Aucun danger d’attraper le melon

20 ans, bourré de talent et les pieds sur terre. Rendez-vous avec le nouveau prince du football belge.

On a beau essayer, impossible de faire un portrait au vitriol d’ Axel Witsel. Question frasques, côté sombre, excès en tous genres, on repassera. Les tabloïds anglais sont donc prévenus : si le Soulier d’Or 2008 débarque un jour en Premier League, il ne devrait pas les aider à grossir leurs pages à sensation. Witsel, c’est plutôt simplicité et disponibilité.

Fêter avec Maude, sa fiancée, et sa famille, le gain de la godasse dorée dans un snack-pitta, voilà qui en dit long sur le personnage… Pas de chichi, pas de fracas, une after Soulier d’Or finalement peu en phase avec l’élection schoenesque et ses à-côtés.

 » Je ne le vois pas attraper le melon un jour « , assure Jonathan Rodaye, meilleur ami d’Axel depuis qu’ils ont dix ans.  » La médiatisation est arrivée très tôt. Mais je n’ai jamais vu de changements dans son comportement. Tout juste me disait-il quand il allait passer à la télé.  »

Axel, un gars bien dans ses baskets, dans son époque. Aidé par un cocon familial a l’écoute et particulièrement attentif à son évolution.  » Je sais que le plus dur reste à venir « , précise, Sylvie, sa maman.  » On va l’attendre au tournant après son Soulier d’Or et analyser ses moindres faits et gestes. C’est comme ça, c’est le revers de la médaille.  »

Siramana Dembélé (son  » grand frère  » comme l’appelle Axel, actuellement en Israël au Maccabi Petach-Tikva) n’a pas la moindre crainte quant aux dangers de la célébrité :  » Il est bien trop intelligent pour ça. Et sa grande chance est qu’il a une famille exemplaire sur qui compter. J’en suis fan : de son père Thierry, de Sylvie, de sa s£ur Whitney. J’essaye de les avoir chacun régulièrement au téléphone depuis que j’ai quitté le Standard. Et quand j’ai appris qu’Axel avait reçu le Soulier d’Or, j’en ai eu des frissons. Pour l’anecdote, je lui avais offert symboliquement mon maillot lors de sa première apparition en équipe première. C’était le 17 septembre 2006 face au Brussels…  »

Depuis, une ascension crescendo : première titularisation en février 2007 contre le Lierse, premier but face à Roulers le 18 mars, première cape et premier but avec les Diables en mars 2008 face au Maroc et, un mois après, premier titre de champion de Belgique face à Anderlecht.

 » J’ai la technique des quartiers « 

Aujourd’hui, on est à l’heure de la coupe d’Europe. Une scène qu’a particulièrement éclaboussée de sa classe le numéro 28 liégeois lors des doubles confrontations face à Liverpool et Everton.  » On s’y sent bien. On se fait plaisir « , explique Witsel le plus simplement du monde. Une fraîcheur, une insouciance qui lui permettent de mettre un petit pont précédé d’une roulette à l’international espagnol, Xabi Alonso, lors du match aller face aux Reds. C’est le côté funky du personnage. Un jeu fait d’élégance et d’inventivité :  » J’ai la technique des quartiers : des semelles et des prises de balle que l’on apprend en jouant dans les agora spaces, ( ndlr,les petits terrains synthétiques construits en zones urbaines ) de la région. Avec mes amis de la cité de Vottem, où j’ai grandi, on allait défier les gars d’Ans ou de Droixhe. On faisait des 5 contre 5 et l’équipe qui perdait quittait le terrain. Avec Jonathan et NacerChadli (qui évolue aujourd’hui à Appeldoorn, en D2 hollandaise), mes deux meilleurs amis, je peux vous assurer qu’on le quittait rarement « , sourit-il.

Un écolage parallèle indispensable :  » Ma technique, c’est là-bas que je l’ai développée. On avait beau avoir une excellente formation au Standard, le foot de rue vous apprend énormément. Même physiquement, car si tu ne mets pas le pied, tu n’existes pas, d’autant que tu joues parfois contre bien plus vieux que toi. Si on regarde le jeu de gars comme Vincent Kompany ou AnthonyVanden Borre, on voit des similitudes avec le mien, on voit qu’ils sont aussi passés par-là.  »

 » Le foot, c’était partout et tout le temps  » (Son meilleur ami, Jonathan Rodaye)

 » On jouait comme des forcenés « , poursuit Jonathan Rodaye.  » Quand Axel rentrait d’un match le dimanche avec les Nationaux du Standard, il venait sonner chez moi et on partait taper la balle. On ne sentait pas la fatigue : le foot, c’était partout et tout le temps. Ça nous arrivait même de se passer la balle au-dessus des voitures qui passaient. Ça ne faisait pas rire tout le monde, mais c’était juste des trucs de gamins. Avec Axel, j’ai quand même fait les 400 coups… « 

