Bagnoles et katas

Quel effet cela fait-il de vivre avec une championne de karaté?

Alex Di Gregorio (23 ans): Les gens pensent qu’elle doit être plus agressive que les autres femmes mais en fait, elle se défoule dans son sport et elle est calme. Non, je ne prends pas trop de coups (il rit et Julie ajoute: « Il a son garde du corps maison… »)!

Partager l’existence d’une sportive de haut niveau est-il un avantage ou un inconvénient?

Plutôt un avantage car nous nous comprenons plus facilement. Nous acceptons que l’autre accorde la priorité à son sport. Nous avons aussi la même hygiène de vie.

Quels sont les défauts et qualités de Julie?

J’admire sa détermination. Au début, j’aurais préféré qu’elle ne fasse rien mais elle faisait du karaté depuis son enfance et elle concilie les deux. Ce n’est pas comme si je n’avais jamais à manger. Les défauts? Oh, j’ai une liste (il rit).

Comment envisagez-vous l’avenir?

Nous nous sommes fiancés en mai 2002 et nous nous marierons en juin 2004. Nous aimerions trois enfants. Elle arrêtera le karaté vers 25 ans. C’est un sport où on prend beaucoup de coups et où on ne gagne rien, au contraire: hormis les championnats du monde et d’Europe, un karateka doit tout payer lui-même: logement, trajet, coach. éa coûte environ 5.000 euros par an. C’est un sport ingrat, auquel la presse accorde peu d’attention, aussi. Un moment donné, il faut donner la priorité à autre chose. Le mariage est très important aux yeux de Julie. Nous allons acheter l’appartement où nous vivons à Liège. Ensuite, nous chercherons du côté de Nandrin, près de chez mes parents. C’est à la fois paisible et proche de la ville.

La vie en appartement doit vous changer de la campagne?

Oui, bien que le quartier soit calme. En fait, au début, ce qui nous dérangeait, c’était la cloche de l’église, qui sonne toutes les demi-heures et avec une énergie accrue le dimanche, pour la messe de dix heures! Mais nous avons une terrasse, ce qui nous permet d’avoir un chien, Deji, et un chat, Minou, qui n’a pas vraiment de nom car il est sourd. Nious avons tous deux eu beaucoup d’animaux durant notre enfance. Julie a eu quatre chevaux et en voudrait, plus tard, mais c’est cher et ça demande beaucoup de travail.

Quels sont vos loisirs communs?

Le cinéma et le restaurant, pas nécessairement la même soirée. Nous n’aimons pas sortir en boîte. En revanche, nous aimons la bonne cuisine, qu’il s’agisse de plats chinois, italiens, français, indiens. Ma mère s’y connaît très bien. Elle est femme au foyer et elle lit beaucoup d’ouvrages culinaires. Nous essayons de reproduire à la maison nos plats préférés. (Julie: Je pique des idées à ma belle-mère mais Alex adore cuisiner aussi). Ma spécialité? Les pâtes au thon et le pavé de saumon.

Et au cinéma, c’est Vandamme?

Non! Il n’est pas une référence dans le monde du karaté. Nous avons vu notre premier et dernier James Bond. Il y a beaucoup d’effets spéciaux mais l’histoire est fadasse. Notre dernier film, c’était « Arrête-moi si tu peux », de Spielberg, avec Di Caprio. Bien avant le Naufrage du Titanic, il était mon acteur préféré. Je l’ai beaucoup apprécié dans Blessure secrète, avec De Niro et Gangs of New-York. Il choisit des rôles beaux et difficiles, pas ceux qui rapportent le plus. Brad Pit est un peu de la même eau. Julie l’aime bien pour sa beauté. Parfois, nous regardons des films moins connus, comme L’arme irréversible. A Cannes, les gens sont sortis de la salle, choqués. C’est une histoire de viol très réaliste. Dès que nous le pouvons, nous allons voir les nouveautés.

Avez-vous d’autres passions?

La musique. J’écoute MTV, des CD. Rock, tecno, pop, de tout, mais avec l’âge, je me fais plus sélectif. Avant, j’écoutais tout ce qui passait. J’aime les voitures, aussi. J’ai eu une Audi TT cabriolet et une 406 coupé, qui a malheureusement été déclassée dans un accident avec quelqu’un qui roulait à contresens. Maintenant, j’ai la 307 du club. Je ne suis pas Fangio pour la cause.

