Avant-arrière

L’adjoint d’Ariel Jacobs décortique le jeu des Loups.

Homme de l’ombre, Patrick Wachel est le fidèle adjoint d’Ariel Jacobs depuis deux ans à La Louvière. L’entraîneur principal des Loups, qui avait appris à le connaître durant son passage à la fédération, l’apprécie pour ses compétences et s’est souvenu de lui lorsqu’il a été appelé à composer son staff au Tivoli.  » Lorsque j’ai rejoint Ariel Jacobs à La Louvière, en novembre 2001, l’équipe comptait un point sur 21 « , se souvient Patrick Wachel.  » Les débuts furent difficiles. Au cours du premier match au Tivoli, qui avait permis d’arracher un point contre Lommel, le public avait sifflé. Un remplacement, qui avait été jugé trop peu audacieux, n’avait pas plu. Depuis lors, je pense que beaucoup de monde a revu son jugement « .

Quelles sont les principales qualités que vous reconnaissez à Ariel Jacobs ?

PatrickWachel : Avant tout, j’estime que c’est un homme extrêmement organisé. Cela se voit dans son boulot et cela se reflète également dans la manière de jouer de l’équipe. Ensuite, c’est un homme très sérieux et un grand travailleur, qui passe un nombre d’heures incalculable au service du club. Enfin, c’est un homme qui  » sent  » le football et qui sait transmettre ce qu’il ressent.

Au fil de ces deux années à La Louvière, une évolution a été perceptible au sein de l’équipe…

Lorsqu’il est arrivé, Ariel Jacobs a d’abord procédé à une évaluation du matériel humain disponible. Le premier objectif fut de prendre rapidement le plus de points possible, afin de maintenir le club en D1. Il a donc élaboré un système de jeu susceptible de convenir aux joueurs en place. On l’a taxé d’entraîneur défensif, parce qu’il évoluait avec un libero. Mais est-on nécessairement défensif pour cela ? Le libero peut aussi évoluer devant ses deux stoppeurs. L’un des deux stoppeurs peut aussi monter d’un cran, à charge pour le libero de prendre sa place en défense. L’équipe se reconvertit alors dans un schéma offensif. Au terme de cette saison 2001-2002, qui avait vu La Louvière se maintenir assez aisément, Ariel Jacobs a procédé à une nouvelle évaluation et a défini le profil de joueurs qu’il faudrait engager pour renforcer l’équipe. Deux problèmes se posaient : d’une part, la cellule scouting était peu performante, et d’autre part, le budget était fort limité. Ariel Jacobs, Roland Louf et moi-même avons donc prospecté dans les divisions inférieures. Dans l’équipe CFA de Lille, par exemple, où nous avons découvert Michaël Klukowski et Mehdi Guerrouad, engagés directement, et Serge Djamba-Shango, qui allait rejoindre le Tivoli un an plus tard. Cette politique a bien fonctionné, puisque nous avons terminé le championnat 2002-2003 avec 40 points tout en remportant la Coupe. Cet été-ci, nous avons procédé de la même manière, en essayant encore d’avoir le nez fin pour les transferts tout en engageant des joueurs pour un rôle plus spécifique. On avait, par exemple, besoin d’un arrière droit : ce fut George Blay. On avait aussi besoin d’un joueur capable de jouer à la fois à l’arrière droit et en défense centrale, pour palier d’éventuelles défections : ce fut Oguchi Onyewu. On avait besoin d’un demi défensif, pour compenser les départs d’Alan Haydock et de Didier Ernst : ce furent Daniel Camus et Maâmar Mamouni. On a également transféré les joueurs en fonction du dispositif dans lequel on souhaitait voir évoluer l’équipe. Malgré un budget encore plus réduit, on ne s’est pas beaucoup trompé dans les choix. A ceux qui prétendent que l’engagement de Gunter Vanhandenhoven est un échec, je répondrai qu’il faut se montrer patient avec lui. Il a été longtemps blessé, mais il reviendra. La saison dernière, Peter Odemwingie n’était pas prêt dès le départ non plus : il avait évolué en Réserve jusqu’en décembre et n’a intégré l’équipe Première qu’en janvier, mais avec quel succès ! Ce que je peux dire, aujourd’hui, c’est que le noyau est désormais très équilibré, tant en largeur qu’en profondeur. S’il faut effectuer deux ou trois changements, le niveau de l’équipe ne s’en ressent pas.

Le dispositif souhaité qui a guidé vos choix durant la période des transferts, c’était le 4-4-2 ?

Parfois, il existe peu de différences entre le 4-4-2, le 4-4-1-1, le 4-3-3 et le 4-5-1. Selon que le demi offensif joue plus haut ou plus bas, l’équipe évolue avec deux attaquants ou un seul. C’est pareil avec les joueurs de flanc : selon qu’ils jouent plus haut ou plus bas, on a un 4-3-3 ou un 4-5-1. L’essentiel est d’avoir des principes de base immuables. Certaines conceptions reviennent fréquemment dans le jeu de La Louvière. Par exemple, nous essayons de ne pas jouer trop latéralement, mais d’appliquer le principe avantarrière. J’entends par là qu’au lieu de tabler sur une progression défense-entrejeu-attaque, on demande au défenseur de rechercher dans un premier temps un joueur profond. Celui-ci remise alors vers un joueur d’entrejeu qui, à son tour, essaye d’alerter l’attaquant de pointe.

