Bâtir sur du sable

Notre championne d’Europe du saut en hauteur a connu une progression fulgurante. Ses secrets : des exercices de pliométrie et… beaucoup de sueur. En exclusivité depuis Doha, au Qatar !

En mettant l’heptathlon entre parenthèses au profit du saut en hauteur, Tia Hellebaut (29 ans) a progressé de manière fulgurante. Cet hiver, elle a franchi 2,05 m. Elle est considérée comme une des meilleures mondiales, voire la numéro un absolu. A quelques mois du championnat du monde et à un an des Jeux Olympiques, elle constitue plus que jamais un espoir de médaille d’or pour la Belgique.

L’année de Tia est scindée en deux : la saison d’hiver, en salle, et la saison d’été. Même si elle saute relativement peu, c’est avant la saison qu’elle pose les jalons de son succès.  » Je participe environ à deux concours par mois. Je choisis mes moments car à chaque saut, mon corps supporte de lourdes charges. Un joggeur encaisse trois fois le poids de son corps à chaque foulée. Chez un sauteur, la charge est six ou sept fois supérieure au poids, alors que le pied d’appui est déboîté et que le contact est plus long qu’en course « . Wim Vandeven, son entraîneur et ami, constate d’ailleurs une évolution des blessures en saut :  » Avant, on sautait en puissance et le genou trinquait. Maintenant, on met l’accent sur le sprint. On utilise davantage ses pieds. Et on remarque plus de fractures de stress, par exemple « .

Cette année, le saut en hauteur est intégré à la Golden League. Tia va y participer, comme sa principale rivale, la Suédoise KajsaBergqvist. A ces six meetings, il faut ajouter le Mondial et quelques épreuves de choix comme la Nuit de l’Athlétisme. Vandeven :  » L’hiver est donc très important. Nous avons passé deux mois en Afrique du Sud. En avril, au terme de la saison indoor et après de courtes vacances, nous avons effectué un nouveau stage, très dur, au Qatar. A partir du mois de mai, nous nous sommes concentrés sur la compétition et le fun, la technique. Tia a progressé de ce point de vue aussi. L’évolution est subtile mais très nette en deux ans. Elle avait un bon bagage mais, comme la plupart des femmes, elle avait du mal à le conserver dès qu’elle arrivait aux alentours de son record personnel. Actuellement, elle est la meilleure de ce point de vue, alors qu’elle émarge à une génération très forte, qui compte cinq ou six athlètes de niveau mondial « .

Cet hiver, Tia Hellebaut a gagné en vitesse et en explosivité.  » A 29 ans, je dispose d’une base solide. Avant, je consacrais une période à l’entraînement général. Désormais, nous travaillons plus spécifiquement, par phases de cinq semaines : deux intensives, basées sur la qualité, l’explosivité, la détente, deux extensives, consacrées au rythme, à la technique et à la force, et une semaine de repos « .

Vandeven :  » Elle doit chercher à s’améliorer sur des points précis. En deux ans, elle a énormément progressé. Son 2,05 m en est la preuve ultime mais les tests effectués en Afrique du Sud nous avaient déjà indiqué qu’elle était en bonne voie « .

Que représente une semaine intense ?  » En alternance, deux séances par jour puis une, six jours sur sept. De 10 h à 12 h, Tia va par exemple courir, effectuer des exercices avec les haies, puis, de 16 h à 18 h, elle va travailler son explosivité, en force maximale. En salle de musculation, elle exerce ses jambes, mais aussi ses bras, le bassin, les abdominaux, les lombaires. Ces muscles sont très importants, pour la stabilité du corps, mais aussi pour bien dérouler le bassin et le dos au-dessus de la barre. Ces exercices-là, essentiels, peuvent être effectués en guise d’échauffement. Parfois, au lieu d’aller en salle, nous travaillons pendant deux heures les muscles du tronc, les chevilles et les hanches dans le sable. Il s’agit d’exercices de stabilisation du corps. Ils stimulent les réflexes, des pieds aux hanches. Ils renforcent les muscles concernés mais aussi les connexions entre eux – le corps est un ensemble « .

Comme Kim Gevaert

La vitesse est importante dans la course d’élan. Tia l’affûte comme Kim Gevaert. Vandeven :  » Parfois sur des distances allant de 30 à 60 m, à vitesse maximale, d’autres fois plus en résistance, sur 150 à 200 m, également à 100 %. La résistance est indispensable pour conserver l’intensité de l’élan après dix ou douze essais. Nous travaillons aussi en intervalles lors des semaines extensives. A ce moment, les séances de musculation sont également basées sur plus de répétitions avec des charges moins importantes « .

Depuis quelques années, Tia Hellebaut s’astreint à des exercices de pliométrie et de proprioception dans les tribunes, en plus du bac à sable, plus axé sur la proprioception seulement.  » Elle saute les marches à cloche-pied, par exemple. Cela affûte sa détente et habitue ses muscles aux chocs. En saut en hauteur, les pieds sont décalés, ils sont dans une autre position. Les exercices dans le sable permettent d’adapter le corps « .

Le stretching a aussi une part importante dans l’entraînement de Tia Hellebaut. Il concerne les jambes mais aussi le dos, qui doit être très souple au-dessus de la latte.  » L’assouplissement du dos doit se faire très jeune. Ensuite, on entretient ses acquis. Etirer le bassin demande un peu plus de créativité « .

par pascale piérard – photos: reporters/vander eecken

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