» Avant, on se moquait. Aujourd’hui, on est excité par les Diables »

Les journalistes français sont tombés sous le charme de notre sélection. Voici pourquoi.

« Si on gagne, ce sera une bonne et grande performance car aujourd’hui, on craint la Belgique « , résume Cherif Ghemmour, journaliste au mensuel français So Foot lorsqu’il s’agit de préfacer la rencontre amicale de ce mercredi entre la Belgique et la France, au stade Roi Baudouin.  » Je confirme : aujourd’hui, gagner en Belgique ne relève pas de la formalité « , corrobore Vincent Duluc, journaliste à L’Equipe.  » Cette année, l’équipe de France a perdu tous ses matches contre des équipes de talent, que ce soit l’Espagne, l’Allemagne, le Brésil et l’Uruguay. Or, comme la Belgique en est une, une victoire à Bruxelles serait aussi bien perçue que celle en Italie en novembre dernier.  »

Car, à la lecture des deux sélections et au vu des performances belges en Premier League, la saison passée, pas mal d’analystes français ont commencé à suivre avec enthousiasme notre sélection.  » Ça bouillonne depuis un an ou deux « , explique Duluc.  » A un moment, on se moquait de la sélection belge. Puis, on a arrêté. On a ouvert les yeux et aujourd’hui, on est excité devant cette formation. A tel point que pour beaucoup de journalistes français, la Belgique a aujourd’hui plus de chances de se qualifier pour le Brésil que nous, plus de talents individuels que nous et plus de joueurs qui ont de la chance de briller dans de grandes écuries européennes que nous. Vous en doutez ? Si Marouane Fellaini rejoint Manchester United, la France ne dispose pas d’un régulateur comme lui au sein d’une écurie comme United. On a bien Karim Benzema au Real Madrid mais il a toujours balancé entre une place de titulaire et de remplaçant. On a Raphaël Varane au Real mais vous avez Vincent Kompany à Manchester City. On a Franck Ribéry au Bayern mais vous avez Eden Hazard à Chelsea. Certes, le réservoir est peut-être plus large en France mais vous avez une somme de talents individuels supérieure à la nôtre si on s’en tient au onze de base.  »  » La France a de l’expérience, quelques talents mais n’a sûrement pas la flamme que la Belgique possède actuellement « , ajoute Thierry Marchand, journaliste à France Football.

Comment expliquent-ils notre succès ?

Et voilà donc que ces plumitifs, gavés de succès depuis 1998 avec une Coupe du Monde, un Euro et une finale de Coupe du Monde, en viennent à lorgner de plus en plus au-delà de la frontière et à jalouser nos produits régionaux. Enfin, régionaux pas vraiment.  » Car cette équipe est véritablement ce qu’on peut appeler une génération spontanée, nourrie à la formation française, néerlandaise et anglaise, et qui ne résulte pas d’un travail de fond effectué par la Fédération ou les clubs belges « , analyse Marchand.  » D’ailleurs, le championnat belge n’en profite pas vraiment. Il n’y a pas d’embellie subite.  »  » On fait véritablement la distinction entre l’équipe nationale et le championnat belge « , renchérit Ghemmour.  » Celui-ci n’est pas visible médiatiquement parlant et très compliqué à suivre avec cette formule de play-offs. De plus, les clubs belges ont disparu des compétitions européennes…  »

Par contre, ils sont conscients qu’ils risquent de devoir parler de notre sélection pendant encore quelques années.  » On assiste à l’arrivée à maturité d’une génération qu’on attendait depuis cinq ans « , analyse Marchand.  » J’avais suivi le parcours des Espoirs lors des Jeux olympiques de 2008 et j’étais persuadé du talent de ces jeunes. Je suis même surpris qu’ils n’aient pas éclos plus tôt. Je pensais déjà voir la Belgique à l’Euro 2012 « . Il a fallu pour cela qu’ils partent pour ce que les Français continuent à appeler la perfide Albion. Depuis, les Belges ont colonisé l’Angleterre.  » Il faut toujours des locomotives pour qu’un football devienne un produit d’exportation « , résume Philippe Auclair, correspondant en Angleterre pour France Football, RMC et Zonemixte.fr.  » En France, on a connu le même phénomène dans les années 90. Il a fallu attendre les réussites d’Eric Cantona, David Ginola et Thierry Henry pour voir affluer une colonie de Français. En Belgique, ce sont Vincent Kompanyet Marouane Fellainiqui ont servi de déclic. Ils ont montré que les joueurs belges avaient du talent et une capacité d’intégration remarquable. Que ce soit au niveau culturel (sans doute du fait que la Belgique est un pays multilingue et se trouve au carrefour de l’Europe) que footballistique. Vous ajoutez à cela une génération exceptionnelle et les réussites d’EdenHazard, Thomas Vermaelen, Jan Vertonghen, etc et la Belgique est devenue le deuxième pays exportateur derrière l’Espagne, la saison passée. Il faut dire que la Premier League est un championnat taillé pour ces joueurs : ils ont une très grosse présence physique et le climat ne leur pose pas de problèmes. Et ce qui est remarquable dans cette colonisation, c’est qu’on ne trouve aucun échec. Les joueurs belges ont tous réussi ! « . Le football anglais a donc boosté notre sélection.  » Maintenant que les résultats s’accumulent, on risque d’entendre parler de cette équipe pendant 10 ans, à moins que les petits cochons ne la mangent « , conclut Marchand.

Que risquent les Diables Rouges ?

Car, pour nos voisins français, le principal risque de cette sélection réside dans son inexpérience des grandes compétitions internationales.  » Certes, la Belgique va apprendre de ces grands tournois mais on ne peut pas garantir que cela va fonctionner si elle se qualifie au Brésil « , affirme Marchand.  » On ne sait pas si le succès va monter à la tête de certains. Comment les joueurs vont-ils gérer le fait de vivre ensemble pendant un mois ? L’exemple parfait demeure les Pays-Bas : ils sont les spécialistes pour gâcher leurs tournois alors qu’ils sont souvent donnés placés. Tout cela parce que les vedettes néerlandaises ne savent pas vivre ensemble.  »

 » Le plus important pour cette génération, c’est de goûter à une Coupe du Monde « , dit Daniel Riolo, journaliste à RMC.  » Après, il faut juste voir comment ils vont appréhender cette compétition.  » Car, le talent individuel ne les met pas à l’abri de l’échec collectif. Dans un grand tournoi, le niveau de fraîcheur peut faire la différence.  » La plupart de vos internationaux évoluent en Angleterre « , constate Auclair.  » Il y a beaucoup de points positifs – ils sont médiatisés et peuvent évoluer à grande vitesse – mais il y a aussi le revers de la médaille : La saison de Premier League est la compétition la plus usante de toutes. Les titulaires se tapent 38 matches de championnat, la Coupe d’Europe, la Cup. Ils vont arriver sur les rotules. La saison passée, Juan Mata a disputé plus de 70 matches ! Cependant, la France a gagné l’Euro 2000 avec beaucoup de joueurs évoluant à l’époque en Angleterre.  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » On risque d’entendre parler de cette équipe pendant 10 ans.  » (Thierry Marchand)

 » Ce qui est remarquable dans la colonisation belge en Angleterre, c’est qu’il n’y a aucun échec !  » (Philippe Auclair)

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