Auto-défense

Pierre Bilic

Expédié deux fois au tapis, les Rouches comptent sur leur nouveau puncheur pour relever le gant à Mouscron.

Le Standard devra sortir dare-dare sa caisse à outils pour réparer le moteur cassé par deux défaites consécutives qui ont réduit à néant sa bonne fin de premier tour.

Les Liégeois avaient bel et bien relancé le championnat en gagnant chez de grosses pointures, à Gand et à Bruges, où ils ne durent pas faire le jeu, avant d’être incapables de résoudre les problèmes tactiques posés par le RWDM (une solide agressivité à la récupération, une attaque plus technique que physique sans Alexandre Kolotilko) et par St-Trond qui ferma bien la porte devant son gardien de but et joua en contres. Le Standard devait à tout prix neutraliser Danny Boffin. Cela n’a pas été fait et cette Mobylette de 37 ans a grillé la défense du Standard, marqué un but, préparé le deuxième…

L’excuse des absents pour blessures, suspensions et CAN a été avancée mais n’explique pas la médiocrité affligeante du spectacle après le repos. Cette formation est évidemment plus forte avec Eric Van Meir, Joham Walem, Ali Lukunku, un Michaël Gossens en possession de tous ses moyens, Ole-Martin Aarst et consorts.

« Pour jouer un rôle dans la course au titre, nous devrons désormais flirter avec la perfection », affirmait Michel Preud’homme après la déconvenue face à St-Trond. C’est dire si les attentes à l’égard de Robert Spehar seront énormes.

« Je suis venu afin d’aider le Standard à gagner le titre », disait-il la semaine passée.

Le Croate (31 ans) n’a pas changé d’avis mais sait, pour avoir suivi Standard-St-Trond, que ce sera difficile. Mais cela n’effraye pas un gaillard à la motivation toujours aussi solide: « Je suis meilleur et plus complet que du temps de Bruges. J’ai roulé ma bosse à travers l’Europe et j’y ai acquis beaucoup de vécu. La maturité a fait son oeuvre ».

De nombreux contacts

Où en êtes-vous physiquement?

Robert Spehar: Je ne tarderai pas à avoir une bonne vitesse de croisière. J’ai quitté Galatasaray le 10 novembre car ce club ne me payait pas. Je n’ai pas reçu un seul dollar durant les deux mois passés en Turquie. J’ai donc déposé plainte à la FIFA contre ce club. Je me suis bien entraîné à Osijek durant deux mois et le Standard a découvert, je pense, un joueur au potentiel physique et technique intact. Je suis aussi ambitieux que lors de ma première arrivée en Belgique, à Bruges, et cette envie de gagner colle avec les buts du Standard. L’un ou l’autre match plus difficile n’y change rien, il faut viser haut, on m’a parlé du titre avant que je signe au Standard jusqu’en fin de saison, j’y crois. J’ai envie de rejouer en compétition après deux mois faits uniquement d’entraînements. J’ai eu de nombreux contacts: Hajduk Split, Dynamo Zagreb, des clubs généreux au Japon, en Chine et en Corée. Je préférais trouver une piste dans un autre pays d’Europe afin de mieux rencontrer mes ambitions et je m’étais fixé un délai: février. Au-delà, j’aurais accepté la proposition du Dynamo ou d’Hajduk jusqu’en été.

Que représente le Standard?

Quand le Standard m’a contacté, je me suis dit: -C’est exactement ce que j’attendais. J’en avais déjà parlé avec Luciano D’Onofrio et cela entra vite dans une phase décisive. Cela me bottait car ce sera un bon tremplin pour repartir ou, pourquoi pas, rester au Standard. Je n’ai que trois mois pour convaincre mais je crois en moi comme toujours. Le but, c’est le titre, on me l’a dit ouvertement et on ne m’aurait pas fait venir si le club n’était pas ambitieux.

Vous souvenez-vous encore de Bruges?

Oui. Je n’oublierai jamais les deux saisons passées là-bas. Le football belge a été très important dans mon profil de carrière. J’appréciais le public brugeois. Il m’a tout donné, son soutien, son estime, et je lui ai rendu tout ce j’ai eu la force de réaliser dans ce club: des buts, un titre avec l’équipe, de bonnes choses en Coupe d’Europe et meilleur réalisateur de D1. Je suis fier de cela mais je suis un pro, donc Standardman à fond afin de vivre les mêmes choses à Sclessin. J’ai déjà cinq ans de plus au compteur. C’est un atout. J’ai eu des hauts et des bas, des joies et des problèmes, des périodes durant lesquelles je jouais et d’autres pas dans de grands clubs européens où la concurrence est énorme au quotidien: c’est enrichissant. Tout va vite, les clubs n’ont plus le temps d’attendre. Quand un joueur est blessé, on en achète un autre car la loi de résultats est sans pitié en foot: il faut gagner. Quand un blessé revient, le club a trouvé d’autres solutions car il en va de sa survie et de sa santé sur le plan sportif et économique.

