BASIC BACK

A 24 ans, l’arrière droit des Hurlus veut montrer qu’il a franchi un palier.

Il y a un certain nombre de comédiens qui se plaignent pendant toute leur carrière de l’étiquette qu’on leur colle suite à une brillante prestation. Difficile, par exemple, pour une Sharon Stone de se trouver un rôle autre que celui de la garce après le triomphe de Basic Instinct. C’est un peu le cas de Jean-Philippe Charlet…

Depuis le début de sa carrière longue désormais de cinq ans, ce jeune défenseur de 24 ans se voit apposer plusieurs étiquettes qu’il tente de décoller petit à petit. Il y a d’abord eu celle du gamin accrocheur qui se lançait dans la mêlée sans trop réfléchir aux conséquences de ses actes. Il y a eu ensuite celle du gaffeur impénitent qui lui valut de devenir la tête de turc du public hurlu, pourtant peu habitué à siffler ses ouailles. Une fois sa cote de popularité au plus bas, il ne trouva plus grand monde pour le soutenir et lui trouver des qualités dans les travées du Canonnier.

Pourtant, le gamin a mûri et l’arrivée de Paul Put et la confirmation de Gil Vandenbrouck l’ont relancé. Titulaire au poste de back droit, depuis la reprise, il fait fi de toutes ces critiques, à l’image de Gonzague Van Dooren lorsqu’il évoluait au Standard. Au point de s’inscrire comme un incontournable. Lui, le seul produit du Futurosport, avec Paco Sanchez, à s’être taillé une place en équipe première, il a finalement fait son chemin.

 » Je sens dans mon jeu que ces quatre saisons en D1 m’ont permis de m’épanouir. J’avais mon style. Je m’énervais vite et je prenais beaucoup de cartons. Je recevais un mauvais coup et puis, pour me rattraper, je faisais une faute grossière. J’étais trop nerveux et j’avais un côté tête de mule. Je fonçais tête baissée au lieu de jouer intelligemment et de faire en sorte que ce soit l’adversaire qui prenne une carte et pas moi. Désormais, je sais mieux gérer les réactions de l’adversaire. Comme défenseur, j’ai compris que la première chose à faire, c’est d’adapter son style à celui de l’attaquant. J’ai appris à devenir plus roublard, plus rusé. Avant, j’avais beaucoup plus de stress. Maintenant, je me contrôle et je le transfère en concentration. Au niveau de la construction, j’ai également posé mon jeu. Je cherche plus de combinaison avec mon partenaire. Je monte plus qu’avant. Au fur et à mesure des années, on me pousse à aller davantage à l’offensive et je crois que je respecte les consignes. Dans un match, je participe plus qu’avant aux actions offensives. Avant, cela me faisait peur. Je craignais de dégarnir tout le flanc et de perdre le ballon. Il faut savoir comprendre l’époque dans laquelle on évolue. Aujourd’hui, tout défenseur doit savoir marquer « .

Pourtant, Charlet avoue qu’il a encore du mal à se défaire de cette image de jeune espoir :  » On m’a toujours désigné comme le jeune du Futurosport. Or, comme membre issu du centre de formation, on n’est pas traité de la même façon qu’un joueur venu d’un autre club. Un joueur transféré, on le bichonne. On l’achète pour le faire jouer. Tandis qu’un jeune, on le prend toujours comme un enfant, comme le p’tit jeune. J’exagère un peu. On ne m’a pas toujours pris pour un gamin mais on ne me voit pas non plus comme un adulte. Or, c’est toujours plus facile de critiquer un jeune qu’un joueur plus ancien. Lui, quand il parle, on l’écoute. Dans le passé, j’avais parfois l’impression que l’on me critiquait pour couvrir un ancien et quand on est jeune, il vaut mieux se taire. On doit se taire « .

