Bad Kompany ?

Thomas Bricmont

Dédain, suffisance, allures de starlette, négligence,… autant de termes venus se plaquer au nom Kompany depuis son retour fiasco chez les Diables. Juste descriptif ou vision erronée ? Analyse.

Il y a près d’un an Vincent Kompany faisait la couverture de Sport/Foot Magazine sous le titre évocateur de Vince The Prince. L’ex-Anderlechtois était alors catalogué transfert de l’été trois mois après avoir pactisé avec le richissime Manchester City. C’était le temps des louanges : la Premier League lui allait comme un gant, ses qualités humaines et footballistiques faisaient l’unanimité, Kompany passait même pour le futur capitaine du Big City dont rêve le propriétaire émirati, Sulaiman al-Fahim

Aujourd’hui, la toute récente médiatisation faite autour de son nom n’a pas semblable teneur. Dick Advocaat a le sourire davantage pincé que Mark Hugues évoquant son nouveau poulain. Et pour cause, le double retard précédant le match face à la Hongrie, puis celui face au Qatar, a fait bondir notre nouveau sélectionneur. Quelle plus belle occasion aussi, pour Dickie, de démontrer une nouvelle fois sa légendaire poigne de fer ? Après Ruud Gullit (par deux fois), Frank De Boer, Ruud van Nistelrooy ou Andrei Arshavin, ce fut au tour de l’ex-Anderlechtois d’être collé pour indiscipline par le Petit Général. Pour la presse, c’était également le moment de ressortir le listing des manquements divers qui ont émaillé la carrière de Kompany. La vox populi (dans sa majorité) a elle aussi montré son indignation via courriers des lecteurs ou forums. L’image de l’ex-golden boy du football belge en a pris un coup.

Hambourg ou la machine qui s’enraye

Les problèmes de Kompany débutent à Hambourg où il est transféré en juin 2006 pour 10 millions d’euros. Avant cela,  » le fabuleux destin de Vincent Kompany  » est ressorti à toutes les sauces. Depuis ses premières minutes disputées avec l’équipe A d’Anderlecht au Rapid Bucarest le 30 juillet 2003 lors d’un tour préliminaire de Ligue des Champions, Vince enchante tous les amateurs du football belge et pas seulement. Rapidement, les gros calibres du foot européen frappent à la porte, Sir Alex Fergusson va même jusqu’à se déplacer en personne pour visionner celui que l’on présente comme le plus grand talent du continent (Cf. le journal italien, Tuttosport). Et puis, le ket a quelque chose dans la caboche, c’est une évidence. Parfait bilingue, ses discours dépassent souvent le cadre du pénalty/corner. Comme au soir du 26 janvier 2005 où il remporte le Soulier d’Or avec une avance record, et dont tout le monde souligne la justesse du discours, dans lequel sont remerciés sa famille et ses amis du quartier Nord de Bruxelles.

Mens sana in corpore sano colle à la vareuse des Mauves, comme à l’image de Kompany ; l’emballement n’en est que plus grand. Les médias se jettent sur cette proie rêvée. Yvon Verhoeven, assistant aux affaires sociales à Anderlecht, a géré l’agenda du joueur après qu’il a reçu la godasse dorée :  » Il était devenu le gendre idéal. La médiatisation autour de son nom était hallucinante. Bien plus que l’ont été d’autres Souliers d’Or d’Anderlecht comme Mbark Boussoufa, par exemple. Les demandes arrivaient de partout. Mais il était déjà très mature et savait qu’il ne fallait pas s’éparpiller. Faire partie de jury de Miss Belgique ou de Miss Travesti ( sic), ça ne l’intéressait pas…  »

La suite sur le terrain mauve reste rose, même si ses erreurs, notamment ses prises de risque, sont plus soulignées qu’auparavant. Sa personnalité est davantage critiquée aussi. Timmy Simons, chez les Diables, ou Yves Vanderhaeghe, au Sporting, n’hésitent pas à mettre le doigt sur une certaine forme de nonchalance ; parmi les griefs de l’époque, déjà ces fameux retards aux entraînements…

