« Bart, pourquoi tu cours ? »

Le Campinois galope toujours comme en ses plus belles années. Le secret de sa longévité ? Le plaisir et la bouffe…

Il y a un an, quasi jour pour jour, Bart Goor avait eu droit, au Parc Astrid, à une petite minute de temps de jeu, en remplacement de Mbark Boussoufa, face à Genk, l’un de ses anciens clubs. C’était son ultime apparition pour un RSCA qu’il avait loyalement servi, de 1997 à 2001, puis à partir de 2005, avant de devoir composer progressivement avec le dug-out…

Toujours désireux de jouer, le Campinois s’en alla en janvier passé au Germinal Beerschot. Ce fut un coup dans le mille : sous sa coupe, les banlieusards anversois, singulièrement malmenés en début de campagne, redressèrent petit à petit la barre, au point de terminer douzièmes. Cette saison, les Kielmen, emmenés par notre homme, occupent le haut du tableau.

En guise de remerciement pour ses précieux services, l’ex-Diable Rouge vient de se voir offrir un nouveau bail de deux saisons. A son échéance, il aura 39 ans !  » Mais je ne compte pas en rester là « , dit-il.  » Mon ambition, c’est d’entrer dans la quarantaine sur un terrain en D1. « 

Qu’est-ce qui fait courir Bart Goor ?

Bart Goor : Le plaisir… Je l’avais quelque peu perdu sur la fin, à Anderlecht, où je devais souvent me contenter d’un rôle de réserviste la saison passée. Dans la mesure où mon horizon était bouché, je me suis mis à la recherche d’un nouveau club susceptible de me relancer. Mon choix s’est porté sur le Germinal Beerschot et je ne l’ai pas regretté.

La perspective de retrouver Aimé Anthuenis a-t-elle joué ?

J’aurais bien aimé contenter mon bon pote Glen De Boeck, qui me voulait lui aussi au Cercle Bruges, mais c’est à la fois la personnalité du coach, que j’avais déjà connu à Genk et au RSCA, plus la proximité, qui auront dicté mon passage au Kiel. J’habite Brasschaat, dans la banlieue anversoise, depuis que je suis revenu en Belgique en 2005 et je ne me voyais pas faire journellement la route vers le stade Jan Breydel. Ce n’était plus de mon âge ( il rit).

Privilégier le Germinal plutôt que le Cercle, n’était-ce pas risqué dans la mesure où le public de la Métropole ne vous a jamais épargné…

Je ne me suis jamais offusqué de ses quolibets. A mes yeux, ce n’était rien d’autre qu’une façon de vouloir chambrer ou déstabiliser l’adversaire. Olivier Deschacht et moi en avons entendu des vertes et des pas mûres au stade olympique. Les mots Jeannette et homo nous étaient toujours destinés. Au début, Oli accusait le coup mais à la longue on en rigolait. Le fait d’être pris à partie nous rendait plus important que nos partenaires.

 » Je n’ai jamais eu droit à autant de respect qu’au Kiel « 

Aujourd’hui, ces mêmes supporters sont vos plus chauds partisans !

Partout où j’ai joué, j’ai toujours pu compter sur le soutien des fans. Que ce soit à Genk, à Anderlecht voire au Hertha Berlin. Mais ici, ça dépasse les bornes. Je n’ai jamais eu droit à autant de respect qu’au Kiel. Dès l’instant où tu défends les couleurs de ce club, les gens te sont reconnaissants. Silvio Proto est bien placé pour le savoir aussi. Après avoir traité un jour de cons certains inconditionnels qui l’avaient sifflé, il est devenu leur roi sitôt qu’Anderlecht l’eut prêté en 2008-09. Et je ne doute pas qu’il sera très bien reçu lors de son retour avec le Sporting.

Vous avez dit un jour, à propos d’Anderlecht, qu’il s’agissait d’un  » beau club « . Comment définiriez-vous le Germinal Beerschot ?

C’est un beau club aussi : tous deux respirent la tradition et dégagent une atmosphère particulière. Les similitudes ne manquent pas à part les couleurs : le souci de produire du beau jeu et la richesse en profondeur. Ce n’est pas le jeune talent qui manque ici. Non seulement à l’échelon du noyau A mais aussi en catégories d’âge.

En plus de dix années au sommet, vous avez côtoyé pas mal de promesses. Quel est votre Top 5 ?

En première position : Alin Stoica. C’était, la classe à l’état pur. Je revois les images du but que nous avions concocté à Leeds United à l’occasion de la deuxième phase des groupes de la Ligue des Champions en 2000-2001. Son contre-pied sur ma passe, c’était du grand art. A ce moment-là, je le pensais promis à une grande carrière. Dommage qu’elle n’ait pas tenu toutes ses promesses.

Pourquoi ?

