Balle du bourgmestre

Le patron du PS justifie les efforts consentis par la Ville de Mons en faveur de son club.

Tous les 15 jours, il est la vedette de la tribune d’honneur du Stade Tondreau. Elio Di Rupo (51 ans) profite des matches de Mons pour rencontrer d’autres hôtes de marque, des partenaires commerciaux éventuels, des industriels de la région,… Le plus célèbre noeud papillon du pays trouve aussi, lors de ces soirées, l’occasion de se retremper dans une ambiance populaire qui doit lui rappeler une jeunesse modeste et parfois difficile.

Fils d’une famille de sept enfants, il eut le malheur de perdre son père, dans un accident de la route, au moment où il soufflait sa toute première bougie. Il puisa dans ce coup du sort précoce une force extrême qui lui permit de réaliser un parcours professionnel prodigieux: docteur en sciences, conseiller communal, échevin, député national, député européen, sénateur, ministre, vice-Premier ministre, président du Parti Socialiste, vice-président de l’Internationale Socialiste, bourgmestre de Mons,…

Comment est née votre passion pour le football?

Elio Di Rupo: J’ai toujours aimé ce sport et j’ai d’ailleurs joué à Piéton. Mais je n’avais aucun don! Ma seule qualité était de courir très vite. En début de match, je semais souvent l’effroi dans la défense adverse. Mais, une fois que les adversaires avaient compris que j’étais un mauvais joueur, je lisais un certain soulagement sur leurs visages (il rit). Je n’ai jamais été un titulaire régulier. En réalité, je profitais surtout du fait qu’un de mes frères était président du club. S’il n’avait pas été là, je n’aurais peut-être jamais eu ma chance. Ce même frère est ensuite devenu président de Chapelle-lez-Herlaimont. Moi, j’ai laissé tomber le football au moment où j’ai entamé des études universitaires. Sans regret.

Pourquoi avez-vous décidé de vous investir dans le club de Mons?

C’est un lien affectif. Depuis mon arrivée à Mons, dans les années 70, j’ai toujours suivi ce club. Vers la fin des années 80, je m’y suis intéressé de beaucoup plus près et je suis devenu président effectif. Mais j’ai dû céder mon mandat au moment où je suis entré au gouvernement car je n’étais plus assez disponible pour l’Albert. Malgré cela, j’ai toujours continué à assister à ses matches. J’avoue toutefois qu’au moment où j’ai quitté la présidence, je n’imaginais vraiment pas que ce club accèderait aussi rapidement à la première division.Stop aux employés communaux bidons

Votre poste actuel de président d’honneur est-il plus que simplement honorifique?

Tout à fait. Je m’implique réellement. Dès que j’ai été nommé conseiller communal, je me suis mis en tête d’aider le club de la façon la plus efficace possible. Le stade nous appartient, mais notre implication ne s’arrête pas là. Nous l’entretenons et nous cherchons en permanence à mettre l’Albert en contact avec des investisseurs. Nous offrons aussi certaines facilités au club en matière de sécurité, de mobilité, etc. Notre rôle est comparable à celui de la Ville de Charleroi par rapport au Sporting. Je refuse en tout cas d’intervenir dans la gestion quotidienne de l’Albert. Un club de football de ce niveau doit être dirigé par des gens qui ont la passion et d’importants moyens financiers. Aujourd’hui, il faut hélas beaucoup d’argent pour prendre les commandes d’un club.

L’engagement de joueurs de l’Albert par la Ville est une autre façon d’aider le football…

Ce temps-là est révolu. J’ai tenu à assainir la situation dès ma victoire aux élections communales. J’estime que, si un footballeur est engagé à la Ville, il doit être sur son lieu de travail aux heures indiquées dans son contrat, et pas sur le terrain d’entraînement. Je ne veux pas qu’on mélange tout. Aujourd’hui, nous n’avons d’ailleurs plus de joueurs de l’Albert dans le personnel communal.