Toutefois, Vince reste The Prince. Fin 2005-2006, il est sacré une deuxième fois champion avec Anderlecht même si son élan est pour la première fois sérieusement brisé. Victime d’une blessure à l’épaule, il loupe quasi la totalité du second tour. Mais c’est en Allemagne que cela se gâte véritablement. Une blessure au tendon d’Achille l’écarte des terrains pendant huit mois. Sa première saison en Bundesliga est un bide. La deuxième l’épargne davantage des ennuis physiques, Kompany dispute 22 rencontres sans pour autant faire l’unanimité. Sa relation avec le coach, Huub Stevens est pour le moins tendue. Kompany reçoit même huit jours de repos pour raisons psychologiques en avril 2008.  » Lui permettre de ne pas s’entraîner, c’est le meilleur moyen pour lui de vider sa tête « , déclare le coach batave. Quelques mois plus tôt, en novembre 2007, Vincent avait vécu un drame avec la perte de sa mère. Son rendement en prend logiquement un coup.

Dans son livre éponyme, Huub Stevens écrira :  » Le Belge a eu pendant de longs mois des problèmes à gérer, que ce soit d’un point de vue privé ou physique. Je dois dire qu’il a toujours eu ce désir de prester ; pour cela : respect. Mais ça ne fonctionnait pas et il n’entraînait pas que lui vers le bas, mais aussi toute l’équipe. C’est pourquoi, j’ai dû l’écarter du onze de base. « 

Le chroniqueur flamand, Hugo Camps rappelait dernièrement dans un billet d’humeur dans De Morgen cette conversation avec Rafael van der Vaart, ex-coéquipier de Kompany au HSV, aujourd’hui au Real Madrid :  » On l’appelait le Professeur. Toute l’équipe était heureuse qu’il s’en aille. En comparaison avec Kompany, Kaká et Cristiano Ronaldo sont des types normaux…  »

L’image d’Epinal a laissé place à celle d’un personnage plus complexe

La page Hambourg a sérieusement écorné l’image de Kompany. Son départ du club hanséatique était devenu inéluctable et a eu lieu sur fond de Jeux olympiques. Petit rappel : le joueur était allé au clash avec la direction du HSV en plein tournoi olympique. Après avoir été exclu face au Brésil lors du premier match des poules, il avait été rappelé par son club. Mais Kompany avait adressé en réponse une fin de non recevoir à son club, qui menaça l’Union belge de demander des dommages et intérêts. La Fédération se désolidarisa alors de son joueur qui rentra en Europe.

En Belgique, certains louèrent son  » amour de la nation « , d’autres son côté machiavélique : tout ce ramdam aurait été manigancé dans le seul et unique but d’obtenir un transfert,… qui interviendra d’ailleurs quelques jours plus tard après son retour en Allemagne.  » Ce que je peux affirmer, c’est que Vincent avait vraiment envie de rester aux JO, rien d’autre. Il était heureux d’être là avec les autres, ce n’était pas du show « , rappelle le coach des Espoirs et des olympiques, Jean-François de Sart.

Depuis son épisode allemand, une partie de la presse a modifié son traitement envers l’ex-Soulier d’Or. L’image d’Epinal de ses débuts a laissé place à celle d’un personnage plus complexe. Het Nieuwsblad l’a même placé dans son top 10 des Bad Boys du football belge aux côtés d’autres grands truands comme SébastienPocognoli ou Marouane Fellaini. Un Bad Boy dont les principaux faits et gestes sont les retards répétés… Des Bad Boy niveau Jupiler League en comparaison avec les Wayne Rooney, StevenGerrard, Jermaine Defoe, et consorts qui font le bonheur des tabloïds anglais pour des frasques autrement plus spectaculaires.

Arrogant et je-m’en-foutiste ?