Il a toujours cru que le talent suffisait et répugnait à se faire violence. Avec lui, c’était toujours la même rengaine : après le match du week-end, on le retrouvait aux soins le lundi, car il se plaignait de l’un ou l’autre bobo. Dès lors, il faisait régulièrement l’impasse sur la double séance du mardi, puis recommençait à trottiner le lendemain. Le jeudi, il intensifiait sa préparation et le vendredi il était fin prêt pour la joute du samedi ou du dimanche. S’il s’était donné corps et âme durant toutes ces années, sa trajectoire aurait été tout autre.

Le même constat n’est-il pas d’application à Walter Baseggio ?

Il avait 21 ans au moment où je l’ai connu au Sporting. Il n’était pas comparable à un teenager comme Stoica ou encore Mats Rits aujourd’hui. Le deuxième jeune qui m’a réellement marqué, c’est Vincent Kompany que j’ai eu comme coéquipier en 2005-06. Contrairement au Roumain, qui n’a jamais vraiment décollé, Vince a pris son envol comme en témoignent ses passages à Hambourg et à Manchester City. Mais s’étoffera-t-il encore ? Je me pose la question car il a quand même six années de professionnalisme derrière lui.

 » Romelu Lukaku doit jouer chez les Diables Rouges « 

Qui d’autre pour compléter votre Top 5 ?

Bavon Tshibuabua, Anthony Vanden Borre et Rits. A 16 ans à peine, il a tout d’un futur grand. Mais il doit être ménagé car physiquement, il éprouve des difficultés à tenir la distance lorsque les rencontres s’enchaînent. Les deux autres n’ont ou n’avaient pas ce problème. Et il en va exactement de même pour Romelu Lukaku.

La question qui divise : doit-il jouer en toutes circonstances ou de manière épisodique ?

Pour moi, il faut profiter de sa fraîcheur et de son enthousiasme pour le faire jouer tout le temps. Même chez les Diables. Le contre coup, la fatigue ? Ils existent que l’on ait 16 ou 36 ans. Je ne connais aucun joueur qui reste au même niveau du début à la fin de la saison. Une mauvaise période, c’est inévitable. Je ne vois absolument pas pourquoi on se réfugie derrière des arguments comme la jeunesse ou la vieillesse pour expliquer une moindre forme ou un fléchissement temporaire. Quand on a les capacités, on est bon pour le service. A fortiori en Belgique, où le championnat n’est tout de même pas aussi relevé qu’en Premier League ou en Bundesliga. Si des Wayne Rooney, Michael Owen ou Lukas Podolski n’y ont pas été couvés plus qu’il ne faut, pourquoi faudrait-il agir autrement avec Lukaku ?

A votre âge, bon nombre de joueurs jouissent d’un programme allégé. Et vous ?

Je n’ai pas de traitement particulier. Je participe toujours à tout, même s’il m’arrive de lever le pied par moments. Avant, j’étais un chien fou, je courais sur toutes les balles. A présent, lorsque je me doute qu’une passe sera trop longue, je n’insiste plus. Il y eut un temps où je ne m’avouais jamais vaincu sur ce genre de phase. Je me jetais alors de tout mon corps pour essayer de garder le cuir entre les lignes. Mais cette époque est révolue. Je me donne de façon plus intelligente. Ceci dit, un détail m’interpelle : plus le match avance, plus je prends généralement l’ascendant sur mon adversaire direct. La fatigue aidant, celui-ci perd fréquemment de son dash ou de sa lucidité et je n’ai pas ce problème.

Aux dires du préparateur physique Joost Desender, vous êtes un phénomène : non seulement vous alliez endurance et explosivité mais vous récupérez très vite aussi !

Je nuancerai : le surlendemain d’une partie, je suis toujours raide comme un piquet. Reste que j’ai besoin, malgré tout, d’une bonne dose de travail pour me sentir bien. C’est sans doute la raison pour laquelle je n’étais pas fringant en début de saison. Vu la nouvelle formule du championnat, le staff avait établi un schéma graduel qui ne me convenait pas du tout. Il n’a pas fait davantage l’affaire des autres et c’est ce qui explique, selon moi, notre piteuse entrée en matière avec 3 points sur 15. Si on avait mis les bouchées doubles dès le départ, il n’est pas interdit de penser qu’Anthuenis serait toujours des nôtres.

 » J’ai horreur de courir en forêt « 

En Allemagne, on vous surnommait Marathon Man en raison de votre souffle inépuisable. Et Bertrand Crasson vous appelle  » poumon à crampons « . Pourtant, toujours selon le physical coach, vous vous faites toujours tirer l’oreille quand il s’agit de courir en forêt…

C’est vrai ( il rit). J’ai horreur de courir pour courir. Sauf à la reprise, où il faut passer par là pour acquérir du fond. En pleine saison, je déteste. Après dix minutes, l’envie me prend alors toujours de rebrousser chemin. En revanche, si vous me donnez un ballon, je suis prêt à me dépenser sans compter. Voilà pourquoi, le jour où je mettrai un terme à mes activités, je ne me vois pas du tout bifurquer vers des épreuves de fond, à l’image de mon ex-partenaire, Yves Vanderhaeghe.