Plus cher que Klinsmann

La patience n’est donc pas l’alliée des joueurs?

Le club n’a pas le temps de vous attendre et un joueur doit intégrer cette réalité et celle du turn over. A l’AS Monaco, Jean Tigana m’appréciait beaucoup et il y avait quatre éléments pour deux places à l’attaque: Victor Ikpeba, Thierry Henry, David Trezeguet et moi. J’évoluais aussi en soutien d’attaque. J’ai bien débuté avant d’être blessé (voûte plantaire) durant quatre mois. Je suis revenu, j’ai été le meilleur buteur de Monaco en Coupe de l’UEFA. Après, j’ai marqué un but en demi-finale de Ligue des Champions à la Juventus. Je suis fier d’avoir joué à Monaco et, à cette époque, j’étais le plus gros transfert de l’histoire de ce club. J’étais plus cher que Jürgen Klinsmann.

Monaco avait vendu Sonny Anderson au Barça et aurait pu acheter qui bon lui semblait car il y avait de l’argent en caisse. Monaco m’a choisi. C’était un honneur. J’avais signé pour une période de quatre ans mais après deux ans, Vérone est venu. L’Italie était un rêve de gosse. J’avais 29 ans, c’était le moment ou jamais car c’est plus difficile d’y aller quand on a passé le cap de la trentaine. A Monaco, Henry et Trezeguet étaient installés. J’ai tenté ma chance mais mes adducteurs me posèrent vite des problèmes. On me proposa des tas de thérapies. Finalement, c’est le docteur Nebojsa Popovic, par ailleurs actif dans le staff médical du Standard, qui m’opéra à Liège. Depuis un an et demi, je ne sens plus rien. Cette pubalgie m’a contrarié tant à Vérone qu’au Sporting de Lisbonne. J’étais au Sporting au moment de l’opération.

Et votre bilan au Sporting de Lisbonne?

Au Portugal, je ne jouais pas mal, j’ai même marqué consécutivement huit buts en huit matches (cinq en championnat, trois en Coupe) mais Joao Pinto était un monument. Il a retrouvé sa place après sa blessure. Je suis arrivé en Belgique à 25 ans. Je n’avais pas énormément de temps devant moi pour réaliser mes ambitions. C’était le temps encore le temps de la guerre en ex-Yougoslavie. Je voulais tout essayer pour réussir et mon étape la plus importante fut celle de Bruges. C’était tout ou rien, le début d’une belle carrière ou le retour à Osijek. J’ai réussi à Bruges, heureusement, et en six ans, j’ai joué en Belgique, en France, en Italie, au Portugal et en Turquie.

Chaque club où j’ai été est de qualité, peut-être pas la crème de la crème, mais ce sont des valeurs sûres. Le problème n’est pas de savoir si j’ai tout le temps joué dans ces clubs c’est de voir qu’ils m’ont tous voulu. Si j’avais quitté la Croatie à 19 ans, j’aurais pu bâtir plus calmement ma carrière. Je n’ai eu que six ans pour parcourir ce chemin: c’est finalement un petit miracle. Sans la guerre, j’aurais pu être plus loin mais je suis tout de même très satisfait et c’est loin d’être fini.

Ne dit-on pas que vous avez un caractère très fort?

Je suis un homme de principes. Si je ne m’étais pas tenu à ma vision des choses et d’une certaine droiture, j’aurais pris part à coup sûr, avec l’équipe nationale croate, à la Coupe du Monde 98 et à l’EURO deux ans plus tôt. Il y a eu des combines mystérieuses dans les choix de Ciro Blazevic et je me suis retiré. Je regrette d’avoir raté ces aventures mais je suis fier d’avoir respecté mes idées. La vie est trop courte pour céder face à l’injustice. Je dis ce que je pense car rien ne vaut la vérité. Je n’ai jamais roulé ou volé personne. J’ai gagné de l’argent, beaucoup même, c’est une forme de réussite, et j’ai aidé ma famille et mes amis. Je ne permets pas à ceux qui ne me connaissent pas de dire que j’ai un caractère difficile. Je respecte tout le monde. Quand j’étais gosse, mon père a été convoqué à l’école car je m’étais battu. J’avais répliqué et mon père m’a dit: -Si tu avais frappé le premier, tu m’aurais entendu. Ne le fais jamais. Bien sûr, si on te touche, défends-toi. Je n’ai jamais oublié ces paroles. Est-ce que cela veut dire que je suis difficile? Je ne crois pas. A Bruges, je me suis élevé contre la façon dont ce club annonçait le départ de ses joueurs.