De son mètre 90, Kompany donne parfois l’impression de toiser l’assemblée. Vince le dédaigneux ?  » On le dit parfois froid. Je crois plutôt que s’il met de la distance avec son interlocuteur, c’est pour se protéger « , explique Verhoeven.  » Sur le terrain, il savait ce qu’il voulait. A 14 ans, il n’hésitait pas à donner son avis sur la tactique, il a toujours été une forte tête. Mais ce n’est certainement pas une mauvaise chose.  »

 » Vincent est quelqu’un de très intelligent. Et sportivement, il s’est très vite rendu compte qu’il était plus fort que tout le monde « , explique Pär Zetterberg, qui a joué avec Kompany à ses débuts chez les pros.  » Il était rarement d’accord avec les critiques qui lui tombaient dessus, il était plutôt têtu, mais il avait souvent raison. C’est vrai, il n’avait peur de personne, il se savait très fort. Tu le mettais face aux meilleurs joueurs du monde, il n’en avait rien à foutre. Si j’avais pu avoir la même confiance si jeune…  »

 » C’est une vraie personnalité « , renchérit Frankie Vercauteren, son coach à Anderlecht lors de la saison 2005-2006.  » Il lui arrivait de venir me trouver dans les vestiaires et de me faire part de sa vison des choses. Quand il rentre quelque part, il a cette faculté à se faire écouter par l’assemblée.  »

Et sur le terrain ça donnait quoi ? De Sart :  » Je n’ai jamais eu un seul souci avec lui, que ce soit durant le stage à Malte en mai 2008 ou lors des JO, où malheureusement je n’ai pu bénéficier longtemps de son apport. Bien au contraire, on voit directement que c’est quelqu’un d’appliqué, qui invite les autres à faire de même. Il montrait l’exemple, était souvent en tête du groupe lors des différents exercices. C’est sans conteste un leader, pas quelqu’un qui gueule mais, qui en est un grâce à ses qualités, son engagement. Si aujourd’hui, la Belgique est à la recherche de personnalités fortes, c’est vers lui qu’il faut se tourner, comme vers ThomasVermaelen ou Nicolas Lombaerts. Kompany aime prendre ses responsabilités.  »

Bertrand Crasson a côtoyé Kompany à Anderlecht en Réserve :  » Je ne crois pas qu’il soit je-m’en-foutiste. A la salle de sport où je me rends, je l’ai revu plusieurs fois. Je peux vous dire qu’il s’entraînait tout seul comme une bête. Je n’explique pas le phénomène général de la nouvelle génération qui se croit trop vite arrivée. Quand tu les entends parfois, tu as l’impression qu’ils jouent depuis dix ans au Real alors qu’ils viennent seulement de remporter le championnat. Kompany, je crois par contre qu’il a cette humilité nécessaire.  »

Retards éternels ?

C’est le sujet qui fâche Advocaat aujourd’hui. Et qui ne date pas d’hier :  » C’est vrai que la ponctualité, cela n’a jamais été son fort « , se rappelle Verhoeven.  » Il m’en a fait voir de toutes les couleurs. Les entraîneurs qu’il a eus chez les jeunes d’Anderlecht me disaient que c’était déjà le cas petit. « 

 » J’ai connu de petits accrocs avec lui sur ce point « , explique Vercauteren.  » Son premier match en Réserve sous mes ordres, il l’a passé sur le banc à cause d’un retard. Maintenant, la solution c’est de l’aider, pas de l’accuser. Le faire, c’est ridicule. « 

 » Qu’il soit arrivé deux fois en retard en équipe nationale, c’est inadmissible « , estime Crasson.  » À Anderlecht, il était réputé pour avoir des problèmes de réveil même si d’autres, comme AhmedHassan, n’étaient pas en reste. Qu’il ait été exclu de la sélection, c’est logique. On respecte les règles ou on dégage, c’est la norme pour tout le monde.  »

A Manchester, on en pense quoi ?