La tactique a aussi évolué depuis l’arrivée d’Ariel Jacobs au Tivoli…

J’ai lu, que ces deux dernières saisons, La Louvière avait évolué avec un libero en raison de la présence de Domenico Olivieri. C’est vrai, mais ce n’était pas l’unique raison. Pour jouer avec une défense à quatre en ligne, il faut des défenseurs centraux rompus à ce système, mais aussi des joueurs de flanc qui sont à l’aise dans un tel dispositif. Or, ces joueurs de flanc-là, nous ne les possédions pas la saison dernière. Avec l’arrivée de Georges Blay, entre autres, La Louvière est désormais capable d’évoluer à quatre derrière. C’est aussi une qualité, pour un entraîneur, d’être capable de s’adapter aux joueurs dont il dispose.

Généralement, une équipe qui possède des automatismes évolue durant une longue période avec une composition identique et un système de jeu fort stable. Or, La Louvière a souvent changé de joueurs et de dispositif, tout en demeurant performante…

C’est dû au travail effectué à l’entraînement. Régulièrement, on soumet les joueurs à des exercices poste par poste, mais les différents postes sont occupés à tour de rôle pour tous les joueurs susceptibles d’occuper ces postes. Un jour tel joueur évolue en défense à l’entraînement, le lendemain il évolue dans l’entrejeu. Pour un autre, c’est un jour à gauche, le lendemain au centre. De cette manière, ils s’habituent à différentes situations, et connaissent à la fois leur rôle et celui de leur partenaire le plus proche. Ariel Jacobs a aussi l’art de doser ses entraînements : il inculque toujours les mêmes principes, comme l’ avantarrière dont j’ai parlé précédemment, mais en les présentant différemment, afin que les exercices ne soient pas trop répétitifs. Ces principes de base se retrouvent dès l’échauffement et se poursuivent durant toute la séance. Pour les joueurs, cela devient alors une manière de penser, et forcément de jouer. En début de saison, on évoluait dans un dispositif que l’on pouvait définir comme un 4-5-1 en phase de récupération et un 4-3-3 en phase de possession du ballon. C’est dans ce dispositif-là qu’il y a le moins de déplacements de joueurs entre la période où l’on défend et celle où l’on attaque.

On prétend que La Louvière est plus offensive, cette saison…

Qu’est-ce que cela signifie, jouer offensivement ? Est-ce passer beaucoup de temps dans la partie de terrain adverse, est-ce se créer de nombreuses occasions de but, est-ce développer un jeu spectaculaire ? En ce qui me concerne, je retiendrai plutôt la première réponse, et dans cette optique-là, La Louvière n’est pas plus offensive qu’avant. Par contre, nous nous créons davantage d’occasions et notre jeu est sans doute plus spectaculaire. La Louvière n’a pas le niveau technique suffisant pour évoluer de la même manière qu’Anderlecht : nos joueurs ne sont pas faits pour enchaîner 60 passes d’affilée et terminer le match avec 70 % de possession du ballon. La circulation du ballon ne constitue pas un objectif en soi. L’objectif, c’est d’être efficace. A La Louvière, on essaye de jouer assez haut et de rechercher les attaquants en profondeur, le plus rapidement possible, pour profiter de leur vitesse.

La concurrence a aussi fait son apparition. A beaucoup de postes, on trouve deux joueurs pour une place, ou trois joueurs pour deux places. Comment gérez-vous cette situation ?

Bien. Mais c’est aussi une conséquence du soin que l’on apporte au niveau du recrutement. Lorsqu’on engage un joueur, on s’attarde bien sûr sur ses qualités footballistiques, mais on prête également une grande attention à sa mentalité. On joue comme on s’entraîne, et le joueur qui traîne les pieds à l’entraînement se montrera rarement performant en match. Ces joueurs qui savent que l’entraînement n’est pas un amusement mais un travail savent aussi qu’ils doivent se battre pour leur place en match. En outre, ce sont pour la plupart des jeunes joueurs, qui acceptent de rester une semaine sur la touche : c’est dans leur intérêt d’être ménagés. Dans cette optique, le fait de disputer désormais les matches de Réserve le lundi est une bonne chose : ceux qui n’ont pas joué en équipe Première le week-end peuvent se rattraper. La semaine dernière, on a par exemple retrouvé en Réserve dix joueurs qui n’avaient pas joué contre l’Antwerp avec l’équipe Première le dimanche.

Ariel Jacobs a-t-il les capacités pour entraîner un grand club ?

Sans aucun doute.

Daniel Devos

 » La Louvière n’est pas plus offensive qu’avant. Elle se crée davantage d’occasions  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire