» Avec moi, c’est droit au but « 

Marc Wilmots l’annonce proche d’une sélection alors que la Ligue 1 est sous le charme. Rencontre avec celui qui brille au sein d’un Monaco très ambitieux.

Samedi 12 octobre. Nombreux sont les Belges qui se sont réveillés avec la gueule de bois ; celle que l’on digère assez facilement tant la soirée de la veille fut délicieuse. Le succès des Diables en Croatie, qui officialisait la présence de la bande à Wilmots au Brésil en juin prochain, avait naturellement éclipsé celui de nos Espoirs en Irlande du Nord (0-1). Elément clef de nos -21, le  » Monégasque « , Yannick Ferreira Carrasco est reparti de Belfast avec du jaune pour rouspétance après un tackle assassin sur Jordan Lukaku non sanctionné. Un carton qui privait notre Belgo-Ibérique du duel de lundi face à l’Italie.  » Je suis évidemment déçu de ne pas pouvoir aider les potes. En Espoirs, je joue avec des joueurs qui ont beaucoup de talent. C’est le futur des Diables qui se retrouve ici.  »

Quelle fut ta réaction quand Marc Wilmots a déclaré récemment que tu étais proche d’une première sélection ?

Content, tout simplement. Ça prouve que je suis sur la bonne voie…

La prochaine étape, c’est donc les Diables ?

J’ai deux objectifs : me qualifier avec les Espoirs pour l’Euro 2015 et accompagner les Belges au Brésil en juin prochain.

Ambitionner de faire partie des 23 au Brésil, est-ce faire preuve d’arrogance ?

Non, pas du tout. Je rêve simplement de franchir les échelons. C’est comme ça que l’on progresse. Je bosse pour en tout cas. Que ce soit avec mon club, Monaco, ou avec les Espoirs.

Le sélectionneur t’a déjà appelé ?

Non, jamais. J’imagine que ça arrivera le jour où il aura décidé de me sélectionner. L’année dernière, il m’est arrivé de rencontrer à Monaco des scouts de la Fédération. Mais pas cette saison.

Le fait que les Diables brillent sur le terrain et donnent l’impression d’être très unis en dehors joue-t-il en défaveur de ceux frappant à la porte et rêvent d’intégrer la sélection ?

C’est évident qu’il y a beaucoup de qualités actuellement au sein des Diables alors que d’autres talents ne sont pas sélectionnés et je ne parle pas que de moi. La concurrence est réelle et c’est une très bonne chose pour le coach.

On raconte que le Portugal et l’Espagne se sont intéressés à toi ?

C’est normal : ma mère est espagnole et mon père portugais. Mais j’ai toujours joué pour la Belgique. C’est donc une évidence pour moi de rêver des Diables et de la Coupe du Monde.

En France, on parle de la Belgique ?

Enormément. On me demande souvent comment peut-on avoir une équipe aussi forte alors qu’on est un si petit pays ? Mais ce ne sont pas les résultats positifs récents qui doivent avoir une influence sur ton désir ou non de porter le maillot des Diables. Quand ça n’allait pas, je suis sûr que les joueurs étaient quand même fiers de jouer pour leur pays. Il faut être conscient de ce qu’une sélection représente.

Falcao et Moutinho

On t’avait rencontré en juin dernier quand les premières grandes stars étaient annoncées du côté de Monaco. A la question  » As-tu peur de la concurrence « , tu nous avais répondu :  » Si c’était le cas, ça voudrait dire que je n’aurai jamais le niveau pour évoluer dans un grand club.  » Tu es si sûr de tes qualités ?

Non, mais la concurrence, ça fait pas partie du foot pro et il faut l’accepter. Et il faut toujours croire en tes qualités.

A l’entraînement, tu ne t’es jamais dit que ça allait être compliqué avec autant de grands joueurs autour de moi ?

J’étais certain d’une seule chose : en côtoyant tous les jours aux entraînements des joueurs comme Falcao ou Moutinho, j’allais progresser.

D’après les échos qu’on a reçus, tu n’es pas du genre à te cacher dans un groupe.

Je parle avec tout le monde, je suis très sociable, j’aime bien rigoler, j’ai toujours été comme ça. Je suis quelqu’un de simple, qui aime s’amuser et qui aime la vie. Et puis, j’ai l’avantage de connaître quatre langues (français, néerlandais, espagnol, portugais), ce qui me permet de m’exprimer avec tous les joueurs. Et puis tout le groupe à Monaco est très uni, c’est ce qui fait notre force au-delà des grosses qualités individuelles. Dès le stage, j’ai compris qu’on avait un chouette collectif. Ce n’est pas parce qu’on s’appelle Falaco qu’on n’aime pas rigoler.

Es-tu surpris de ton début de saison ?

Vu que l’équipe joue bien, c’est plus facile pour un joueur offensif comme moi de s’exprimer. Pour l’instant, ça tourne, l’équipe va de l’avant. C’est parfait. Aujourd’hui, je me laisse aller et je ne me pose pas de questions. Je suis d’un naturel insouciant, j’ai toujours été comme ça. Ça se voit même dans mon jeu, sur un terrain je suis libre. Je prends les choses comme elles viennent. Sur le terrain, comme en dehors.

Un journaliste de l’Equipe t’a décrit comme un provocateur, un dribleur, mais avec toujours ce désir d’aller vers l’avant. Es-tu d’accord avec ce constat ?

Oui. Mon jeu : c’est droit au but. Et prendre des risques sur le terrain. Et si ça ne marche pas une première fois, je réessaie. Ma vitesse et ma technique en mouvement ont été ma force depuis tout petit.

Dans quels domaines as-tu évolué ?

Défensivement surtout. Notre coach italien, Claudio Ranieri, est très tactique. Il m’a énormément fait évoluer au niveau du replacement.

Dois-tu encore prendre de la masse musculaire dans un foot français réputé athlétique ?

Je dois peut-être encore me développer physiquement mais ça ne doit pas se faire au détriment de ma vitesse. Et puis, je n’ai jamais eu peur d’aller au contact sur un terrain. Dans le foot, si on a peur, on se fait marcher dessus.

Monaco vices

Tu es au club depuis quatre ans. Quel fut ton premier souvenir de Monaco quand tu es arrivé à 16 ans ?

C’était beau. Le soleil, le paysage, le club. Tout. Et pourtant, la première année a été difficile. La mentalité est très différente de la Belgique. J’avais signé un contrat pro et je devais logiquement évoluer dès les premiers mois avec la CFA mais je me suis retrouvé sur le banc avec les -19 ans. J’étais tout seul dans un appartement que l’on venait visiter toutes les semaines pour vérifier si je ne cachais pas de sucreries et autres. Nabil Dirar a été comme un grand-frère pour moi quand il a débarqué au club. Il m’a beaucoup aidé dans mon intégration, dès mes premiers entraînements en pro, et je restais tout le temps avec lui. Ce qui est marrant, c’est qu’on a tous les deux joué à Diegem, je me rappelle encore de lui quand il évoluait avec l’équipe première. Et puis, on a aussi le même coiffeur, c’est là que j’avais discuté avec lui de mon transfert avant que je ne signe à Monaco…

Comment un joueur fait-il pour se concentrer uniquement sur le foot dans un environnement comme Monaco ?

C’est évident qu’il y a beaucoup de vices à Monaco. C’est un endroit qui peut faire perdre la tête à pas mal de footballeurs. Mais j’étais bien encadré, que ce soit par ma famille où les éducateurs du club. Et puis, je n’ai toujours eu que le foot en tête et ce depuis tout petit. J’ai l’objectif de réussir. Je suis né avec un ballon et j’ai toujours voulu être le meilleur. Mes parents sont divorcés et j’ai grandi avec ma mère. Vu que j’étais l’aîné, et donc l’  » homme  » de la famille, j’ai toujours aimé être un leader, par ma position et les choix que j’ai été amenés à faire. Je suis parti très tôt à l’étranger. J’y ai beaucoup mûri mais je continuais à avoir un regard sur mes deux frères et ma soeur.

Tu es, paraît-il, très proche de ta mère…

Ma mère, c’est tout pour moi. C’est la femme de ma vie. Quand j’ai signé à Monaco, je n’avais qu’une exigence, ce n’était pas l’argent mais dix billets aller-retour pour que ma mère puisse venir me rendre visite. Aujourd’hui encore, je l’appelle régulièrement et j’essaie de revenir en Belgique le plus souvent possible pour la voir. J’ai une grande famille qui est très unie.

Comment t’es-tu retrouvé dans un premier temps à Genk en provenance de Diegem ?

Il y avait plein de clubs en Belgique qui voulaient me faire signer. Mais je trouvais que Genk était le club le mieux structuré que ce soit au niveau de l’école, de la famille d’accueil avec qui j’ai gardé contact ou d’un point de vue infrastructures. Et tout se passait très bien d’ailleurs. Je devais normalement intégrer l’équipe première de Genk. Frankie Vercauteren m’avait appelé pour me dire que j’allais rejoindre les A en stage. Mais quand Monaco s’est présenté, j’estimais que ce genre de club allait me permettre de franchir un palier encore plus vite. D’autres clubs étrangers, espagnols notamment, étaient également intéressés par mes services.

Bling Bling

Comment te décrirais-tu ?

Ma force, c’est la volonté d’avancer. On peut être satisfait d’un match mais il faut toujours avoir l’objectif de progresser. C’est essentiel si l’on veut réussir au plus haut niveau. Et j’en suis encore plus convaincu depuis que je joue avec de grands joueurs. Le foot, c’était tout pour moi depuis petit. Quand je jouais à Genk un match le samedi, je rentrais voir mes potes pour jouer avec eux le soir. Je jouais aussi au mini-foot. Encore aujourd’hui, lors de congés, je vais jouer avec mes potes au parc, à la cité de Vilvorde. Je n’ai pas encore le besoin de me reposer.

Tu aimes revenir à Vilvorde où tu as grandi ?

Bien sûr. Je retrouve ma famille, mes amis, mes racines. Ils sont essentiels à mon équilibre.

On peut t’imaginer dans le futur adopter le look monégasque avec des dehors bling bling ?

Tout le monde aime les belles voitures, tout le monde aime les beaux vêtements mais il faut savoir quand tu peux te faire plaisir. Quand tu commences à gagner un peu d’argent, il faut d’abord penser à bien l’investir. C’est pourquoi tout footballeur doit être bien conseillé.

Comment gères-tu la pression médiatique, le public, le fait de jouer face à d’énormes stars du foot international comme lors du match au Parc des Princes face au PSG récemment ?

Quand je suis sur le terrain, je ne pense pas une seule seconde à cela. Je joue mon jeu, c’est tout. Ce n’est qu’avant de monter sur la pelouse, que je prends conscience de ce qui m’attend, des stars que je vais affronter.

Quels sont les objectifs de Monaco cette saison ?

Finir le championnat dans le top 3 et donc de jouer la Ligue des Champions l’année prochaine.

Le fait que l’ASM dispose aujourd’hui d’énormes moyens financiers te conforte-t-il dans ton choix de quitter la Belgique il y a quatre ans ?

Monaco a toujours été un grand club. Ce n’est pas parce que le club a connu deux ans la L2 que son histoire s’effaçait. De très grands joueurs sont passés par Monaco ou sont sortis du centre de formation. Jamais je n’ai regretté de signer pour l’ASM.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui voudraient suivre ta trajectoire ?

C’est un milieu très difficile. Et il ne faut donc rien lâcher. Il faut aussi être à l’écoute des anciens. Aujourd’hui, ça me fait plaisir de pouvoir donner des conseils aux plus jeunes et même si je ne suis pas très vieux. Mais si je n’ai qu’une chose à leur dire, c’est de bosser. Le travail finit toujours par payer. Il n’y a pas que le talent qui compte. J’en ai vu beaucoup qui étaient très doués mais qui n’ont pas réussi. ?

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » En France, on me demande souvent comment peut-on avoir une équipe aussi forte alors qu’on est un si petit pays ?  »

 » Il y a beaucoup de vices à Monaco. C’est un endroit qui peut faire perdre la tête à pas mal de footballeurs.  »

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