Quand on évoque un quelconque manque de professionnalisme, outre Manche, on tombe plutôt des nues. Kevin Parker, président de supporters de Manchester City :  » Quand j’ai lu l’article du renvoi de Kompany de la sélection belge, j’ai été estomaqué. Chez nous, il a l’image du parfait professionnel, d’un type loyal qui ne cherche pas les problèmes et qui se donne à 100 %. Ce n’est pas du tout une starlette. Les fans ont été très heureux qu’il resigne pour cinq ans, on sait que si on veut bâtir une grande équipe ça passera par des gars comme Kompany. Le fait qu’il ait été suivi par le Barça prouve ses qualités.  »

Parker n’est pas le seul à penser du bien de leur Belge. Une ballade sur le forum des supporters de City, bluemoon-mcfc. co. uk, démontre que Vinnie (son surnom) a plutôt la cote. En lisant 22 pages le concernant, rien de négatif à son sujet mais plutôt :  » Kompany était un guerrier l’an dernier. Malgré la douleur (voir cadre), il a su nous sortir de l’ornière  » ( Hongkong bluey) ou  » J’adore Kompany. C’est un super joueur qui semble être quelqu’un de bien en dehors des terrains.  » ( Skelpomike).

Côté journalistes, c’est la même chanson.  » J’ai eu l’opportunité de le rencontrer plusieurs fois. C’est quelqu’un d’indiscutablement intelligent. Il est ouvert au dialogue et passe pour quelqu’un de très sérieux « , affirme Ian Cheeseman, qui suit City pour la BBC.  » Ce qui s’est passé avec votre équipe nationale m’a surpris. Ici, il n’a jamais été mêlé à des problèmes disciplinaires ou de ponctualité. C’est quelqu’un de pro et de respecté par le vestiaire.  »

Carrière en branle ?

Mais malgré ce soutien des supporters et de la presse, Kompany n’est plus indiscutable depuis qu’il a repris en octobre après une opération à l’orteil en fin de saison dernière. Mis à part à Birmingham (0-0) où il a remplacé Kolo Touré 90 minutes durant, il doit se contenter du banc des remplaçants. Le nouveau bail de cinq ans qu’il vient de signer et son salaire (d’après les sources anglaises : 50.000 livres – environ 55.000 euros – par semaine) le placent toutefois parmi les pions importants de l’effectif.

 » Il ne peut plus être assuré d’une place de titulaire « , avance Cheeseman ( BBC).  » Malgré les récents résultats décevants, City est en train de construire quelque chose de grand et personne n’a la certitude d’être dans le onze, à l’exception du gardien Shay Given. Même pas Adebayor, ni Robinho. Le fait qu’il puisse évoluer comme arrière central ou comme milieu défensif joue en sa faveur. Même si je reste persuadé qu’il a trop de qualité dans son jeu, et notamment au niveau de son passing, pour ne penser qu’à l’aspect défensif et donc se coltiner le poste d’arrière central. Je le trouve bien meilleur que Nigel De Jong au niveau de la relance, même si ce n’est pas l’avis de Mark Hugues puisque Kompany est barré par le Hollandais actuellement. Toute proportion gardée, je le vois comme un FranzBeckenbauer devant la défense.  »

A 23 ans, Kompany ne connaît toutefois pas la trajectoire que d’aucuns lui prédisaient à ses débuts. Zetterberg :  » Même si City, c’est déjà pas mal, je le voyais plutôt jouer pour une équipe du top de l’Espagne. C’est le gars le plus doué avec lequel j’ai joué à Anderlecht. Seul Romelu Lukaku me semble capable d’atteindre un tel niveau si jeune.  »

 » Pour que Vincent puisse passer encore un palier, il faut qu’il soit présent tout le temps « , affirme Vercauteren.  » Autrement dit, qu’il ne soit pas chaque année ennuyé par des blessures. Et si c’est le cas, qu’il prenne le temps de revenir, et non pas de prendre une piqûre à droite ( voir cadre), une piqûre à gauche…  »

thomas bricmont

En comparaison avec Kompany, Kaká et Cristiano Ronaldo sont des types normaux… (van Der Vaart)

Il était rarement d’accord avec les critiques, il était plutôt têtu, mais il avait souvent raison. (Zetterberg)

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