Des choses vous énervent-elles davantage que d’autres, dans la vie?

L’injustice, que ce soit au tribunal ou ailleurs. Je ne supporte pas de voir des gens qui travaillent toute leur vie et n’ont rien, d’autres qui subissent des coups du sort sans le mériter alors que certains ont tout sans le mériter non plus.

Vous collectionnez les titres en karaté et vous venez d’une famille très connue dans votre sport. Pouvez-vous vous présenter?

Julie Debatty(21 ans): J’ai été championne de Belgique à 17 reprises depuis l’âge de 14 ans, dans ma catégorie de poids comme en toutes catés ou en katas. En juin 2002, j’ai remporté la Coupe du Monde de karaté féminin. C’est une organisation de la France qui concurrence le championnat du monde. Une fois sur deux, l’épreuve se déroule au Japon. Je combats en poids légers, soit en -53 kg. En fait, je n’étais pas sélectionnée pour la Coupe du Monde. J’ai été reprise quatre jours avant et je me suis présentée avec une sérénité inhabituelle car je ne m’étais plus entraînée depuis quelques mois. Je ne visais donc pas de médaille. C’est comme au Liégeois de l’Année: je ne m’attendais pas à gagner devant Thans et Thiry! J’ai également reçu le Mérite provincial.

Vous avez une morphologie fine, différente des judokas. Parlez-nous des exigences du karaté…

Je m’entraîne deux heures par jour, mais depuis la Coupe du Monde, je souffre d’une fracture de stress au bras. C’est arrivé presque en même temps que la fracture d’Alex au scaphoïde du pied et ce sont des endroits importants pour notre sport. La pratique du karaté muscle en finesse. On ne fait pas d’exercices particuliers pour ne pas perdre notre souplesse et notre vitesse. Je fais du karaté depuis l’âge de deux ans et demi et je suis naturellement douée, donc je ne dois pas m’entraîner beaucoup.

Vous donnez des cours de kaérobic?

Oui, du karaté en aérobic. Je les ai imaginés alors que, sans que je le sache, le taibo éclatait en Amérique. éa vient des katas en musique. Le kata est un combat imaginaire, une chorégraphie à partir de mouvements imposés. En démonstration, mais pas en compétition, on les effectue aussi en musique. Là, j’invente mes mouvements sur la musique que j’ai choisie. C’est dur car il y a une part d’acrobatie et il faut être spectaculaire. Les cours de kaérobic sont plus soft. Ils s’adressent surtout aux femmes. Elles ont peur du karaté à cause des contacts mais ces cours en musique leur permettent de se défouler et de se muscler tout en apprenant à se défendre.

Avez-vous une occupation professionnelle, en plus?

Oui mais à mi-temps. Je suis agent de communication au Tilleul, un centre de formation Horeca pour les adultes à déficience mentale. Nous obtenons un bon pourcentage de réinsertion. Je m’occupe de la promotion et je dois leur trouver un travail. éa marche bien.

Comment avez-vous fait la connaissance d’Alex?

C’était il y a six ans et c’était le plus beau de l’école. A cet âge-là, ça compte (elle rit). Au fil du temps, nous nous sommes découvert des tas de points communs et nous avons mûri ensemble. Nous poursuivons les mêmes objectifs.

Aimez-vous le foot?

Au début, je le détestais mais je commence à m’y connaître. Je le suis quand mes compétitions le permettent. Je me rendais plus souvent à Genk. Le club organisait d’ailleurs beaucoup de soirées auxquelles les femmes étaient conviées. Mais je suis jalouse: quand une autre fille parle à Alex, je lui fais comprendre qu’elle doit dégager. J’ai confiance en lui mais pas dans les femmes qui courent après les joueurs.

Quels sont les principaux défauts et qualité d’Alex?

Ils se confondent. Il est trop gentil. Il ne sait pas dire non et ça le perdra. Il est trop humain. (Une pause). Il n’est pas du tout macho, même s’il me demande parfois de me taire, ce que je ne fais pas! Il m’aide beaucoup dans le ménage, les courses, mais je ne veux pas qu’il nettoie. En revanche, je suis plus bricoleuse, qu’il s’agisse de planter des clous ou de faire des bijoux. J’aime personnaliser des objets.

Pascale Piérard

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