire. Michael Batiste, que l’on avait vu très affûté en cours de saison, s’est essouflé sur la fin. Avons-nous commis une erreur en engageant deux Américains fort jeunes? C’est possible. Vivre neuf mois à l’étranger n’est pas toujours évident lorsqu’on est seul et qu’on doit s’autogérer. Je savais dès le départ que nous aurions besoin d’un bon Michael Batiste pour rivaliser avec Ostende. Cela n’a pas été le cas. En outre, nous avons joué de malchance. David Desy retrouvait la forme lorsqu’il a été victime de cette élongation aux ischio-jambiers qui l’a privé de la finale. Idem pour Jacques Stas lorsqu’il s’est blessé à la main. Dans les deux cas, c’était une question de jours. Mais, dans les playoffs, on n’attend pas. N’oublions pas non plus Wouter Dewilde, qui a privé Giovanni Bozzi d’une rotation à l’aile. Son absence fut d’autant plus préjudiciable qu’Erik Cleymans a livré sa plus mauvaise saison depuis qu’il est à Charleroi.

L’équipe n’a-t-elle pas laissé beaucoup d’influx dans la demi-finale contre Mons?

C’est possible. Ron Ellis, notamment, a dû être au four et au moulin. Il a puisé dans ses réserves pour jouer 35 minutes à cause du manque de rotations dans l’effectif. Il a payé cette débauche d’efforts en finale. John Jerome a peut-être également accusé une certaine fatigue suite à l’accumulation des matches. Daniel Goethals était en train de revenir dans la dernière ligne droite, mais il était lui aussi à court de condition malgré tout. Tout cela combiné avec les blessures, c’était beaucoup. Il aurait fallu un miracle pour émerger.

Charleroi compte plusieurs trentenaires en ses rangs. Cela a-t-il joué face à la jeunesse ostendaise?

Honnêtement, je ne le pense pas. Nous n’avons pas de joueurs de 36 ou 37 ans. Ron Ellis en a 33, John Jerome et Jacques Stas 32, Erik Cleymans et Daniel Goethals 31, David Desy 30. Un basketteur n’est pas vieux à cet âge-là.

Selon Rudolph Vanmoerkerke, dix ans dans un même club, c’est trop pour un coach.

Ce n’est pas mon avis. On aurait pu mettre Giovanni Bozzi sur le banc d’Ostende et Aaron McCarthy sur celui de Charleroi, le résultat aurait été le même.

On a beaucoup parlé du renoncement de Charleroi dans la première manche de la finale. Il y avait quelque chose de pathétique à voir les Spirous geler le ballon dans les dernières secondes pour éviter qu’Ostende ne franchisse la barrière des cent points.

Cette gifle nous a fait mal, c’est clair. Nous avons encaissé un 2-15 d’entrée de jeu et nous ne nous en sommes jamais remis. Nous savions qu’il fallait impérativement remporter le premier match pour avoir une chance de conquérir le titre. Nous avons été assommés d’emblée. Pourquoi? Difficile à expliquer. Il y a eu une conjonction de facteurs. Et, parfois, liés à des petits détails. Le premier panier de Michael Batiste a été annulé pour un marcher. Cela peut paraître anodin, mais lui en a été très perturbé. Cela n’allait plus dans la tête, et à partir de là, les jambes n’ont plus suivi. Se sentir impuissant sous les regards de 4.000 personnes, c’est douloureux. J’avais déjà vécu cela lors du match d’ouverture à Anvers, voici trois ans, lorsque nous avions été battus de 40 points. En playoffs, l’écart ne compte pas, mais s’incliner à domicile de 28 points n’est jamais agréable et cette défaite a laissé des traces.

Au décompte final, le marquoir de la saison affiche: Ostende-Charleroi 6-0. Les chiffres sont cruels.