Le double jeu de Van Hove

D’où de grosses discussions avec le secrétaire général Antoine Van Hove…

Il y a eu des histoires lors de chaque grand transfert vers un autre club: Paul Okon, Mario Stanic, moi, etc. Antoine Vanhove n’a jamais refusé de nous vendre. Au contraire, il le souhaitait, et je le comprends, car c’est de la bonne gestion sur le plan financier. J’ai fait gagner 200 millions de francs belges à son club après deux grandes saisons. Au lieu de me remercier, et de se quitter en amis, il a déclaré la guerre. Par rapport aux supporters qui voulaient me garder, il a expliqué que je souhaitais absolument partir. Or, il pouvait refuser l’offre de Monaco mais ne l’a pas fait, il n’a rien dit, n’a pas expliqué aux supporters de Bruges que c’était un départ normal. J’étais dépeint comme un traître alors que le club se frottait les mains et a gagné le plus dans ce transfert. Bruges m’avait payé 30 millions à Osijek. Voilà qui méritait au moins une coupe de champagne quand Monaco a déposé 200 millions sur la table, non?

Bruges ne vous avait-il pas proposé un nouveau contrat?

Oui, en début de championnat, j’ai été sur le point de signer un nouvel accord. C’était bon, mais Monaco est arrivé après mes trois buts à Gand. Je n’avais pas encore resigné à Bruges. Le débat changeait. Je n’ai pas joué en Coupe d’Europe à Maribor car j’étais blessé. Cela dit, si je m’étais aligné en Slovénie, le transfert à Monaco aurait été reporté d’un an car je n’aurais pas pu jouer avec ce club en Coupe d’Europe. J’aurais été transféré à Monaco en fin de saison pour rien. Qui avait intérêt à ce que ce transfert se réalise au plus vite? Bruges et moi. Vanhove n’était pas de marbre. Il a joué double jeu pour gagner via le transfert et ne pas perdre la face à l’égard des supporters. Je ne l’ai pas admis et je ne le ferai jamais. Je ne lui en veux pas mais si on m’attaque, je me défends pour la vérité et afin que le supporters de Bruges, que je respecte toujours, n’entendent pas que les sornettes de Vanhove. J’ai reçu beaucoup de lettres de Brugeois: ils ont compris. Mais on a parfois déformé mes propos.

Par exemple?

La deuxième année, à Bruges, j’ai marqué 26 buts, meilleur buteur en D1, mais Bruges termina deuxième. J’ai déclaré à un journaliste et je le jure sur la tête de mes enfants: -J’échangerais mon titre de buteur pour celui de champion. Je suis fier de mes 26 buts mais le titre, c’est mieux. C’est devenu: -Sans mes 26 buts, Bruges n’aurait même pas été deuxième. Comment réagir à cela alors que la Belgique entière avait lu cela? De quoi avais-je l’air? C’était comme si j’avais craché sur tout le vestiaire. Or, je me suis toujours bien entendu avec le groupe.

Trompé par Galatasaray

A Mouscron, dimanche, vous jouerez contre un ancien équipier du Sporting de Lisbonne et de Galatasary.

J’ai connu Mbo Mpenza au Sporting de Lisbonne et nous avons été ensemble à Galatasaray. Un très bon joueur et un homme droit et correct. Moi, j’ai été sur le banc en Turquie et en Coupe d’Europe. Mbo n’a même pas pas eu droit à cela, je crois; il s’est entraîné, c’est tout. C’est quand même significatif à propos des intentions de Galatasaray. De loin, on peut dire: -Ils n’ont pas joué, ils ont été écartés. C’est faux. Mbo ne prouve-t-il pas qu’il est compétitif à Mouscron? Galatasaray se débat pour le moment dans de gros problèmes financiers. Son souci était de se débarrasser d’un très gros contrat comme celui de Jardel.

Le Brésilien avait une touche avec le Sporting de Lisbonne mais, pour y aller, Galatasaray devait accepter d’inclure trois joueurs du Sporting dans la réalisation de ce transfert: Mbo, Horvath et moi. Je me suis dit que c’était chouette. Galatasaray est un grand club européen. J’étais tenté, j’ai signé. J’aurais pu rester au Sporting comme j’aurais pu rester quatre ans à Monaco. J’avais d’ailleurs encore un an de contrat au Portugal où j’avais bien entamé la saison. Mais quand on achète Jardel, c’est par pour le banc. Je n’ai pas hésité quand Galatasaray ne proposa deux ans de contrat. En réalité, les Turcs ne me voulaient pas malgré ce contrat qu’ils me proposaient et sans lequel ils n’auraient jamais pu vendre Jardel au Sporting.

On m’a dit que je serais le successeur de Jardel et le Sporting me libéra gratuitement. Je me suis vite rendu compte qu’il y avait un problème. Je ne savais évidemment pas tout cela quand j’ai signé. J’aimais beaucoup l’ambiance de Galatasaray et du championnat turc mais le club n’a pas respecté le contrat. L’affaire est devant les tribunaux, je suis en droit, et je sais que la FIFA défend les joueurs dans mon cas. Lucescu, le coach de Galatasaray, m’a aligné une fois avec Horvath et était très content. L’expérience ne fut pas renouvelée. J’ai été trompé par Galatasaray.

Dia 1

Pierre Bilic

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire