» Avant, nos joueurs se frappaient dessus en semaine ! « 

Lokeren veut profiter de sa victoire en Coupe pour augmenter son budget. A terme, il pense agrandir son stade. Le club et la ville se sont rencontrés la semaine dernière à ce propos.

Vous êtes-vous déjà remis de la victoire en Coupe ?

Roger Lambrecht : Je n’ai pas exagéré. A 80 ans, même boire un verre de trop devient difficile. Il y a longtemps que je ne descends plus des chopes ! Le moment a été très émotionnel. Quand un joueur est exclu aussi tôt en cours de match, on pense son rêve enterré. Gagner relève presque du miracle dans de telles conditions. C’est donc une belle récompense pour le travail réalisé. Même si j’en ai accompli la plus grande partie, c’est Peter Maes et Willy Reynders qui ont composé cette équipe. Vous connaissez notre situation : avant, deux Willy ont collaboré, Reynders et Verhoost, mais cela n’allait pas. Reynders s’est tu jusqu’au départ de l’autre. Il s’est alors épanoui. Il a préparé sa nouvelle liste. Je l’ai évidemment prévenu de la rendre aussi peu coûteuse que possible. Fevang et Deekman s’en vont, nous cherchons toujours une solution pour De Roover, un brave gars mais il est aussi le plus cher du club alors qu’il ne joue plus. Willy a six ou sept noms. Remacle, Schouterden… Nous verrons s’ils se retrouvent sur le marché et s’ils sont abordables.

Ne regrettez-vous pas de vous être fixé longtemps sur le marché africain ?

Nous avons vécu une mauvaise saison il y a trois ans et avons analysé nos erreurs. On s’est laissé influencer par les gens qu’on croise au quotidien. Nous avons réalisé qu’il fallait changer. Nous avions un clan d’Africains, un de Belges, un autre d’Européens de l’Est. Certains ne pensaient qu’à leur profit. Il faut du temps pour s’en rendre compte. Même si je passais au club tous les jours, je ne réalisais pas dans quel état il se trouvait. Il était impossible d’avoir une bonne équipe. Les joueurs se cassaient la figure en semaine – et étaient suspendus – mais le dimanche, il fallait qu’ils jouent ensemble, en oubliant leurs rancunes. Maintenant, c’est différent : nous avons un vrai groupe soudé.

Cette victoire en Coupe a amélioré l’image de Lokeren, non ?

Le club retrouve des perspectives, comme ses jeunes. Ils vont recevoir leur chance, c’est le boulot de Peter. Il aime développer un bon football, même si les résultats ne suivent pas immédiatement, comme en début de saison. On n’a pas entendu un mot de travers à ce moment. Quand j’étais plus jeune, j’étais plus actif et je me souviens m’être assis sur le banc à côté de l’entraîneur. Je ne le ferais plus maintenant mais je n’en ai pas besoin non plus. Peter a de la personnalité et depuis son arrivée, je ne suis plus allé dans le vestiaire. Mais Peter est parfois un peu… Je l’ai trouvé un peu trop dur envers Harbaoui. Il fallait lui accorder un crédit de temps. Enfin, c’est réglé.

Lokeren a la réputation de constituer un trafic de joueurs mais aussi d’un cimetière d’entraîneurs : quinze en l’espace de huit ans.

Il ne faut pas exagérer : certains sont partis d’eux-mêmes, comme Leekens, Muslin… J’espère que Peter restera. Imaginez qu’Anderlecht l’approche… S’il paie, je perds mon entraîneur, qu’il soit sous contrat ou non. Nous avons prolongé le sien de trois ans mais nous ne pouvons pas remettre le couvert chaque saison.

 » On veut arriver à 8 millions de budget « 

Les ténors accaparent l’attention et l’argent. Comment gardez-vous pied ?

Cela ne peut plus durer. L’écart se creuse trop. Nous possédons une structure sportive mais il faut établir une organisation générale. Ce sera ma dernière tâche. Le nouveau manager n’est pas issu du milieu du football : il essaie de rassembler des personnes qui nous permettent d’augmenter notre budget pour arriver à 9 millions. Lokeren sera alors viable économiquement, sans transferts. Notre budget est actuellement de 6 millions, c’est trop peu. 40 % provient des droits TV. Nous nous produisons devant 5 à 6.000 spectateurs, comme la plupart des petites équipes. Cela rapporte entre 750.000 et un million d’euros, soit 15 % du budget. Il y a encore le sponsoring, qui nous rapporte deux millions. Il faudrait augmenter ce département d’un million. Si la billetterie nous rapporte 1,5 million, le club sera viable. Le produit de la vente d’un joueur irait alors à notre trésor de guerre tandis que maintenant, il sert à éponger les dettes.

Une telle augmentation de budget est-elle réaliste ?

Oui. Nous y travaillons vraiment et la Coupe a attiré l’attention. Les 16.000 Bruxellois présents à la finale ne vont pas rejoindre Daknam la saison prochaine mais j’espère quand même une assistance de 7 à 8.000 personnes. Nous avons aussi des possibilités en sponsoring. Un nombre incroyable de patrons nous ont suivis à Bruxelles. Nous avons les noms et nous allons essayer d’en tirer profit.

Vos relations avec la ville sont-elles meilleures ?

Comme nous sommes proches de Beveren, j’ai longtemps menacé de m’en aller mais j’ai compris qua la ville n’avait rien. Elle nous aide comme elle peut. En l’espace de dix ans, nous avons obtenu deux terrains synthétiques. Le stade nous appartient et est estimé à huit millions, ce qui n’est pas rien. L’équipe actuelle vaut entre 12 et 15 millions. Nous sommes capables de constituer une SA.

Est-ce la prochaine étape : attirer du capital ?

Je ne suis pas éternel mais peu de gens sont prêts à investir un ou deux millions. Quand on se tourne vers des étrangers, on a affaire à des gens qui veulent gagner de l’argent, neuf fois sur dix. La plupart dépendent de managers. Or, ceux-ci ne travaillent pas nécessairement dans l’intérêt du club. Si je me résous à ce pas, les investisseurs devront accepter d’être initialement minoritaires, maximum 49 % des parts. Je veux rester le patron jusqu’à ce que je sois sûr de leur volonté de travailler pour le club. Si c’est le cas, ils peuvent l’avoir demain.

Allez-vous investir dans le stade ?

C’est impossible pour le moment. Le bourgmestre et moi sommes d’accord sur un point : il faut obtenir de toute urgence le permis de vendre des parties du stade, à concurrence du prix de la construction. Si le club doit investir lui-même dans les pierres, il n’en sortira jamais. Les plans sont prêts pour 3 à 4.000 places assises supplémentaires derrière le but, à condition de pouvoir construire des appartements. Or, actuellement, ce terrain est situé en zone récréative. Il faut donc en modifier la fonction. La ville a donné son accord mais doit introduire une demande à Gand. A ce moment, nous pourrons construire un home pour seniors. C’est un secteur porteur qui financera le stade.

Pourrez-vous jouer la Coupe d’Europe à Lokeren ?

Non. Le Heysel constitue la meilleure solution. L’UEFA interdit les places debout et sans elles, nous ne pouvons pas accueillir grand monde. Installer des sièges avec dossier représente un effort d’environ 130.000 euros. C’est possible mais imaginez que nous tirions Tottenham et qu’il demande des billets : où allons-nous caser tous ces gens ?

PAR PETER T’KINT

 » J’espère que Peter Maes restera, mais imaginez qu’Anderlecht l’approche… « 

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