La roue tourne. En début de saison, Charlet ne savait pas bien à quel saint se vouer. Pendant de longs mois, et alors que l’arrivée de Jean-Félix Dorothée en hiver ne laissait rien présager de bon pour lui, il a été laissé dans l’expectative. Pourtant, au mois de juin, il faisait partie avec Olivier Besengez du maigre contingent de joueurs à qui les dirigeants offrirent un nouveau contrat.  » Personne ne voyait que je m’inquiétais mais dans ma tête, je me posais question sur question. Je m’étais fixé un délai. Je devais passer un test à Grenoble le 15 juin mais finalement, le 10, on m’a appelé pour me proposer un nouveau contrat. Il y avait un ordre dans la reconduction des contrats et j’étais le dernier sur la liste. L’ancien directeur sportif Roland Louf ne voulait pas trop que je reste mais les entraîneurs ont insisté. Ils connaissaient mes capacités et mon mental et finalement, Louf a décidé de me faire confiance pour deux années supplémentaires. Quand j’ai resigné, ce fut un soulagement et cela m’a sûrement libéré dans mon football. Et puis, j’ai maintenant 24 ans et on dit souvent que c’est à cet âge-là que l’on doit exploser. Je me suis dit que je devais me lâcher et un déclic s’est produit dans ma tête. Ma famille m’a également énormément boosté « .

Ex-tête de turc

Même la concurrence ne lui a pas fait peur. Dorothée reste sur le banc et Kevin Hatchi, transféré pour jouer à cette position, a pris place dans l’axe.  » La concurrence, cela peut être une bonne chose car quand on est sûr de sa place, on a tendance à effectuer moins d’efforts. Même si cela ne cadre pas avec mon caractère. La concurrence m’a appris à me montrer plus régulier car on sait que chaque erreur peut vous coûter une titularisation. Paul Put a dû choisir entre moi et Dorothée. Je pense qu’il a opté pour moi car je suis un pion plus défensif « .

Le public ne s’y trompe d’ailleurs pas. Depuis quelques semaines, il se montre plus pondéré avec celui qu’il avait pris en grippe :  » J’ai un caractère dur. Je ne suis pas un enfant de ch£ur et je ne peux pas dire que j’ai mal vécu ces sifflets. Pourtant, cela m’a quelque peu perturbé. Je me mettais en doute quelques instants et puis je me ressaisissais. Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander pourquoi dès que je ratais une passe, il y avait une volée de sifflets alors que d’autres pouvaient se permettre de tout rater. Tout cela est né après un match où j’avais commis deux fautes, loin de mon but, mais cela s’était à chaque fois terminé par un goal en notre défaveur. Le public s’est trop vite focalisé sur moi. Il y a des joueurs qui sont intouchables et moi, je n’avais tout simplement pas assez de vécu pour en imposer. Quand les supporters me voyaient m’échauffer, cela ne leur plaisait déjà pas. J’étais vraiment ce qu’on appelle la tête de Turc. On guettait ma petite erreur. Depuis le début du deuxième tour, j’ai l’impression que le public me découvre. Il me pousse et cela lui arrive même de scander mon nom. C’est de cela dont on a besoin. Comme leur nom l’indique, les supporters sont là pour supporter, pas pour huer « .

Pour ne pas perdre

Son retour dans l’équipe de base a coïncidé avec le repositionnement de Paco Sanchez, son compagnon de route, devant lui :  » Comme on effectue la route tous les jours ensemble, on se connaît parfaitement. Notre complicité se remarque sur le terrain et cela ne peut que constituer un plus. Je connais ses qualités et ses capacités. Je sais comment jouer avec lui et comment le trouver « .

Une route qui pourrait cette année passer par une finale de Coupe de Belgique.  » Moi, j’ai déjà connu notre première finale en 2001. A Charleroi, l’entraîneur nous a demandé de démarrer à 100 à l’heure. Ce n’était pas une stratégie par rapport à l’adversaire. Il fallait simplement tirer des conclusions du match au Germinal Beerschot où on avait commencé mollement. C’est vrai qu’en Coupe, on joue de façon plus libérée. En championnat, on paraît parfois trop stressé comme à La Louvière. On se dit que le principal, c’est de ne pas perdre « .

STÉPHANE VANDE VELDE

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