C’est clair. J.R. Holden et Ralph Biggs ont encore progressé par rapport à la saison dernière. Thomas Van den Spiegel n’a plus été handicapé par des pépins physiques. Et, surtout, Ostende a réalisé le transfert de l’année avec l’engagement de Virginijus Praskevicius. Cela dit, il ne faut pas tout voir en noir non plus. Nous avons tout de même atteint la finale de la coupe de Belgique et la finale des playoffs. Au stade ultime, nous avons été battus par plus forts que nous. Nous sommes deuxièmes, il y a pire comme résultat.

Au départ, ce devait être l’équipe du renouveau. Or, il semble plutôt que l’on soit arrivé à la fin d’un cycle.

Il y aura pas mal de modifications dans l’effectif, c’est clair. Jacques Stas va nous quitter. Erik Cleymans, peut-être aussi. Et éventuellement Daniel Goethals.

Pour le renouvellement des cadres, vous semblez principalement axer votre recrutement sur des Américains naturalisés. Loin de nous l’idée de mettre en doute le talent et la mentalité de Jim Potter, Louis Rowe, Roger Huggins et peut-être J.R. Holden (qui devrait rejoindre Ron Ellis et John Jerome), mais qu’adviendra-t-il de l’identité carolorégienne?

Le public veut des résultats et du spectacle. Il ne regarde pas la nationalité des acteurs. Le public ostendais s’est enthousiasmé pour les exploits de J.R. Holden et Ralph Biggs.

Au train où vont les choses, il n’y aura bientôt plus que David Desy comme natif de Belgique.

Et Wouter Dewilde, et Julien Defossé… David Desy et Ron Ellis sont des enfants de la maison auquel le public carolo s’identifie. Et puis, dites-moi: à part Thomas Van den Spiegel, quel est le joueur belge qui joue un rôle en vue à Ostende? Un peu Christophe Beghin. Les autres sont réservistes. Par ailleurs, il n’y a pas de demi-Belge. Un étranger naturalisé a autant de droits que les autres. A la limite, si l’on veut pousser le raisonnement à l’extrême, on pourrait même argumenter que Jean-Marc Jaumin est un… Croate naturalisé.

Un club de l’envergure de Charleroi ne devrait-il pas avoir un centre de formation et sortir de temps en temps un jeune?

S’il y a des jeunes qui sortent en Belgique, où que ce soit, un club qui a les moyens peut les acheter. Mais il n’y en a pas beaucoup. Combien de jeunes Belges ont-ils percé en D1? On ne peut pas aller voir plus bas: l’écart est trop grand entre la D2 et la D1. A plus forte raison vis-à-vis d’un club comme Charleroi. Nous avons une équipe-filiale avec Gilly, mais l’idéal serait d’avoir une équipe-filiale en D1. Je sais que cela ferait jaser et que beaucoup de personnes verraient une mauvaise intention si un club avait deux équipes en compétition dans une même division. Mais on ne peut pas quitter Gilly et être directement performant à Charleroi.

Le problème, c’est qu’avec les enjeux liés à la construction de la nouvelle Coupole, vous ne pouvez pas vous permettre une saison de transition.

Effectivement, c’est aussi un paramètre dont il faut tenir compte. Des Belges capables de se hisser directement à un très haut niveau, il n’y en a pas des masses. On les connaît: ce sont ceux qui jouent en équipe nationale. Soit ils sont sous contrat ailleurs, soit ils sont happés par des clubs étrangers.

La FIBA vient de voter contre la réunification de la Suproligue et de l’Euroligue. Qu’en pensez-vous?

J’ai été très surpris d’apprendre la nouvelle et j’attends confirmation. Si, effectivement, deux compétitions européennes continueront à subsister de concert, je suppose qu’Ostende évoluera en Suproligue et Charleroi en Euroligue, comme cette saison. Cela nous permettrait d’avoir une place assurée d’office sans devoir passer par le tour de qualification. Mais, dans l’état actuel des choses, je ne peux pas en dire plus.

Daniel Devos

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire