Banco sur Advocaat

Le président fédéral se veut confiant… et n’envisage pas d’entamer le patrimoine immobilier de l’Union belge pour préserver les finances du foot belge !

François De Keersmaecker est un président fédéral très occupé. Indépendamment des tractations liées à la succession du coach national, René Vandereycken, l’avocat malinois a également multiplié les déplacements à l’étranger ces derniers temps. Il a pris ainsi le chemin de l’Estonie et de la Roumanie dans le cadre des célébrations du centenaire du football dans ces deux pays, tout en assistant dans l’intervalle à une réunion de travail de la FIFA aux Bahamas. Aux prémices de la reconduction de son bail comme numéro 1 de l’URBSFA, le 27 juin prochain, l’homme nous a accordé une interview, malgré un agenda toujours chargé.

A sa demande, elle s’est déroulée en néerlandais, même si son français s’est sensiblement amélioré après trois années passées à la tête de l’Union belge et ce, grâce à des stages en immersion totale dans cette langue. Finalement, une seule fois au cours de notre entretien, le président fédéral a calé sur un mot. Sur le terme anglais underdog

Que retenez-vous de ce premier volet à l’avenue Houba de Strooper ?

François De Keersmaecker : Sur le plan extra-sportif, la restructuration interne a été poursuivie par la création d’un département des ressources humaines et d’une cellule commerciale, alors que l’un et l’autre étaient encore du ressort du seul secrétaire-général à mon arrivée. La paperasserie administrative s’est réduite de manière sensible aussi, grâce au support informatique. Enfin, il y a eu innovation également suite à la mise sur pied d’une aile néerlandophone au sein-même de la fédé, susceptible par là même de dégager plus de moyens financiers. Au total, c’est tout de même quelque 1,8 million d’euros qui seront injectés dans la trésorerie. Ce qui n’est pas négligeable, quand on sait que le budget de fonctionnement de l’Union belge est de 20 millions d’euros par an. J’ai à c£ur qu’à l’avenir, la région francophone imite cet exemple. Un groupe de travail planche sur la création d’une asbl Footfrancophone avec l’espoir d’obtenir les mêmes avantages que du côté néerlandophone : la mise à disposition de 12 personnes et l’octroi de 3 euros par membre affilié. Ce qui n’est pas négligeable du tout.

Dans le domaine purement footballistique, le topo est moins réjouissant ?

Paradoxalement, le foot belge n’a jamais été aussi populaire qu’aujourd’hui. La preuve par les abonnements, qui s’écoulent comme des petits pains à l’aube de cette nouvelle saison. A l’échelon des clubs, j’ai noté quelques parcours enviables, tant en championnat qu’en compétitions européennes. Anderlecht s’est distingué sur cette scène en 2007-2008 et le Standard a imité son exemple la saison passée, avec des prestations de choix contre Everton et Liverpool pour ne citer que celles-là. Il est simplement dommage que les Diables Rouges n’aient pas suivi la même courbe. Les deux rencontres face à la Bosnie ont malheureusement tout gâché.

 » Vandereycken ne transcendait pas assez ses joueurs « 

Et précipité la fin de Vandereycken, dont vous étiez pourtant un chaud partisan ?

J’étais persuadé que pendant son deuxième mandat, il allait récolter les fruits du travail effectué auparavant. Car malgré une non-qualification pour la phase finale de l’EURO 2008, il avait eu le mérite de lancer quelques joueurs méconnus chez nous, comme Thomas Vermaelen ou Jan Vertonghen. Quand on voit ce qu’il est advenu du premier, transféré récemment de l’Ajax à Arsenal, il faut se dire que le coach national avait bien le nez fin. Jusqu’à sa sortie, il aura d’ailleurs été bien inspiré en la matière, puisque c’est lui qui fut aussi à la base de l’incorporation d’Eden Hazard. Vu les statuts de titulaire à part entière de Vincent Kompany à Manchester City ou de Marouane Fellaini à Everton, je me dis qu’un nouvel âge d’or nous attend. Pour moi, Vandereycken aurait mérité de profiter davantage de ses trouvailles.

Est-ce la raison pour laquelle vous l’avez soutenu contre vents et marées. Ce qui vous a valu pas mal de critiques ?

En tant que président, il était logique que je le soutienne. J’étais d’ailleurs favorable à la reconduction de son contrat. A mes yeux, il avait bien défriché le terrain et les premières prestations contre la Turquie et l’Espagne, étaient porteuses d’espoirs. Ce qui est regrettable dans le cas du Limbourgeois, c’est qu’il a réellement joué avec son bonheur après coup. Car si le double rendez-vous contre les joueurs bosniaques avait été du même niveau que les matches précédents, Vandereycken serait toujours en place aujourd’hui et je n’aurais pas été exposé aux critiques. Si j’ai un reproche à lui formuler, c’est d’avoir toujours voulu défendre à l’extrême ses joueurs. Il trouvait toujours du positif, même en cas de contre-performance.

Avec une expérience de plus de trente ans dans le monde du football, je partais du principe qu’il savait mieux que moi ce qu’il fallait faire ou non. De toute manière, il était difficile de le raisonner. A partir du moment où on lui disait quelque chose, il en prenait bonne note mais faisait toujours comme bon lui semblait.

A partir de quand a-t-il perdu du crédit chez vous ?

A la longue, j’en avais assez de toutes ses explications. Elles ne tenaient pas la route. Désolé mais après une défaite 1-4 contre le Maroc, je ne vois pas quelles satisfactions il y a lieu de retirer. Et je me demande dans quelle mesure ce langage-là n’aura pas été sa perte. A force d’entendre dire que tout n’était finalement pas si mauvais que ça, un joueur, surtout s’il est jeune, ne va peut-être pas se remettre en question. Ce qui a manqué, par moments, chez les Diables Rouges, c’est cette faculté de dépasser ses limites. Vandereycken ne transcendait pas assez ses joueurs Et je crois précisément que le nouveau sélectionneur poussera à cette sublimation. Sous cet angle-là, il n’épargne rien ni personne.

N’y a-t-il pas un problème de mentalité plus global ? Les désistements étaient légion, par exemple, dans l’optique de la Kirin Cup ?

Quand je vois que des internationaux de renom sont toujours actifs actuellement à la Coupe des Confédérations, je me fais la réflexion que les nôtres sont des enfants gâtés. Mais leurs dirigeants sont loin de donner le bon exemple. Compte tenu des test-matches pour désigner le vainqueur du championnat de D1 cette année, nous avions convenu avec les directions du Standard et d’Anderlecht que le perdant ne devrait pas libérer ses internationaux en vue du voyage au Japon et ce, en raison des implications européennes du club dès la deuxième quinzaine de juillet. A peine la Ligue Jupiler avait-elle livré son verdict que les dirigeants liégeois refusèrent de libérer leurs joueurs. Avec le recul, j’ai un regret : ne pas avoir couché les modalités de l’accord sur papier. Pour moi, une parole suffisait. On ne m’y reprendra plus. Dès la saison prochaine, tout sera fixé par écrit. Et gare à ceux qui ne voudront pas céder leurs éléments aux dates prévues par la FIFA en fin de saison. Si d’autres jouent à ce moment, pourquoi pas nous ?

 » Le CV de de Sart n’est pas comparable à celui d’Advocaat « 

En revanche, avec le nouveau sélectionneur, tout a été fixé par écrit. Mais vous attendez toujours sa réponse ?

Je ne prévois pas de surprise de dernière minute. Dick Advocaat a clairement laissé entendre que c’était les Diables Rouges et rien d’autre. Je ne sais pas pourquoi mais avec lui, j’ai vraiment confiance en la parole donnée ( il rit). La seule inconnue, c’est l’identité du troisième homme qui encadrera le Hollandais et son assistant, Bert van Lingen. Frank Vercauteren présente le profil idéal : il est bilingue et, théoriquement, c’est lui qui dirigera notre équipe nationale durant les mois à venir avant de céder le relais comme coach principal, le 31 décembre. D’ici là, nous le sonderons sur son envie éventuelle de poursuivre la route comme assistant après cette date.

Jean-François de Sart ne manque pas de références non plus : il manie parfaitement les deux langues nationales et a un passé chez les Espoirs et les Olympiques. Pourtant, on a l’impression qu’il fait figure d’oublié, tant comme T1 que comme adjoint ?

Il faisait partie, dès le départ, des quelques noms que nous avions en tête pour succéder à Vandereycken. Mais son CV n’était pas comparable à celui d’autres candidats qui figuraient sur notre liste, comme Eric Gerets, Louis van Gaal et Advocaat. Dès l’instant où un terrain d’entente a pu être trouvé avec l’un de ceux-là, nous étions parés. Mais Jean-François de Sart n’est pas oublié pour autant. Nous lui avons fait une offre pour continuer avec les Espoirs après le 30 juin prochain, jour où son contrat vient à expiration chez nous. La balle est dans son camp mais j’ai cru comprendre qu’il avait eu d’autres offres entre-temps, au FC Brussels notamment. A lui de décider.

D’après les normes en vigueur chez nous, Advocaat est cher puisqu’on parle d’un salaire de 600.000 euros par an. Mais selon vos propres propos, il faut oser investir en temps de crise.

Tout à fait. Ce n’est pas en rognant tant et plus qu’on va sortir du marasme. J’ai dès lors été le premier à dire qu’il fallait un homme de qualité pour encadrer les Diables. Et, comme chacun le sait, la qualité se paie. La fédération a consenti un bel effort financier en engageant le coach hollandais mais, pour autant, je n’ai pas mis en péril la trésorerie de l’URBSFA. Aucun de nos sponsors n’a décroché et nous avons des ressources en profondeur car nous possédons des bâtiments régionaux dans chaque province. D’autre part, je tiens à signaler aussi que si Advocaat nous qualifie pour la phase finale de l’EURO 2012, il aura remboursé une bonne partie de son salaire : une participation à cet événement ou à l’apothéose de la Coupe du Monde engendre de solides rentrées.

Une autre manière de faire rentrer l’argent est d’organiser soi-même l’épreuve. Et la Belgique est co-candidate à la mise sur pied de la Coupe du Monde en 2018.

Si le système de rotation est respecté, c’est l’Europe qui devrait succéder à l’Afrique du Sud 2010 et au Brésil 2014. Nous avons posé une candidature conjointe avec les Pays-Bas et l’Espagne a effectué la même démarche avec le Portugal. Les autres pays intéressés sont la Russie et l’Angleterre. Celle-ci fait figure de favori sur papier, vu qu’elle n’a plus abrité l’épreuve depuis 1966. La Belgique et les Pays-Bas n’ont pas ce statut pour le moment. Ce sont plutôt les challengers, les… underdogs. Mais c’est là, justement, notre chance. Si l’Angleterre, qui dispose déjà du championnat de football le plus relevé, a la Coupe du Monde en 2018 après avoir déjà abrité les Jeux Olympiques, avec Londres, en 2012, les autres, en Europe, devront se contenter des miettes. Et l’écart financier ne fera que s’agrandir entre le Royaume-Uni et nous, puisque l’organisation d’une phase finale de Coupe du Monde rapporte en général entre un demi-milliard et 2 milliards d’euros. Cela vaut donc la peine de se démener.

par bruno govers – photo: belga

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