B comme Belgique et Bosnie

Sport/Foot Magazine était à Nice, au tirage au sort des poules éliminatoires de l’Euro 2016.

La Côte d’Azur dans toute sa splendeur hivernale. Soleil qui réchauffe les façades, lunettes de soleil de retour et nuits fraîches de saison. Autre cliché de rigueur : la moyenne d’âge de l’avion qui nous amène de Bruxelles. Les retraités fortunés se sont manifestement donné le mot et ont décidé d’aller profiter des charmes de la French Riviera. A moins que ce soit le carnaval de Nice, un des plus renommés d’Europe qui les attire. Ce samedi, les chars sont de sortie et les confettis recouvrent toutes les rues du centre de Nice.

Un peu plus loin, sur la promenade du Paillon, on retrouve Christian Estrosi, maire UMP de la ville, qui s’est échappé du défilé et qui n’en finit plus de serrer des pinces, campagne électorale oblige. On en profite pour lui demander si sa ville est prête pour le lendemain.  » On remet ça avec un jour de carnaval en plus.  » Il n’a pas compris qu’on voulait parler du tirage au sort de l’Euro 2016 qui a lieu ce dimanche dans sa ville.

Car, à Nice, le lancement de la grand-messe du football européen, vitrine éclatante de la France, se fait en toute discrétion. Est-ce une idée de l’UEFA d’avoir opté pour le week-end de la bataille des fleurs du carnaval pour égayer les pontes ou est-ce totalement fortuit ? Toujours est-il que le carnaval éclipse totalement le tirage du lendemain. Pas un mot dans le journal Nice-matin du samedi. Et quand on pose la question aux habitants, c’est à peine s’ils savent que l’Acropolis, sorte de palais des expositions de Nice, servira d’écrin au show de Gianni Infantino, maître des cérémonies de l’UEFA.

 » Wilmots peut rentrer dans la légende d’une nation  » (Thomas Ravelli)

Par contre, au Méridien, hôtel qui borde la célèbre Promenade des Anglais, on connaît parfaitement le programme du dimanche. C’est là que logent toutes les délégations et le personnel de l’UEFA. Le lobby de l’hôtel grouille de visages connus. A une petite table, Jean-Marie Pfaff, croisé déjà dans le vol du matin, sirote un café.  » Cela fait toujours plaisir qu’on pense aux anciens. Cela prouve que j’ai quand même une place dans l’histoire du foot. Et à travers moi, c’est toute l’école des gardiens belges qui est mise à l’honneur.  »

Louis Van Gaal se trouve un peu plus loin.  » Les Belges ? No comment.  » Est-ce un signe de la légendaire arrogance batave ou une frustration de ne pas se trouver aujourd’hui à la tête d’une des équipes les plus convoitées d’Europe ? L’entraîneur de la sélection néerlandaise ne voudra en tout cas pas donner son avis sur nos Diables Rouges. Par contre, autre gardien de légende invité à effectuer le tirage au sort aux côtés de Pfaff, Rinat Dasaev, Andreas Köpke, Hans Van Breukelen, José Angel Iribar, Pat Jennings, Antonios Nikopolidis, Peter Schmeichel, Jan Tomaszewski, Ivo Viktor et Dino Zoff, Thomas Ravelli se montre loquace sur nos Diables :  » Vous avez l’équipe que tout entraîneur rêve de coacher. En termes de carrière, on sait qu’avec une telle génération, on risque de rentrer à jamais dans l’histoire et la légende d’une nation. Marc Wilmots a bien de la chance.

Et si j’étais à sa place, je ne quitterais pas de sitôt cette sélection promise au plus bel avenir. S’il réussit une bonne Coupe du Monde et, dans la foulée, un bon Euro, toutes les portes des grands clubs lui seront ouvertes. J’apprécie particulièrement les deux gardiens. Thibaut Courtois, c’est le top absolu. Vous voyez tous les gardiens invités ce dimanche pour effectuer le tirage ? Il fait clairement partie de ce lot. Il est l’égal de Zoff, Dasaev ou Schmeichel. Mais j’aime aussi Simon Mignolet. C’est un gardien qui a bien évolué en Angleterre et même s’il a connu une baisse de régime autour des fêtes, il a l’étoffe d’être numéro un. Dommage pour lui qu’il soit tombé sur un extra-terrestre.  » Zoff, croisé à la sortie de l’Acropolis, en rajoute une couche :  » Courtois est un excellent gardien. Il a tout. Il est complet : vision, réflexes, détente et rapidité.  »

 » Je voulais surtout éviter la Belgique  » (Roy Hodgson)