La Ville n’apporte-t-elle pas une aide financière directe à l’Albert?

Elle est très modeste. Je pense que cela représente environ 50.000 euros par saison. L’ancien bourgmestre de Mons, Maurice Lafosse, qui était aussi président de l’Albert, lui a permis de sortir de l’ornière, de rétablir une situation financière périlleuse et de prendre un nouvel élan. Aujourd’hui, nous ne faisons que poursuivre son travail.

Votre conflit avec Maurice Lafosse, qui a débouché sur son remplacement par Dominique Leone à la présidence, n’a-t-il pas déteint sur l’image de marque du club?

Vous croyez? Je ne vois pas les choses de cette manière: aujourd’hui, l’Albert est en D1 (il rit).

Vous allez débourser pas mal d’argent pour la construction du nouveau stade!

Cette décision n’a rien de nouveau. Maurice Lafosse voulait déjà que la Ville finance une nouvelle tribune. Quand je suis devenu bourgmestre, je m’y suis opposé parce que je ne voyais pas bien clair dans nos finances. Je ne constatais que des trous, et très peu de rentrées. J’ai donc mis le dossier au frigo, d’autant que la tribune en question ne répondait pas aux exigences de la première division. La situation a évolué quand la Région Wallonne a donné son accord pour une partie du financement d’un tout nouveau stade. Dans ces conditions-là, un investissement complémentaire de la Ville se justifiait pleinement. La Région Wallonne financera 60% des travaux et la Ville payera le reste au moyen d’un emprunt remboursable en 20 ou 25 ans. Mais avant de donner notre accord définitif, nous avons voulu être certains que les seats seront bel et bien occupés. »Impossible d’égaler Charleroi »

Comment réagissent les Montois qui ne s’intéressent pas au foot alors que leur ville est déjà fortement endettée?

Je n’entends pas de réactions négatives. Une des responsabilités de l’autorité est d’être juste et impartiale. Nous ne nous concentrons pas exclusivement sur l’Albert. Nous essayons d’aider tous nos clubs. De football, de basket, etc. Nous avons aussi des projets pour une nouvelle piscine et pour un centre multisports.

Mais tous les Montois ne sont pas des fous de sport!

C’est l’éternel débat… Il y a inévitablement des mécontents quand une Ville investit dans le sport, dans la culture, dans le tourisme ou dans tout autre domaine. Tout le monde n’a évidemment pas les mêmes priorités. J’estime qu’il ne serait pas raisonnable de ne pas donner un coup de main à l’Albert quand on voit l’impact de sa montée en première division. Cette ascension, c’est quand même un beau succès, non?

Rêvez-vous d’une Mons-la-Sportive sur l’exemple de Charleroi-la-Sportive?

Charleroi a, pour le sport, énormément de moyens financiers que nous ne possédons pas. Il n’est pas possible d’avoir les mêmes infrastructures sportives à court terme parce qu’il y a eu, pendant une longue période, un sous-investissement sportif à Mons. Cette ville a surtout mis l’accent sur le patrimoine, la rénovation urbaine, la culture, etc. Aujourd’hui, il est temps de réparer les oublis du passé, mais je ne veux pas qu’on compare Mons à Charleroi ou à n’importe quelle autre ville. Charleroi possède un stade de football magnifique et une superbe salle pour le basket: tant mieux pour les gens de cette région.

Vous comprenez qu’on râle du côté de La Louvière? Le Sporting de Charleroi a un nouveau stade grâce à l’EURO 2000, l’Albert va bénéficier des largesses de la Ville de Mons et de la Région Wallonne, mais la RAAL ne reçoit pas tous ces soutiens et le fait savoir…

Je suis mal placé pour juger les relations entre la RAAL et les autorités communales de La Louvière. Je ne connais pas le dossier.

Mais La Louvière fait quand même partie de la Région Wallonne comme Mons, non?