Celui-ci a dû batailler toute sa vie contre les kilos superflus. Ce n’est manifestement pas votre cas !

J’ai la chance, par rapport à d’autres, d’avoir une cheminée qui tire bien, sans doute. Je ne me suis en tout cas jamais privé de rien. Aujourd’hui, je ne suis toujours pas de régime adapté. Au contraire, j’ai plutôt tendance à en remettre une couche. Petit, déjà, j’étais une bonne fourchette. Le matin, il n’était pas question d’aller à l’école sans que j’avale mes deux ou trois tranches de lard quotidiennes. Et je n’omettais jamais de tremper mes tranches de pain dans leur graisse. De nos jours encore, j’ai besoin d’un bon repas avant d’aborder un match. Les spaghettis, ça ne suffit pas. Il me faut quelque chose de plus copieux. Lors de mon entrée en équipe première, au Verbroedering Geel, je me souviens qu’en guise de collation, quatre heures avant le match, nous avions droit à quelques biscottes au miel voire à la confiture. Trop peu pour moi : avant de rallier le stade, je faisais toujours un détour par le MacDo afin de manger un solide hamburger ( il rit).

Mac Donald, c’est aussi le nom d’un de vos coéquipiers au Kiel. Peut-il devenir le buteur providentiel du Germinal, à l’instar d’un Lukaku à Anderlecht, d’un Milan Jovanovic au Standard ou d’un Wesley Sonck à Bruges ?

Par rapport à ces clubs, nous avons le bonheur d’être moins dépendants d’un seul réalisateur, puisque Faris Haroun et Tosin Dosunmu font régulièrement trembler les filets adverses aussi. Ce qui nous manque c’est cette faculté de pouvoir traduire au marquoir une domination insolente. Quand Bruges a 65 % de possession de balle, on se doute qu’un but va tomber, même si c’est en fin de match. A Anderlecht et au Standard, il suffit de l’un ou l’autre coup de patte d’une vedette pour faire la différence. Nous n’avons pas cette faculté-là.

Après votre beau succès au Club, le gardien Tomislav Pacovski a déclaré que le Germinal devait résolument viser le titre. Est-ce votre opinion ?

Le but, cette saison, était de figurer dans le Top 6. Il faut s’y tenir, ni plus ni moins. Après cinq journées, compte tenu de notre 3 sur 15, on ne donnait déjà plus très cher de nos chances. Ce n’est pas parce qu’on a fait une belle série qu’il faut soudainement revoir sa position. N’importe quelle équipe, pour peu qu’elle réalise une belle séquence, peut se mettre à rêver. La preuve par Saint-Trond. Mais en fin de saison tout finit toujours par s’équilibrer et on se retrouve à sa place. Et, pour le Germinal Beerschot, celle-ci se situe entre les rangs 3 et 6. Aux premières loges, on trouvera Anderlecht, le Club Bruges et le Standard.

 » J’espère jouer l’Europe avec le Germinal Beerschot « 

Dans cet ordre-là ?

Le Sporting sera premier au moment d’entamer les playoffs, j’en suis sûr. Et le Club deuxième, vraisemblablement. Le Standard va sans doute profiter de cette formule pour grimper progressivement vers le sommet. Mais une troisième place me semble vraiment le maximum pour lui. A force de cibler ses rendez-vous, il a perdu trop de points sur la scène nationale.

Que vous inspire le Club ?

C’est le jour et la nuit par rapport à la saison passée. Les Flandriens sont réellement passés d’un extrême à l’autre : rigoureux à l’excès sous Jacky Mathijssen, ils jouent la fleur au fusil à présent. La méthode a souvent du bon, comme ce fut le cas contre Anderlecht. Mais ils pèchent quelquefois aussi par naïveté. Contre nous, ils auraient dû perdre 2-6 au lieu d’1-2.

Et Anderlecht ?

Mon sentiment est mitigé. Face aux sans-grades, l’équipe a le mérite de ne plus faire de faux-pas, ce qui ne se vérifiait pas à mon époque. Mais dans les matches à enjeu, elle me laisse sur ma faim. Sa récolte a d’ailleurs été insignifiante contre le Club Bruges, le Standard et La Gantoise, pour ne citer que ceux-là. Anderlecht m’a déçu aussi à l’occasion de son rendez-vous à ne pas manquer, à domicile, face au Dinamo Zagreb. Le staff technique a manifestement spéculé sur la solidité de la défense pour garder le zéro au marquoir et tabler sur un contre. Il s’est fourvoyé. Anderlecht a trop peu songé à jouer au foot dans ce match. C’est dommage car les rares fois qu’il l’a fait, il s’est montré dangereux.

Vous venez de rempiler : qu’attendez-vous de ces deux années ?

J’espère être épargné de blessures et jouer l’Europe avec le Germinal Beerschot. Ses formidables supporters le méritent.

Par Bruno Govers – Photos: Reporters

J’ai ne me suis jamais privé de rien… même d’un hamburger avant un match !

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