 » Enfin, pas des trucs de gangster, style braquage ! « , tempère en rigolant, la mère. On vous le disait, rien d’explosif là-dessous…

Un terme revient à chaque fois chéz toutes les personnes interrogées : son sérieux. Et ce, depuis très jeune.  » C’était quelqu’un d’extrêmement sobre, de très attentif (NDLR, l’interview de Frankie Vercauteren en page 56 le montre avec éclat) « , pointe Frédéric de Biolley, délégué d’Axel au Standard chez les -12 et les -14.  » A son arrivée, il n’était peut-être pas le plus doué techniquement, mais il avait une faculté impressionnante à lire le jeu. On l’avait surclassé dans les catégories de jeunes pour qu’il se frotte à des joueurs plus costauds. Et il s’est très vite mis au diapason physiquement. Les données tactiques, il les respectait à la lettre. Sa maturité footballistique lui permettait d’avoir régulièrement le dessus à son poste de milieu défensif. Evidemment, il était bien aidé par son père, qui le suivait sans arrêt en bord de terrain. Mais ce n’était pas un parent hystérique comme on peut malheureusement en voir dans les matches de jeunes. Un gars posé, strict et juste.  »

Axel Witsel :  » Mon père n’était pas toujours facile. Il était très exigeant. Encore aujourd’hui. Après le match face à Séville, par exemple, tout le monde est venu me féliciter. Lui a directement insisté sur les deux ballons perdus. C’est sûr qu’avec lui, je ne suis pas prêt à m’enflammer trop vite… « 

Pourtant, ce pourrait être le cas en voyant s’agrandir continuellement le listing des clubs tombés sous le charme (voir article plus loin). Très tôt déjà, vers 15-16 ans, des mastodontes comme le Real Madrid ou Arsenal sont venus taper à la porte du père avec des propositions sérieuses et flatteuses.

Un instant, on a cru poindre un zeste d’esbroufe lors d’une interview pré-Soulier d’Or accordée à la presse écrite où l’on pouvait lire : -J’ai ma place à Arsenal.  » Je voulais dire que dans ce match, les Gunners n’avaient pas été bons…  »

Une réserve aux déclarations tapageuses qui confine parfois à la timidité. Même s’il assure :  » Quand je dois dire quelque chose dans le vestiaire, je le dis.  » On reste à bonne distance tout de même de son pote des sélections nationales de jeunes, Jonathan Legear.  » C’est vrai qu’Axel est quelqu’un de calme par rapport à moi « , clame l’Anderlechtois.  » Dans chaque vestiaire où je suis passé, j’ai toujours été dans le top cinq de ceux qui mettent l’ambiance. Axel est plus réservé. Malgré nos caractères quelque peu opposés, on a toujours voulu partager notre chambre lors des mises au vert. Quand on est à deux, on se vanne tout le temps. Je dois avouer que je suis plus entreprenant que lui dans la blague. Lui a davantage l’image d’un garçon exemplaire…  »

La panoplie bling-bling, très peu pour lui

Dans la posture, rien à voir avec le flamboyant Legear non plus :  » J’aime bien être différent des autres. Axel est plus sobre. Mais viendra peut-être un jour où il me ressemblera davantage… « 

 » Quand on se rend en ville, on se dirige vers les grandes chaînes de vêtements que je peux me payer et que les jeunes peuvent généralement se payer « , ajoute Jonathan Rodaye.  » Porter des grandes marques pour se la raconter, c’est pas trop son truc. « 

Peu sensible à la panoplie bling-bling qu’arborent nombreux de ses partenaires, chez Witsel on ne trouve aucune grosse bagouse à l’horizon, ni de bolide surtuné. Reste qu’il est difficile ne pas évoquer l’argent qui accompagne un avenir sportif prometteur.  » Très honnêtement, l’argent ne m’obnubile pas. Si, comme beaucoup, j’aime bien les belles voitures, je n’en fais pas une obsession. C’est comme les fringues. Pas besoin d’en mettre plein la vue.  » Simplicité qu’on vous disait…

Dans la gestion sportive quotidienne, le nouveau Soulier d’Or passe pour le joueur idéal. Travailleur sur le terrain, disponible avec la presse, absence de coups de folie. On imagine donc assez mal la direction liégeoise aller au clash avec Witsel lors de prochaines négociations, comme cela a pu être le cas récemment avec MilanJovanovic et MarouaneFellaini.  » Chacun sa manière de faire « , avait-il souligné avec humour le  » cas Fellaini  » (qui avait menacé de casser son contrat en utilisant la loi 78 durant l’été 2007) après avoir signé le sien jusqu’en 2013. Une durée qu’il n’effectuera vraisemblablement pas en rouche. Reste à en profiter un maximum pour tous les amateurs de raffinement footballistique.

par thomas bricmont- photos: belga

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