Je peux vous dire que la Région a aussi déversé pas mal d’argent à La Louvière. Mais ce n’est pas ma faute si ces sommes n’ont pas été destinées au football. Je sais par exemple que la Région vient de financer une nouvelle piscine là-bas.

Les politiciens montois n’essayent-ils pas de pousser discrètement pour un rapprochement avec les Francs Borains, qui possèdent des infrastructures que l’Albert n’a pas?

Nous ne nous mêlons pas de tout cela. Ce ne sont pas les hommes politiques qui gèrent Mons ou les Francs Borains. Nous pouvons donner un coup de main si les dirigeants de ces clubs ont des idées communes et nous appellent, mais ce n’est pas à nous d’intervenir dans un premier temps. »Je ne vais pas au foot pour ramasser des voix »

Comment expliquez-vous l’intérêt d’hommes politiques pour le football? Il y a Detremmerie à Mouscron, Graffé au Standard, Collignon au Standard et à Amay, vous-même à Mons,…

C’est d’abord une question de goût. On ne s’implique pas dans un club si on n’aime pas le football. On ne fait pas cette comédie-là. Et il y a différents degrés d’implication. Detremmerie est carrément président de Mouscron: ça veut dire qu’il est vraiment amoureux de son club. Idem pour Robert Collignon: lors de séances de travail du Parti Socialiste, qui ont lieu le samedi, je l’ai déjà surpris à griffonner l’équipe qu’il souhaite voir jouer le lendemain. Il se prend carrément pour l’entraîneur d’Amay…Mon rôle à Mons est très différent: je considère que je remplis plutôt une fonction de soutien et je reste tout à fait indépendant par rapport à la gestion financière et à l’aspect sportif. Je ne vais quand même pas essayer d’influencer l’entraîneur dans sa sélection, puisque je suis de toute façon incapable de faire une équipe…

Le football n’est donc pas, pour les hommes politiques, une façon comme une autre de ramasser des voix?

(Il rit). Mais enfin! Ne soyez pas négatif… Je ne veux pas être prétentieux, mais je n’ai quand même pas besoin du football pour percer en politique. J’ai récolté 65.000 voix de préférence quand mon club n’était guère médiatisé. Je ne pense pas aux voix supplémentaires dont je pourrais bénéficier quand je rentre dans le stade. D’ailleurs, je ne suis même pas sûr que le fait de suivre les matches de l’Albert soit une bonne chose pour mon parcours politique parce que je m’attire sans doute plus d’adversaires que d’électeurs en affichant ouvertement mon soutien à ce club. Et ce n’est pas en allant 15 fois par an dans le même stade, au milieu du même public, qu’on ramasse beaucoup de nouvelles voix. Celui qui choisit cette stratégie électorale a tout faux! Quand je sors du Tondreau, j’ai souvent une quinzaine de lettres en poche: des demandes diverses, des propositions d’investisseurs, etc. L’essentiel est là. J’ai la conviction que je remplis alors très bien mon rôle de politicien, de personnage public: je suis proche des gens et je fais ce que je peux pour leur venir en aide.

Comment avez-vous vécu la victoire de Mons contre le Standard?

C’était fou au cours des jours qui ont suivi: je ne pouvais plus faire un pas, dans les milieux politiques, sans qu’on me parle de ce match. Quant à nos supporters, ils ont beaucoup apprécié cette victoire de prestige, mais qu’on ne s’y trompe pas: beaucoup de Montois sont de grands supporters du Standard et apprécient Robert Waseige. Ils ne demandent qu’une chose: voir les Liégeois en tête à la fin de la saison. D’ailleurs, il y a énormément de clubs de supporters du Standard dans la région de Mons. Supporter à la fois Mons et le Standard, ce n’est pas contradictoire.

Pierre Danvoye

« J’ai joué au foot et je n’avais qu’une qualité: je courais très vite »

« Beaucoup de supporters de Mons espèrent que le Standard sera champion! »

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