» Avant, je regardais Henry. Maintenant, j’observe Kompany « 

Le Racing Genk livre à nouveau une saison mi-figue mi-raisin mais chaque semaine, Christian Kabasele répond présent dans l’axe défensif. Il y a un an et demi, pourtant, c’est en pointe que ce jeune Belge était promis au plus bel avenir.

Christian Kabasele n’a que 23 ans mais déjà un long parcours derrière lui. Formé comme attaquant de pointe, c’est à ce poste qu’il est devenu international en équipes d’âge. Il s’est révélé à Eupen, le Standard lui a fait la cour, il a échoué à Malines puis a remporté un titre et une coupe en Bulgarie avant de revenir à Eupen, où on en a fait un défenseur central, et de partir pour Genk.  » Dans trois ans, je veux jouer dans un plus grand championnat « , dit le joueur d’origine congolaise. Et dire qu’adolescent, il était trop timide pour abandonner ses copains de Chaudfontaine et aller jouer à Eupen.

 » C’est l’école qui avait conseillé à mes parents de m’inscrire dans un club de foot parce que j’avais trop d’énergie et je n’étais pas très sociable « , dit-il.  » Avant cela, j’avais fait du karaté mais je ne comprenais pas pourquoi je devais faire mal à des enfants qui ne m’avaient rien fait.  » Eupen l’approcha lors du challenge Sljivo.  » Mais je ne voulais pas abandonner mes copains. J’ai fini par dire oui à 14 ans, notamment parce que d’autres suivaient. Heureusement d’ailleurs car presque tout le monde parlait allemand.  »

Même dans une catégorie d’âge supérieure à la sienne, Kabasele impressionnait.  » En U16, j’ai marqué 29 buts en 29 matches et j’étais capitaine alors que j’étais le plus jeune. Les entraîneurs de l’équipe nationale me suivaient, le Standard aussi. Mais j’étais trop timide pour franchir le pas et Eupen m’avait fait passer dans le noyau A.  »

Mais à cette époque, le club frontalier connaissait des problèmes financiers.  » Le club a d’abord était repris par Antonio Imborgia, l’ex-agent de Gabriel Batistuta. Tout est devenu plus professionnel et Eupen a rejoint la D1 mais je ne jouais pratiquement plus.  »

 » Bizarrement, c’est à cette époque que j’ai été repris en équipe nationale U19  » dit-il.  » Je faisais partie des quatre ou cinq meilleurs attaquants du pays dans ma catégorie d’âge. J’ai marqué cinq buts en dix matches. Dans l’équipe, il y avait Kevin De Bruyne, il était beaucoup plus fort que les autres.  »

Titre et Coupe avec Ludogorets

En janvier 2011, Kabasele était prêté au FC Malines.  » Le club cherchait un remplaçant à Christian Benteke, blessé au genou. En tout, j’ai joué quatre matches et j’ai inscrit un but sur un corner de Julien Gorius. Malines n’a pas levé l’option et je suis revenu à Eupen. Mais le club était désormais aux mains d’Allemands qui me dirent rapidement que je pouvais partir. Mon agent m’a alors placé en Bulgarie, à Ludogorets Razgrad.  »

Si ce club évolue aujourd’hui en Ligue des Champions, il venait alors de monter et ce n’était pas une destination de rêve.  » Ils m’avaient vu jouer à Malines. La Bulgarie ne me disait pas grand-chose, je trouvais que j’étais trop jeune pour partir à l’aventure mais Wolfang Frank, qui entraînait Eupen à l’époque, me conseilla d’y aller pour avoir du temps de jeu.

Les débuts furent difficiles car j’étais blessé et à l’écart du groupe. Finalement, j’ai inscrit sept buts en quinze matches, dont quatre en coupe. J’étais rarement titulaire. Cette saison-là, nous avons remporté le championnat et la coupe.

Ce transfert m’a rendu plus mur. Je me suis retrouvé tout seul au beau milieu d’une société pas très ouverte et plutôt raciste. Je pense que je me suis bien débrouillé dans ces circonstances. Je m’entendais bien avec Alexandre Barthe, un Français, et avec le capitaine, Emil Gargorov, qui avait joué à Strasbourg. Je sortais rarement, il n’y avait rien à faire.  »

Après un an, alors qu’il commençait à trouver ses marques, il reçut une offre de Zorya, un club ukrainien.  » Mais je n’avais pas envie de changer de club chaque année. Juste avant le stage, l’entraîneur de Ludogorets, Ivalyo Petev, m’a téléphoné pour dire que je ne pouvais pas accompagner le groupe parce que j’avais refusé d’aller à Zorya. Bizarre car, quelques mois plus tôt, il m’avait dit qu’il était très content de moi. Mon monde s’écroulait : j’avais fait passer le sport avant l’aspect financier et on me punissait.  »

Reconversion

Kabasele rompait avec son manager et contactait un dirigeant d’Eupen, club désormais aux mains d’investisseurs qataris. Josep Colomer le directeur sportif, était disposé à lui accorder une chance à condition qu’il effectue un test.  » Alors que j’étais un produit du club et que je ne coûtais rien… Ce n’est qu’à deux semaines du début du championnat qu’on me fit signer un contrat.  »

A l’époque, tout le monde voyait encore en Christian Kabasele un attaquant. Jusqu’à ce que, au début de la saison 2013-2014, l’entraîneur espagnol Bartolomé Marquez Lopez le fasse passer derrière. Kabasele, pensant qu’il s’agissait d’un dépannage, accepta.

 » J’entamais ma dernière année de contrat et je ne voulais pas faire le difficile. Ça se passait bien, mes équipiers m’appelaient même Desailly ou Thuram. Mais moi, je me voyais toujours plutôt comme Thierry Henry. Jusqu’à ce que l’entraîneur me dise que je resterais derrière.  »

 » J’admets qu’en pointe, je n’étais pas assez efficace. Et je me suis fait à l’idée de ne plus jouer devant. Les coups, désormais, c’est moi qui les donne. Et au lieu de regarder des vidéos de Henry sur YouTube, je regarde celles de Vincent Kompany.  »

 » Je sais que je dois encore progresser au niveau du placement et de la relance. Mon apprentissage n’est pas terminé. Je regarde beaucoup de vidéos pour étudier le placement des défenseurs sur les buts et voir ce qui n’a pas été. Mais c’est en jouant beaucoup que je vais progresser.  »

Et à Genk, où il avait signé dès janvier mais n’est arrivé qu’en juin, il joue beaucoup.  » J’avais d’autres propositions mais je me suis dit que c’était mieux de rejoindre directement un grand club. Sans vouloir être prétentieux, dans trois ans, je veux jouer dans un plus grand championnat. Cette ambition, c’est ma force. Je ne suis plus timide.  »

Lors du premier match de championnat, il était sur le banc. Puis Emilio Ferrera fut limogé et Kabasele fut directement titularisé pour ne plus jamais quitter une des défenses les plus imperméables du championnat.

 » Tout est allé plus vite que prévu. Je comprends que les fans se demandaient pourquoi avoir transféré un défenseur inexpérimenté de D2 alors que le club venait de toucher 8 millions pour la vente de Kalidou Koulibaly. Moi aussi, j’étais surpris mais c’est à moi de saisir cette chance.  »

PAR MATHIAS STOCKMANS – PHOTO: BELGAIMAGE

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