Et comme dans tout tirage au sort, il y a les bons et les mauvais tirages. Chacun a son avis.  » Il faut absolument éviter l’Allemagne et l’Espagne « , clame le président de l’Union Belge, François De Keersmaecker la veille du tirage.  » J’espère qu’on ne va pas retrouver la Serbie car c’est une équipe en devenir. Ni des pays compliqués pour les déplacements comme l’Arménie ou… Andorre. Il faut passer les Pyrénées « , ajoute le président de la Commission Technique, Philippe Collin. Le lendemain pourtant, le fait qu’Andorre apparaisse dans le groupe B de la Belgique n’empêchera pas Philippe Collin de dormir, rassuré par un tirage clément qui nous offre la Bosnie, le Pays de Galles, Israël, Chypre et donc Andorre.

Cependant, malgré le fait d’avoir hérité du pot 2 (et non pas du statut de tête de série comme à la Coupe du Monde, la faute à une différence de critères), fini de craindre ces tirages ! Au sommet de l’Union Belge, on apparaît serein, la veille du tirage. Le format du prochain Euro n’y est certainement pas étranger. Finir dans les deux premiers, avec encore un barrage pour les troisièmes, paraît largement dans les cordes des Belges. Car, pour la première fois de son histoire, l’Euro 2016 comprendra 24 équipes, soit huit de plus qu’en Pologne et Ukraine.

Mais, outre le format qui nous offre une meilleure chance de qualification, l’Union Belge est désormais consciente de son statut. Sans pour autant se pavaner.  » On doit se reposer sur nos propres forces et je pense que beaucoup de pays craignent désormais la Belgique « , résume le président fédéral.

Le tirage au sort ne fait que confirmer les dires de la délégation belge.  » J’aurais voulu éviter la Belgique mais c’est comme cela « , dit, fataliste, Chris Coleman, sélectionneur du Pays de Galles.  » Jusqu’au dernier chapeau, j’étais très satisfait du tirage « , ajoute Safet Susic, l’ancien médian élégant du PSG, aujourd’hui sélectionneur de la Bosnie.  » Je pense que la Belgique est favorite de ce groupe et ce n’est pas d’aujourd’hui que je tiens cela. Cela fait maintenant plusieurs années que je dis qu’il faut s’en méfier. Pour moi, il s’agit clairement d’une des meilleures équipes pas seulement d’Europe mais également du monde.  » Un compliment mais également une belle manière de rejeter la pression sur les Belges.

Quant au sélectionneur d’Israël, Eli Guttman,il ajoutait sur le site de l’UEFA,  » qu’il était ravi jusqu’à ce que sorte le nom de la Belgique.  » Mais ces propos trouvaient également écho auprès de sélectionneurs d’autres cadors. Roy Hodgson, sélectionneur de l’Angleterre qui a hérité de la Suisse dans le pot 2 nous a affirmé :  » Je voulais surtout éviter la Belgique, nation montante, dont je peux apprécier les prouesses de ses joueurs chaque semaine en Premier League.  » Quant à Cesare Prandelli, le sélectionneur italien, qui est tombé sur la Croatie, il ajoutait :  » Franchement, votre génération est fabuleuse. Même nous, en Italie, on ne dispose pas d’un tel réservoir de talents. Ce qui nous permet d’avoir une longueur d’avance sur la Belgique, c’est l’expérience. Basta. Il suffit de voir les derniers éliminatoires pour comprendre que je préfère rencontrer la Croatie, nation qui sera pourtant compliquée à affronter, que la Belgique.  » Martin O’Neill, sélectionneur de l’Irlande, qui a hérité de l’Allemagne, de la Pologne, de l’Ecosse, de la Géorgie et de Gibraltar, concluait non sans humour :  » Soit on échange le groupe, soit on échange l’équipe ? « .

Devant la presse belge, Wilmots se montre, lui, satisfait et conquérant, voulant viser la première place. Il reste plus prudent devant la presse galloise.  » Le groupe est ouvert et beaucoup de choses vont dépendre du début des éliminatoires et de comment la Bosnie et nous allons digérer la Coupe du Monde.  »

La cérémonie est finie, Nice peut retourner à son carnaval. Les officiels et membres des délégations repartent dans leur hôtel, un colis de macarons Ladurée sous le bras. De quoi se donner envie de revenir en France dans deux ans…

PAR STÉPHANE VANDE VELDE À NICE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Soit on échange le groupe, soit on échange l’équipe.  » Martin O’Neill, sélectionneur de l’Irlande

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire