Avant stakhanoviste

par Bruno Govers

La séquence qui type probablement le mieux Jan Ceulemans, comme footballeur, est incontestablement celle d’une chevauchée fantastique dont il nous gratifia un beau jour de l’été 82 à Elche. Il ne restait guère plus d’une dizaine de minutes à jouer lors de ce match Belgique-Hongrie du 22 juin et, menés 0-1 à ce moment, beaucoup ne donnaient plus cher des chances aux Diables Rouges de se qualifier pour le deuxième tour de la Coupe du Monde, eux qui avaient absolument besoin d’un point pour réaliser cet exploit sans précédent. Mais c’était compter sans celui que l’on surnommait le Caje.

Après avoir récupéré le cuir dans le camp belge, à 70 mètres du but magyar, l’attaquant du Club Bruges y alla alors d’un déboulé magistral. Les bas baissés et le visage marqué par l’effort, le Flandrien s’engouffra à longues enjambées dans le camp adverse, évitant au passage deux tacles meurtriers d’une manière que n’aurait pas désavoué Diego Maradona en personne. Mais contrairement à l’Argentin, qui ponctua seul une phase analogue contre l’Angleterre, quatre ans plus tard, le Caje, lui ne la joua pas solo. A bout de souffle, son centre trouva Alex Czerniatynski au point de penalty et celui-ci, esseulé, fit mouche, avec les suites heureuses que l’on sait.

Si Czernia, opportuniste à souhait, était parfaitement symbolisé dans cette action, le même jugement pouvait être étendu à son pourvoyeur, tant il est vrai que sur le plan de l’engagement et du jusqu’au-boutisme, le Lierrois de formation n’a jamais eu de leçon à recevoir. C’est d’ailleurs grâce à ses qualités de battant, davantage qu’à ses aptitudes techniques que le Caje a fait son chemin dans le monde du football, au point d’être toujours, aujourd’hui, le recordman des sélections en équipe nationale avec 96 caps.

Ses débuts à ce niveau, en 1977, n’avaient pourtant pas été des plus tonitruants. Après un piètre nul contre l’Islande (1-1) à la faveur duquel le nouveau venu s’était révélé très malheureux dans ses entreprises, le président de l’URBSFA, Louis Wouters, avisa même le coach fédéral, Guy Thys, de ne plus faire appel à ce grand qui n’en touchait décidément pas une. L’entraîneur des A eut toutefois le bon goût de ne pas prêter trop d’attention à ce genre de considérations. Et bien lui en prit puisque ce même Jan Ceulemans allait être, trois ans plus tard, l’un des principaux artisans du parcours magistral signé par nos représentants à l’Europeo 80.

Dix ans après, le Brugeois était même toujours là. Tant chez les Diables Rouges que chez les Bleu et Noir, car en dépit d’offres très lucratives, de l’AC Milan notamment, le Caje est toujours resté attaché à son terroir. Il ne s’en est pas mal accommodé, eu égard au magnifique palmarès qu’il s’est forgé.

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